La commission des Lois du Sénat a procédé
à des auditions publiques sur la proposition de loi adoptée par l’Assemblée nationale relative au pacte civil de solidarité (PACS)
Réunie le mercredi 27 janvier 1999 sous la présidence de M. Jacques Larché, président, la commission des Lois du Sénat a procédé à des auditions publiques sur la proposition de loi adoptée par l’Assemblée nationale relative au pacte civil de solidarité, dont le rapporteur est M. Patrice Gélard.
M. Jacques Larché, président, a indiqué que la tenue de ces auditions publiques marquait la volonté du Sénat d’aborder ce texte dans un climat différent de celui qui avait prévalu à l’Assemblée nationale. Il a marqué le souhait de la commission des Lois de se livrer à un examen juridique préalable approfondi des conséquences du texte proposé afin d’en mesurer pleinement les implications.
Mme Irène THÉRY, sociologue, a relevé trois problèmes posés par le texte : elle a regretté en premier lieu que le pacs disqualifie le concubinage ; elle a constaté ensuite que, sous prétexte d’égalité entre " les gens qui ne veulent et ceux qui ne peuvent se marier ", il conduisait à faire prendre en otage les uns par les autres dans une formule génératrice d’inégalités par rapport au mariage et a souligné enfin que, par " choix républicain ", il gommait la différence symbolique entre les sexes sans que les conséquences de ce déni du masculin et du féminin ne semblent avoir été suffisamment pesées. M. Jean HAUSER, professeur de droit, après avoir fait ressortir article par article les graves lacunes juridiques de la proposition, a considéré que le pacs, dont la nature juridique n’apparaissait pas clairement, ne s’était " pas libéré d’un positionnement négatif par rapport au mariage " et que " tout restait à faire " pour donner un sens positif à cette demande.
M. Guy COQ, philosophe, après avoir constaté que l’Etat était amené à valoriser le mariage comme étant la structure la plus propice, du fait de sa stabilité, à favoriser la naissance d’enfants permettant ainsi à la société de se perpétuer, a insisté sur le fait qu’on ne pouvait déduire du principe d’égalité entre les individus l’égalité des relations entre ceux-ci et a contesté la légitimité de la demande de reconnaissance des couples homosexuels. Il a souhaité un moratoire sur ce texte adopté sous la pression des lobbies et a regretté que n’existe pas une instance officielle permettant de protéger les principes non-écrits de la société humaine. M. Eric FASSIN, sociologue, a dénoncé " l’illusion anthropologique " au nom de laquelle la filiation était refusée aux couples homosexuels.
Les représentants des confessions ont chacun fait part de leur opposition au pacs. Mgr André VINGT-TROIS, président de la commission épiscopale de la famille, a indiqué que la proposition heurtait profondément les convictions catholiques en matière de sexualité et a considéré que l’église avait non seulement le droit mais encore le devoir de signaler un risque majeur de déstructuration de l’institution familiale, fondement de notre société. Il a souhaité que la Haute assemblée fasse preuve d’imagination pour proposer des solutions alternatives. M. Olivier ABEL, président de la commission éthique de la fédération protestante de France, estimant que la demande de reconnaissance de conjugalité homosexuelle devait être prise en compte comme un élément favorisant la stabilité sociale, a considéré qu’il convenait de distinguer la conjugalité de la filiation et de ne pas occulter les modes de résolution des conflits dans le couple. M. le Rabbin SENIOR, membre du cabinet du grand Rabbin de France, a rappelé, au travers d’exemples bibliques, que dans le judaïsme, l’individu ne peut se réaliser que dans la réunion de la différence de l’homme et de la femme. M. Dalil BOUBAKEUR, recteur de la Mosquée de Paris, a souligné que l’islam ne reconnaissait aucun statut légitime au couple hors l’institution du mariage contracté devant Dieu et devant les hommes.
