Service des Commissions
M. ALAIN RICHARD PRÉSENTE DEVANT LES SÉNATEURS
LE PROJET DE LOI RELATIF A LA RÉSERVE MILITAIRE
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, présidée par M. Xavier de Villepin, président, a entendu le jeudi 4 février 1999 M. Alain Richard, ministre de la défense, sur le projet de loi portant organisation de la réserve militaire et du service de défense.
M. Alain Richard a d’abord souligné que le projet de loi relatif à la réserve militaire représentait le dernier jalon législatif nécessaire à la mise en œuvre de l’armée professionnelle. Il a indiqué qu’au terme du vote de ce texte, la première réserve, la deuxième réserve et le service de défense constitueraient trois engagements de nature différente au service de l’Etat et de la nation.
Evoquant les raisons qui avaient conduit à l’élaboration du projet de loi, le ministre de la défense a relevé que le changement du contexte opérationnel nécessitait une première réserve au format resserré, comprenant 100.000 postes de réservistes intégrés aux forces d’active et à la gendarmerie nationale. Il a souligné qu’il n’y aurait donc plus de concept d’emploi spécifique aux réserves, ces dernières pouvant, comme les forces d’active, concourir à la réalisation de la totalité des missions militaires. Cette évolution, a-t-il ajouté, nécessitait que le réserviste soit considéré comme un militaire à part entière pendant ses périodes d’activité et que la loi organise en conséquence la disponibilité requise afin de rendre compatible l’engagement dans la réserve avec la vie professionnelle.
M. Alain Richard a également relevé que le projet de loi s’inspirait du souci de renouveler le lien armée-nation dont la loi portant réforme du service national avait été la première expression ; c’est pourquoi les nouvelles réserves doivent être fondées sur le volontariat. Le texte, a rappelé le ministre, reconnaissait le rôle éminent joué par les réservistes et leurs associations dans le maintien d’un lien fort entre la nation et son armée. M. Alain Richard a observé par ailleurs que les dispositions juridiques fondant la réserve et le service de défense seraient suspendues le ler janvier 2003 et que l’adoption du présent projet de loi permettrait d’assurer le passage progressif de l’ancien système au nouveau.
M. Alain Richard a ensuite évoqué les conditions dans lesquelles seraient employés les réservistes. Il a d’abord relevé que la première réserve, pleinement intégrée aux forces, serait constituée de réservistes qui disposeraient tous d’affectations précises dans les unités et suivraient des activités de formation et de préparation opérationnelle, en bénéficiant d’un équipement identique à celui des militaires d’active.
Le ministre a indiqué à cet égard que les crédits dévolus aux réserves avaient été augmentés de 40 millions de francs dans le cadre du budget 1999 et atteindraient 584 millions de francs au terme de la loi de programmation ; la répartition de ces ressources tiendrait compte de la place particulière de la gendarmerie qui bénéficierait ainsi de la moitié de la progression de la dotation affectée aux réserves en 1999.
M. Alain Richard a ajouté que la gendarmerie disposerait de 50.000 postes de réservistes destinés à renforcer les capacités des unités territoriales ou des structures de commandement ; il pourrait être fait appel à ces réservistes de manière déconcentrée lors de circonstances d’une importance particulière ou, à titre individuel, à des fins de sécurisation et d’actions de prévention. Le ministre a précisé que des escadrons ou des pelotons de gendarmes mobiles seraient constitués et éventuellement engagés en renfort des forces actives pour des missions de sécurisation des zones sensibles. Il a par ailleurs indiqué que l’armée de terre comprendrait 30.000 réservistes, la marine 6.500, l’armée de l’air 8.000, le service de santé 7.000 et enfin le service des essences 700. Ces réservistes, a noté M. Alain Richard, pourraient également contribuer à l’encadrement des journées de l’appel à la préparation de la défense (APD) et des préparations militaires ; en outre, des spécialistes participeraient à des actions civilo-militaires.
Evoquant ensuite la deuxième réserve, le ministre de la défense a indiqué qu’elle se composerait plus particulièrement des réservistes non titulaires d’une affectation, disponibles pour participer bénévolement à des activités définies avec l’autorité militaire ; sous certaines conditions, certains réservistes de la deuxième réserve pourraient rejoindre la première réserve.
