Service des Commissions
Donner à tous les Français la possibilité de se constituer une épargne retraite : les conclusions de la commission des affaires sociales
Jeudi 14 octobre 1999, dans le cadre de la " fenêtre " consacrée à l’initiative parlementaire, le Sénat examinera les conclusions de la commission des Affaires sociales sur deux propositions de loi de MM. Jean Arthuis et Charles Descours.
Pourquoi proposer aujourd’hui le vote d’une " proposition de loi visant à améliorer la protection sociale par le développement de l’épargne retraite " ?
Les propositions de loi déposées en mars dernier par M. Jean Arthuis et par M. Charles Descours ont toutes deux pour objectif de développer l’épargne retraite.
Après avoir montré(1) que le " diagnostic partagé " de la mission Charpin s’était avéré être un " diagnostic sans lendemain ", après avoir dénoncé l’attentisme du Gouvernement à entamer la " sauvegarde des régimes de retraite par répartition ", la commission des Affaires sociales souhaite que soit proposé aux salariés du régime général, le plus tôt possible, un mécanisme de retraite par capitalisation.
Le Parlement a pourtant adopté la loi du 25 mars 1997 créant les plans d’épargne retraite, dite loi Thomas, et qui répond aux enjeux essentiels.
Mais entre le Gouvernement et la loi Thomas, depuis le 19 juin 1997, c’est " je t’abroge, moi non plus ". Il réitère son intention de l’abroger, mais il ne le fait pas. Il ne l’applique pas non plus, au mépris des règles essentielles de notre droit.
L’épargne retraite concurrencera-t-elle les régimes de retraite par répartition ?
Comme l’indiquaient en 1982 deux économistes aux destinées brillantes, cessons d’opposer la répartition et la capitalisation " en des joutes oratoires forcément stériles "(2). Il serait absurde de considérer que la capitalisation remplacera la répartition, garante de la solidarité entre les générations. L’épargne retraite intervient en complément de la répartition. Comme le reconnaissait Jacques Delors dès 1994(3), " L'une des erreurs faite en France a été de ne pas expliquer qu'au-delà d'un minimum décent il fallait faire appel pour partie à la retraite par capitalisation (...) Le premier assure la solidarité pour tous, le second fait appel à la responsabilité et au sens de la prévoyance de chacun " Aujourd’hui, les fonctionnaires ont à leur disposition la " Préfon ", les non salariés peuvent bénéficier des contrats Madelin.
Au nom de quel " tabou " les salariés du régime général sont-ils exclus d’un dispositif de retraite par capitalisation ?
Comment mettre en place un mécanisme d’épargne retraite ?
La commission des Affaires sociales propose tout d’abord de réaffirmer les choix fondamentaux effectués par la loi Thomas : une sortie principalement en rente, une gestion externe, un mécanisme facultatif car la hausse des prélèvements obligatoires est aujourd’hui impensable.
Les conclusions s’articulent autour de six objectifs :
1- donner toute sa chance au dialogue social
L’accord collectif doit être " la porte d’entrée principale " du dispositif. Dans le cas seulement où la négociation n’aura pas abouti, au bout d’un an, l’employeur pourra alors souscrire à un plan de retraite. L’épargne retraite, mécanisme non obligatoire, peut être un moyen de relancer le dialogue social.
2- prévoir un système souple pour l’entreprise et le salarié
De même que l’entreprise peut souscrire ou non à un plan de retraite, le salarié est libre d’adhérer ou non. Ses versements sont facultatifs. En revanche, à partir du moment où le salarié verse, l’employeur est tenu d’abonder, dans les conditions fixées par l’accord collectif et dans la limite de 30 % du plafond de la sécurité sociale ; à défaut d’accord collectif, l’abondement est à due concurrence et dans les limites de 4 % de la rémunération brute et de 30 % du plafond de la sécurité sociale.
