Service des Commissions

LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES DU SENAT

ADOPTE UNE QUESTION PREALABLE

A L’ENCONTRE DU PROJET DE LOI TRENTE-CINQ HEURES

 Réunie le mardi 7 décembre 1999, sous la présidence de M. Jean Delaneau (RI - Indre et Loire), la commission des Affaires sociales a adopté, en nouvelle lecture, une question préalable à l’encontre du projet de loi trente-cinq heures. Cette motion équivaut à un rejet du texte tel que rétabli par l’Assemblée nationale.

M. Louis Souvet (RPR - Doubs), rapporteur, a rappelé que le Sénat, tant lors du vote de la loi " de Robien " en 1996, que de l’examen de la loi " Aubry I " l’an dernier, s’était montré résolument favorable à une réduction de la durée effective du travail sur la base d’une démarche négociée entre les partenaires sociaux et adaptée à la situation de chaque secteur d’activité et de chaque entreprise.

En revanche, la Haute Assemblée s’était vivement opposée à la démarche retenue par le Gouvernement d’une baisse générale et autoritaire de la durée légale du travail.

Aussi, la commission a-t-elle décidé, sur proposition de son rapporteur, d’adopter une motion signifiant le rejet de l’impasse dans laquelle le Gouvernement s’obstine à engager notre pays depuis deux ans.

Elle a constaté que cette démarche isolait notre pays en Europe, risquait de lui faire perdre le bénéfice qu’il est en droit d’attendre de la croissance mondiale et ouvrait, de surcroît, un certain nombre de " boîtes de Pandore ", telles la revalorisation massive du SMIC et la perspective, dans les fonctions publiques, d’une baisse de la durée du travail assortie de nouvelles créations d’emplois grevant tant le budget général que les finances locales et les comptes sociaux.

Elle a insisté particulièrement sur le financement des exonérations de charges consenties qui lui a semblé fragile et paradoxal.

En effet, il repose, à 90 % en 2000, sur les droits sur les tabacs et sur les alcools, la taxation des heures supplémentaires et la taxe générale sur les activités polluantes, impositions qui présentent le point commun d’avoir moins pour vocation le rendement que la disparition de l’assiette sur laquelle elles sont assises, c’est-à-dire la lutte contre les " pratiques addictives " -au rang desquelles le Gouvernement place probablement les heures supplémentaires- et les activités polluantes.

De surcroît, ce financement, à terme, n’est pas assuré pour le tiers environ du coût supplémentaire du projet de loi.

La commission a souligné, à ce propos, que l’impact du dispositif d’exonération de charges sociales institué était impossible à évaluer dans ses conséquences, notamment sur l’emploi, car la clef de son financement et donc la nature des transferts de charges qu’il entraînera entre les agents économiques restaient indéterminées.

Elle a considéré, de surcroît, que la réduction de la durée légale du travail conduisait le Gouvernement à mettre en place une garantie mensuelle de rémunération au niveau du SMIC et à accepter, par avance, une revalorisation massive de son taux horaire sur cinq ans.

Elle a souligné qu’en dépit des aides qu’il comportait, le projet de loi aurait au total pour effet un renchérissement du coût du travail peu qualifié et rendrait plus difficile l’insertion des populations les plus fragiles et les moins formées, celles qui, précisément, bénéficient le moins des effets de la croissance.

Enfin, la commission a constaté que le projet de loi multipliait les atteintes au principe d’égalité entre les entreprises et entre les salariés, au droit à la négociation collective reconnu par le Préambule de la Constitution de 1946 et conférait à l’Administration un pouvoir discrétionnaire d’appréciation.