M. Alain Richard a alors souligné que le projet de loi offrait les garanties nécessaires à toutes les parties prenantes aux réserves. S’agissant des réservistes, il a précisé que ceux-ci souscriront un engagement pour servir dans la réserve où seront clairement indiquées les conditions d’exécution de ce contrat ; pendant ces périodes, le réserviste aura le statut de militaire et percevra la solde et les indemnités qui lui sont attachées. Le contrat de travail sera suspendu et le réserviste ne pourra faire l’objet d’aucun licenciement ni d’aucune sanction du fait de ses absences liées à ses activités dans la réserve ; toutefois, les droits sociaux attachés au travail effectif chez l’employeur ainsi que le système de protection sociale habituel seront maintenus, tandis qu’en matière d’assurance vieillesse le réserviste bénéficiera d’une affiliation rétroactive au régime général et à l’IRCANTEC.
M. Alain Richard a observé que le projet de loi prévoyait une clause de disponibilité limitée à 5 ans pour les anciens militaires afin de garantir en tous temps une ressource suffisante pour les réserves si les circonstances le justifiaient.
Le ministre de la défense a également indiqué que la possibilité de réaliser des périodes dans la réserve résulterait d’un accord entre l’employeur et le réserviste et qu’un véritable partenariat, sous la forme de dispositions conventionnelles, entre l’Etat et les entreprises apparaissait comme l’une des clefs du succès de la réforme. M. Alain Richard a fait observer que le projet de loi résultait d’une concertation étroite avec les associations de réservistes sous les auspices du Conseil supérieur d’étude des réserves (CSER), ainsi qu’avec les grandes organisations d’employeurs.
Enfin, M. Alain Richard a résumé le dispositif relatif au service de défense qui permettait, en cas de menace grave ou de crise majeure, de maintenir à leur poste des personnels de la fonction publique ou des entreprises publiques et privées qui assuraient des fonctions vitales pour la nation.
A la suite de l’exposé du ministre, M. Serge Vinçon, rapporteur, a indiqué sa perplexité sur la formulation retenue pour la deuxième réserve et souhaité des précisions sur l’exclusion des réserves civiles du projet de loi. Il s’est par ailleurs interrogé sur les mesures complémentaires qui pourraient être adoptées afin de favoriser le partenariat souhaité entre les entreprises et l’Etat, sur le plan de communication qui pourrait être mis en œuvre afin de favoriser le recrutement des réservistes et, enfin, sur les moyens budgétaires dévolus aux réserves pendant la période de programmation.
M. André Dulait a interrogé le ministre sur les limites d’âge retenues pour servir dans la réserve ainsi que sur les garanties accordées aux réservistes dans l’hypothèse où leur entreprise connaîtrait des difficultés pendant la période où ils sont absents.
M. Bertrand Delanoë, après avoir marqué son accord avec l’esprit et le contenu du projet de loi, a rappelé la nécessité d’inscrire la réserve dans la perspective du renouvellement d’un lien fort entre le citoyen et la préoccupation de défense.
M. Xavier de Villepin, président, s’est interrogé sur les enseignements tirés des exemples étrangers pour l’élaboration du projet de loi et sur le rôle dévolu aux réservistes dans le cadre des opérations extérieures, notamment pour les affaires civilo-militaires. Il a souhaité par ailleurs des précisions sur la prise en compte de la situation particulière des petites et moyennes entreprises. Enfin, il a demandé au ministre de dresser un premier bilan de l’APD.