Le salarié se trouvant dans une entreprise où il n’y aurait pas d’accord collectif et où il n’y aurait pas de souscription par l’employeur pourra adhérer à un plan souscrit au niveau de la branche, d’un groupement d’employeurs ou d’une autre entreprise. Il ne pourra bénéficier de l’abondement.
Au moment du départ en retraite, l’adhérent disposera d’une rente viagère, qui est " la porte de sortie principale ". Il pourra toutefois recevoir, à cette même date, un capital plafonné à 30 % de la provision mathématique de ses droits. Les possibilités de réversion seront les plus larges possibles ; tout d’abord, afin d’éviter les fonds perdus, le salarié pourra décider que, s’il meurt avant la date de la retraite, ses proches puissent bénéficier de tout ou partie des sommes versées sur son plan de retraite ; ensuite, il pourra faire bénéficier ses proches de tout ou partie de sa rente viagère après son décès. Ces options doivent rester facultatives : en effet, plus le salarié prendra de garanties, moins sa rente de base sera élevée.
3- rassurer définitivement les régimes de retraite par répartition
Afin d’éviter un débat stérile opposant répartition et capitalisation, la commission propose de soumettre les abondements aux cotisations d’assurance vieillesse (régime de base et régimes complémentaires). Les versements des adhérents dont le salaire est inférieur à 1,5 SMIC seront exonérés de toute cotisation sociale, afin de donner aux salariés les moins aisés un " équivalent " des avantages fiscaux dont bénéficient les salariés payant l’impôt sur le revenu.
4- rattraper le temps perdu
La commission des Affaires sociales propose d’adopter deux dispositifs permettant de rattraper le temps perdu, pour que le système puisse bénéficier aux salariés âgés de plus de quarante-cinq ans :
- premièrement, l’incitation fiscale variera suivant l’âge ; les déductions des versements et des abondements de l’assiette de l’impôt sur le revenu seront d’autant plus élevées que le salarié sera âgé : dans la limite de 5 % de la rémunération brute pour les moins de quarante ans, 10 % pour les quarante-cinquante ans, 15 % pour les plus de cinquante ans (art. 8) ;
- deuxièmement, la possibilité de racheter des années au titre desquelles le salarié n’a pas pu adhérer à un plan de retraite est prévue (art. 7 paragraphe V).
5- assurer la transparence
Afin d’assurer une transparence optimale, trois éléments doivent être pris en compte :
- la concurrence, par le choix initial et les conditions de réexamen des fonds de retraite (art. 17 et 18) ;
- le contrôle, par la création d’une commission de contrôle des fonds de retraite, formée de deux commissions existantes, la commission de contrôle des assurances, la commission de contrôle des institutions de prévoyance, auxquels se joindraient deux membres de la commission des opérations de bourse (art. 16)
- la surveillance. Un conseil de surveillance, institué auprès de chaque plan de retraite, sera composé de représentants des adhérents, des employeurs, des syndicats et des retraités. Sa composition pourra être précisée par l’accord collectif. A défaut, l’article 24 fixe la répartition suivante : un tiers de représentants d’adhérents, un tiers d’employeurs ; le tiers restant se répartissant entre représentants des organisations syndicales et des retraités.
Le Conseil de surveillance aura pour tâche de définir les orientations de gestion ; informé par le fonds de retraite, il sera en mesure d’émettre deux fois par an un avis sur la gestion du plan par le fonds.
6- ne pas mélanger l’objet et les effets des fonds de retraite
L’objet des fonds de retraite est social : il s’agit d’améliorer la protection sociale des salariés, à travers un complément de retraite par capitalisation. Leurs effets seront économiques : ils permettront un meilleur financement des entreprises françaises, ils constitueront un contre pouvoir aux fonds de pension étrangers qui détiennent 36 % du capital des entreprises cotées au CAC 40. Mais, si le législateur doit encadrer l’objet des fonds de retraite, il ne lui appartient pas d’en organiser les effets.