Discours du Président du Sénat, M. Gérard LARCHER,
à l’occasion de la Semaine de l’Amérique latine et des Caraïbes, à la Maison de l’Amérique latine
le lundi 30 mai 2016
Monsieur le Président de la Maison de l'Amérique latine, cher Alain Rouquié,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Monsieur l’Envoyé personnel du Président de la République pour l’Amérique latine et les Caraïbes, cher Jean-Pierre Bel,
Chers amis,
Je suis heureux de vous retrouver ce soir dans cette Maison prestigieuse, dans votre Maison au cœur de Paris, Maison de l’Amérique latine qui est aussi celle des Caraïbes, dont nous célébrons le 70e anniversaire.
Que de chemin parcouru depuis que le Sénat en 2011, avec vous, cher Jean-Pierre Bel, avec vous cher Alain Rouquié et avec votre appui à tous, Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs, a voté, dans la diversité de ses sensibilités politiques, l’institution d’une Journée de l’Amérique latine et des Caraïbes ! La Journée s’est muée en Semaine, et la Semaine se conjugue désormais au pluriel.
Le succès et l’engouement populaire sont au rendez-vous. La meilleure preuve : partout, le public répond présent. Et les initiatives sont nombreuses !
Il existe en France un attrait pour l’Amérique latine et les Caraïbes. Et cet attrait n’est pas fonction des majorités politiques sénatoriales ou nationales du moment. Il est également partagé par toutes les sensibilités républicaines françaises, de gauche comme de droite. Il s'agit d'une constante de notre vie politique, depuis les voyages quasi-fondateurs du Général de Gaulle sur votre continent. C'était en 1964.
Dans le même temps, l’Amérique latine et les Caraïbes sont porteuses d’un message qui parle à la France et aux Français : une volonté d’indépendance et de souveraineté à l’égard du puissant voisin nord-américain ; un attachement aux droits et aux libertés des personnes, affirmé dès le temps des dictatures et jamais démenti depuis lors – le procès du Plan Condor qui s'est achevé vendredi en témoigne ; la conviction que la culture n’est pas réductible au commerce ; une conscience sociale aiguisée et un modèle de développement qui ne se soumettent pas aux seules lois du marché ; la volonté de porter une voix originale dans les affaires du monde, capable de peser sur les équilibres mondiaux.
J’y ajouterais un attachement au bicamérisme, car l’Amérique latine et les Caraïbes sont une terre de Sénats. Ils y sont nombreux ! Le Président du Sénat français ne peut qu’y être sensible ! Parfois freins, par le passé, aux évolutions institutionnelles, ces Hautes Assemblées sont devenues des facteurs d’approfondissement de la démocratie, qui permettent de ne pas tomber dans l’émotion politique du moment et sont autant de barrières contre les tentations populistes. C'est leur vocation et c’est aussi notre Histoire en France : le Sénat balancier stabilisateur de nos institutions.
Notre socle de valeurs communes, nous devons le faire fructifier.
Pour cela, il faut donner un nouvel élan à nos relations. Les déclarations d’intention cachent mal parfois la distance progressive qui s'instaure, non du fait de divergences d'intérêts, mais parce que le regard se porte vers des horizons nouveaux ou que l’urgence du moment nous conduit dans d'autres directions – le Proche-Orient et l’Est de l’Europe, pour l’Union européenne.
Qui plus est, dans vos pays, des changements qui semblaient à peine envisageables hier s’affirment : en Colombie, malgré les difficultés, le processus de paix et de réconciliation paraît irréversible ; spectaculaire, le rapprochement entre Cuba et les États-Unis, même inachevé, inaugure probablement une ère de relations nouvelles, moins conflictuelles, entre vos pays et l’Amérique du Nord.
Parmi les États membres de l’Union européenne, c'est l’Allemagne et l’Espagne qui aujourd'hui s’affirment comme les plus présents et les plus engagés dans votre région. La France reste mobilisée, mais sa place tend à régresser. Ces évolutions ne sont pas irréversibles.
Par ses déplacements à Cuba et en Amérique du Sud, au cours de l’année 2015, le Président de la République française s'est efforcé de raviver le flambeau de nos liens séculaires. Mon prédécesseur à la présidence du Sénat, Jean-Pierre Bel, œuvre à vos côtés pour consolider nos relations. Je tiens à saluer son action.
Vous pouvez compter sur un réseau diplomatique et consulaire dense, mobilisé, malgré des moyens « encadrés » ; des établissements scolaires ; des alliances françaises ; des facilités accrues pour la mobilité de part et d’autre de l’Atlantique, qui sont autant de signes du frémissement que nous devons consolider.
Vous pouvez compter sur les collectivités françaises de la Caraïbe et de Guyane, qui développent des coopérations transfrontalières : la géographie fait que la plus longue frontière terrestre de la France est avec le Brésil et le Suriname. Beaucoup de nos partenaires européens sont surpris de l’apprendre !
Je me réjouis à cet égard de la récente intégration de la Martinique dans l’Organisation économique de la Caraïbe orientale et du développement des échanges de ces collectivités territoriales avec les pays de leur bassin géographique. Françaises, ces collectivités ont toutes leur place dans votre région.
Vous pouvez compter également sur les groupes d’amitié parlementaires, qui contribuent de façon si dynamique au dialogue entre les sociétés.
Il y a naturellement les talents individuels. C'est l'une des principales richesses de nos relations. Combien d’universitaires, d’artistes, d’intellectuels mais aussi de chefs d’entreprises formés aux contacts de nos cultures, de part et d’autre de l’Atlantique ? Chaque année, lorsque je remets une distinction du Sénat à ceux qui ont œuvré pour les relations entre l’Amérique latine, les Caraïbes et la France, je suis surpris et ému par cette diversité des talents.
Je conclurai en évoquant d'un mot la question du développement durable, puisque c'est le thème mis en exergue cette année par le Sénat, avec l’accord de la présidence du Grulac.
Nos deux continents ont vécu au cours de l’année écoulée un moment de coopération intense : sans les pays d’Amérique latine et des Caraïbes, qui subissent la déforestation et les effets du changement climatique – je pense en particulier aux États insulaires de la Caraïbe -, il n’y aurait sans doute pas eu d’Accord de Paris. Dans le cadre de la Conférence des Parties – Cop 21, votre région a joué un rôle majeur de mobilisation et d’équilibre entre les pays du Sud et les pays du Nord. Elle a fait pencher la balance de façon décisive au moment de conclure les négociations.
Il nous faut maintenant œuvrer à ce que l’Accord de Paris soit au plus vite ratifié, afin qu'il entre en vigueur sans délai. C'est le parlementaire qui s’adresse aux parlementaires de vos pays : je leur lance un appel solennel en faveur de la ratification de l’Accord de Paris.
Continuons à cheminer, de façon résolue, ensemble ! C'est ainsi que nous donnerons à la mondialisation un visage plus humain.
Vive l’amitié entre la France, l’Amérique latine et les Caraïbes !