Discours de M. Gérard Larcher
Président du Sénat
Remise du 15ème Prix du Sénat du livre d’Histoire
Jeudi 8 juin 2017



Mesdames et Messieurs les Sénateurs, Chers collègues,
Monsieur le Président du jury, Cher Jean-Noël Jeanneney,
Mesdames et Messieurs les membres du jury,
Mesdames et Messieurs,


Je suis très heureux de vous accueillir aujourd’hui, dans les salons de Boffrand de la Présidence du Sénat, pour la remise du Prix du livre d’histoire du Sénat 2017, dont nous fêtons cette année le quinzième anniversaire.


Cette continuité honore le Sénat. Ce prix récompense tous les ans, depuis 2003, des ouvrages à la dimension civique forte, ayant contribué au progrès de la recherche, tout en restant accessibles à un public de non-spécialistes. Par sa fidélité à ce prix, le Sénat souhaite réaffirmer l’utilité de la réflexion civique au service de l’ensemble de nos concitoyens.


A l’occasion de ce quinzième anniversaire, je voudrais adresser mes plus sincères remerciements aux membres du jury pour le travail accompli depuis tant d’années.


C’est avec un intérêt toujours renouvelé, avec beaucoup de sérieux, de rigueur et de conviction que vous accomplissez la mission qui vous incombe, sélectionner les ouvrages d’histoire parus au cours de l’année écoulée pour, au final,  n’en retenir qu’un.


Permettez-moi, en cet instant, d’avoir une pensée émue pour l’un des membres éminents de votre jury, membre fondateur du prix, qui nous a quittés brutalement le 1er mai dernier. Je voudrais évoquer en quelques mots la mémoire d’Alain Méar.


Grand serviteur de l’État et du Sénat, ancien directeur de cabinet de mon prédécesseur au Petit Luxembourg Christian Poncelet, il a marqué l’histoire de notre institution en travaillant à nos côtés pendant près de trente ans. Alain Méar a toujours été un ardent défenseur de ce Prix, convaincu de l’ambition dont il était porteur en contribuant à tisser des liens profonds entre notre institution, les historiens et le grand public.


Je tiens à renouveler mes plus sincères condoléances à ses proches. Je veux en particulier saluer Véronique sa femme et leur fille Hélène, qui sont présentes ce soir.


Mesdames et Messieurs, en dehors de toute considération partisane, cette année fut historique à bien des égards, l’histoire fut parfois au centre des débats, faut-il le rappeler. « L’histoire, je le crains, ne nous permet pas de prévoir, mais associée à l’indépendance d’esprit, elle peut nous aider à mieux voir » écrivait Paul Valéry.


Tel fut sans doute, chers membres du jury, votre état d’esprit lorsque vous avez dû choisir parmi pas moins de 130 ouvrages – certes, plusieurs réunions de travail vous ont été nécessaires – le lauréat 2017 du Prix du livre d’histoire du Sénat.

Les trois ouvrages finalistes illustrent, cette année encore, la qualité de la recherche historique française. Ils mettent en scène des époques et des thèmes très différents, mais avec toujours le même souci de la rigueur et de la « vulgarisation » de l’histoire, au sens noble du terme.


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Chers finalistes, cher Pierre-François Souyri, chère Florence Tamagne,  chère Claire Zalc, – je vous présente dans l’ordre alphabétique afin de ne pas donner une quelconque indication sur le nom du lauréat qui va être révélé dans un instant par le Président Jeanneney – vous nous invitez à réfléchir sur les valeurs fondamentales de l’histoire : comprendre d’où l’on vient, comprendre d’où vient l’autre, comprendre qui nous sommes.


* Le premier, Moderne sans être occidental de Pierre-François Souyri chez Gallimard nous invite à découvrir l’histoire des idées japonaises. Ce pays autrefois féodal a évolué en un État moderne qui a réussi à préserver son indépendance face aux empires coloniaux.

* Le Japon est l’une des nations qui a su franchir la marche de l’histoire au XIXème siècle. S’ouvrant aux autres, envoyant ses étudiants, ses fonctionnaires rencontrer les nations occidentales et coloniales, le Japon a réussi à se développer bien plus qu’aucune autre nation asiatique. S’ouvrant aux idées, elle a su adapter les concepts des Lumières, du capitalisme, du socialisme à ses propres caractéristiques.  

L’histoire du Japon, encore largement méconnue aujourd’hui par le grand public, est une histoire riche d’enseignements. Savoir s’ouvrir au monde et s’y adapter sans renier son identité profonde, apprendre des autres pour être libre, comprendre les autres pour échanger voilà ce qu’enseigne le Japon aux autres nations. Un ouvrage prometteur d’un homme passionné.

* Le crime du Palace de Florence Tamagne est une œuvre originale. Au début des années 1930, un homme parti de rien s’est retrouvé, par son intelligence, sa passion, sa chance et son travail acharné, homme public de premier plan. Oscar Dufrenne, fils d’ouvriers lillois, parvint au sommet de sa gloire à posséder théâtres, music-hall et autres salles de spectacles et à devenir conseiller municipal de Paris.

* Dans une époque où la crise économique allait frapper, où les souvenirs terribles des quatre ans de la Grande guerre étaient encore vivaces, où les extrémismes tendaient à l’emporter, la réussite de cet homme de la nuit qui a fait sa fortune pendant la première guerre mondiale donnait bien des motifs à son assassinat. Ce livre nous donne au travers d’une affaire criminelle non résolue un nouvel aperçu d’une époque si proche de nous par bien des aspects. Un livre sur la petite histoire d’un homme qui a fait partie de la grande histoire du Paris des années folles.

* Enfin Dénaturalisés de Claire Zalc est une œuvre qui nous remet face à notre passé et nous replonge dans les heures sombre de notre pays. 1940-1944, quatre longues années qui ont montré ce qu’il y a de pire en l’homme. Dénaturaliser, c’était rendre apatrides des individus parfois nés en France. Dénaturaliser, c’était renvoyer dans leur pays parfois occupé, souvent soumis à une dictature, des hommes, des femmes, des enfants. Dénaturaliser, c’était enlever la seule protection aux Juifs français et les conduire ainsi dans les trains de la mort. Dénaturaliser, c’était effacer de la vie nationale des individus qui souvent étaient pleinement intégrés depuis des années.

* Dénaturaliser enfin, c’était reprocher à des hommes qui avaient pour certains fait couler leur sang pour la France en 1940, des femmes qui avaient souvent fait couler la sueur de leur front pour la France, des enfants qui ont fait leurs études pour servir la France, d’être la cause du malheur français.  

Encore une fois tous mes remerciements aux membres du jury et mes félicitations aux trois historiens sélectionnés. Je laisse la parole au Président Jean-Noël Jeanneney qui doit nous annoncer le nom du lauréat du Prix du livre d’histoire du Sénat 2017. Je vous remercie.