Mme Geneviève DELAISI, psychanalyste, a considéré qu’un couple homosexuel pouvait prodiguer un environnement plus favorable à l’enfant qu’une personne seule. M. Samuel LEPASTIER, pédopsychiatre et psychanalyste, s’est déclaré réservé sur la parentalité des couples homosexuels compte tenu de la difficulté d’en évaluer les conséquences psychologiques sur les enfants en l’absence d’études scientifiques pertinentes présentant un recul suffisant.
M. Denis QUINQUETON, secrétaire général du collectif pour le contrat d’union sociale et le pacte civil de solidarité, a souligné que le pacs répondait à une demande sociale en regroupant dans un même cadre juridique cohérent divers liens de solidarité. Il a regretté la radicalisation des débats sur une proposition qui devait être un facteur de cohésion sociale. Mme Marguerite DELVOLVÉ, pour le collectif pour le mariage et contre le pacs, après avoir fait ressortir le caractère trompeur et destructeur du pacs, à l’égard des individus comme de la société, a considéré qu’en institutionnalisant l’homosexualité il violait les principes fondamentaux de l’organisation sociale. M. Xavier TRACOL, pour le collectif pour l’union libre, refusant l’institution d’une union de seconde zone, a plaidé pour la reconnaissance juridique de l’union de fait que constitue le concubinage et a proposé d’étendre aux concubins, tant homosexuels qu’hétérosexuels, les avantages reconnus aux couples mariés. Mme Rénée LABBAT, présidente de l’Union nationale des groupes d’action des personnes qui vivent seules, rappelant que, d’après les études de l’INSEE, les couples sans enfants bénéficiaient, à revenu égal, d’un niveau de vie 30% supérieur à celui des personnes seules, a souligné l’injustice que constituerait l’octroi d’avantages à ces couples au détriment des 7 millions de personnes qui vivent seules.
Les représentants des associations d’aide aux malades du Sida et de défense des droits des homosexuels ont fait part de leur soutien à la proposition de loi et de leur souhait de la voir évoluer dans un sens plus favorable aux homosexuels. Mme Dominique BLANCHON, pour Act-up Paris, a considéré que la proposition prévoyait des délais de carence qui révélaient une méfiance insupportable à l’égard des homosexuels. M. Daniel BORRILLO pour Aides (fédération nationale), a plaidé pour un alignement total des droits des couples homosexuels avec les couples mariés. Mme Martine GROSS, vice-présidente de l’association des parents gays et lesbiens, a souhaité que les couples homosexuels puissent être reconnus comme parents. M. Dominique TOUILLET pour Lesbian and gay pride, sans demander une égalité exacte des couples homosexuels et hérérosexuels, a regretté certaines inégalités générées par le texte, notamment en matière fiscale et successorale.
Mme Chantal LEBATARD, pour l’Union nationale des associations familiales, a refusé que soit institué, entre l’individu et la famille, un statut intermédiaire pouvant préjudicier à la famille. Elle a exprimé son opposition à la mise sur le même plan juridique des couples homosexuels et hétérosexuels, ce qui reviendrait à brouiller les repères fondamentaux de la parentalité. Mme Dominique MARCILHACY, pour Familles de France, a fait ressortir les dangers immédiats et à plus long terme du pacs pour la société. Considérant que le mariage devait être protégé, elle a plaidé pour qu’il ne devienne pas " l’enfant battu de la République ". M. Jean-Marie ANDRES, pour la Confédération nationale des associations familiales catholiques, a souhaité le retrait d’un texte qui n’était pas en adéquation avec la volonté réelle des Français. Mme Claudine RÉMY, vice-présidente de familles rurales, tout en se déclarant favorable à des aménagements du droit existant s’est opposée à l’institution d’une nouvelle forme d’union pour les couples. M. Bernard TEPER, pour l’Union des familles laïques, a considéré que le législateur se devait d’intervenir pour régler de manière distincte les problèmes se posant aux couples, aussi bien homosexuels qu’hétérosexuels, et aux divers liens de solidarité, telles les fratries, s’exprimant davantage en zone rurale.
En conclusion, M. Jacques Larché, président, s’est félicité que ces auditions aient permis aux sénateurs d’entendre des opinions très diverses de nature à éclairer leur réflexion sur la proposition de loi.