En réponse aux commissaires, M. Alain Richard a apporté les précisions suivantes :
- les termes de première et deuxième réserves figurent dans la loi de programmation et répondent par ailleurs aux préoccupations manifestées par les associations de réservistes ;
- les réserves civiles répondraient à des besoins évidents mais leur mise en œuvre s’avère délicate et ne doit en aucun cas retarder la mise en place des réserves militaires ;
- les conventions entre l’Etat et les entreprises doivent être signées par branche ou secteur d’activité, tout en prenant en compte les préoccupations spécifiques des PME ; elles ont pour objectif d’assurer une meilleure information des entreprises en soulignant en particulier que l’accomplissement des périodes des salariés réservistes représente une contrainte marginale dans l’organisation du travail et que l’expérience acquise par le réserviste, notamment en matière d’intelligence économique, peut être très précieuse pour l’entreprise ;
- le plan de communication sur les réserves, en cours d’élaboration, fait l’objet d’une étroite concertation avec le CSER -dont la fonction devrait être par ailleurs reconfirmée après l’adoption du projet de loi- ; l’APD constitue le cadre le plus adapté pour sensibiliser les jeunes aux réserves ; une deuxième journée de convocation pourrait d’ailleurs être envisagée pour les jeunes qui auraient manifesté lors de l’APD un intérêt particulier pour la défense ; il conviendra aussi de susciter chez les étudiants un plus grand intérêt pour les réserves ;
- les crédits affectés aux réserves s’élèvent à 309 millions de francs en 1999 et devront augmenter de l’ordre de 60 à 70 millions de francs par an, afin d’atteindre l’objectif d’une dotation de 584 millions de francs à l’échéance de la loi de programmation. ;
- l’âge limite dans les réserves a été fixé à l’âge limite dans le grade correspondant de l’armée d’active augmenté de 5 ans, afin de tenir compte notamment des besoins dans la gendarmerie ;
- s’agissant des garanties en cas de licenciement, les droits des réservistes sont totalement assimilés à ceux des salariés ; par ailleurs, un statut des réservistes trop contraignant pourrait avoir des effets dissuasifs sur le recrutement des réservistes par les entreprises ; la possibilité de planifier les périodes de réserves constitue un facteur d’encouragement pour les professions libérales ;
- une éducation civique tournée vers la défense constitue une priorité pour le Gouvernement et se traduira notamment par une meilleure formation des futurs enseignants dans ce domaine ;
- le bilan de l’APD se révèle dans l’ensemble satisfaisant. Les préparations militaires connaissent aujourd’hui une montée en puissance progressive ; la mise en place du volontariat est intervenue de manière anticipée pour la gendarmerie dès 1998 et elle devra se poursuivre en 1999 en faisant appel à l’ensemble des jeunes, y compris des personnes en difficulté ;
- le projet de loi a retenu du système britannique le souci de mieux intégrer les réservistes aux unités d’active et d’orienter certains spécialistes vers des activités civilo-militaires.
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M. Xavier de Villepin, président, a alors interrogé le ministre de la défense sur la situation au Congo Brazzaville. M. Alain Richard a d’abord observé que ce pays avait été le théâtre d’un coup d’Etat réussi en 1997 qui avait porté M. Sassou N’Guesso au pouvoir. La France, a-t-il ajouté, n’avait pris position pour aucune des parties en présence et avait pris acte de la volonté du nouveau chef de l’Etat de restaurer une vie politique pluraliste et de favoriser la réconciliation nationale ; notre pays a maintenu une coopération technique et accepté d’entreprendre une coopération militaire limitée cependant au seul entraînement des forces de gendarmerie. M. Alain Richard a relevé que le pouvoir en place apparaissait très dépendant de la présence des forces angolaises, au moment même où la reprise de la guerre civile en Angola pourrait conduire ce pays à recentrer ses forces sur son territoire.
Le ministre de la défense a souligné que le gouvernement français avait recommandé à nos compatriotes sur place de se préparer à un repli sur Pointe-Noire en cas de difficulté ; plusieurs centaines d’expatriés avaient déjà suivi cette recommandation et il restait à Brazzaville moins de 400 ressortissants français. Notre pays assurait à Brazzaville la protection des emprises souveraines françaises et mobilisait à cette fin 60 militaires, tout en se tenant prêt à la possibilité d’évacuer nos ressortissants s’ils étaient menacés.
Mme Paulette Brisepierre a regretté la faiblesse du dispositif mis en place pour tenir compte de la situation des expatriés qui avaient dû quitter le Congo Brazzaville à la suite des derniers événements.
M. Xavier de Villepin, président, a enfin témoigné de la reconnaissance de l’ensemble des élus pour le rôle joué par nos armées pour assurer la sécurité de nos compatriotes à l’étranger.