Discours de M. Gérard LARCHER,
Président du Sénat,
à l'occasion de l'inauguration du Monument des Fraternisations
à Neuville-Saint-Vaast
Jeudi 17 décembre 2015
Monsieur le Président de la République,
Messieurs les Ministres (M. Todeschini, M. Kanner),
Mesdames, Messieurs les Parlementaires,
Cher Xavier Bertrand,
Monsieur le Président du Conseil régional,
Monsieur le Président de Conseil départemental,
Monsieur le Président de la Communauté urbaine d’Arras,
Madame la Préfète,
Monsieur le Maire,
Monsieur le Maire d’Arras,
Mesdames, Messieurs les élus, mes chers collègues,
Monsieur le Président de l’Association Noël 14,
Cher Georges Barthas (petit-fils de Louis Barthas),
Mesdames, Messieurs,
Me voici pour la troisième fois en quelques mois dans le Pas-de-Calais, cette terre d’effort et de solidarité, et à chaque fois pour des moments de vie, de débats, de partage, des moments de tension la semaine passée qui nous ont obligés les uns et les autres à sortir de nos « tranchées » sans pour autant renoncer à nos valeurs et à notre diversité !
Oui, je suis heureux d’être aujourd’hui parmi vous à Neuville Saint Vaast, en présence de Georges Barthas, petit fils de Louis Barthas, et de son épouse, venus de Peyriac Minervois, village de son grand-père, tout spécialement pour l’inauguration de ce monument dédié aux fraternisations des soldats ennemis durant la Première Guerre Mondiale.
Je tiens à remercier l’Association Noël 14 pour cette initiative et les collectivités territoriales du département et de la région, la Communauté urbaine d’Arras, le Conseil départemental du Pas de Calais et le Conseil régional du Nord Pas de Calais, sans oublier l’Etat. Le Sénat a tenu à contribuer à cette belle entreprise sous l’impulsion du sénateur Vanlerenberghe.
Par ce lieu de mémoire, hommage est rendu aux fraternisations qui ont eu lieu tout au long de la Grande Guerre. Au cœur de terribles combats survinrent des moments de grâce qui, aussi courts fussent-ils, semblèrent pouvoir être l’éternité d’un instant enfin apaisé.
« Tout est grâce » écrivait Georges Bernanos dans son « Journal d’un curé de campagne », livre imprégné de cette terre du Pas de Calais.
Ces moments de grâce si bien illustrés par le film de Christian Carion, « Joyeux Noël », ce sont ces cantiques qui s’élevèrent de chacune des tranchées en allemand (Stille Nacht), en français (Minuit Chrétien), en anglais (O holy night) pour ne devenir qu’un seul chant, celui de la fraternité.
Ces moments de grâce, ce sont ces poignées de mains, ce match de football, ces cigarettes furtivement échangées.
Les fraternisations de Noël 1914 n’ont pas été des miracles sans lendemain ou « un entracte avant l’acte suivant du drame effroyable », pour reprendre l’expression de Marc Ferro.
Tout au long de la guerre, les mêmes scènes de fraternisations se répétèrent d’Est en Ouest entre soldats allemands, britanniques, français, russes, austro-hongrois... Partout eurent lieu ces mêmes scènes de partage de tranchée à tranchée.
Le témoignage de Louis Barthas nous réunit aujourd’hui. Ce jeune caporal, alors qu’il est sur le front de l’Artois, ou de la Somme, ou de Verdun relate, dans ses carnets, ces moments d’union et d’humanité.
Je pense à Paul Rimbault capitaine au Chemin des Dames, le 1er juillet 1917. Il écrit alors : « la pose des fils de fer se faisait d’un commun accord entre les deux adversaires, l’un passant parfois ce qui manquait de matériel à l’autre ».
En ces années où nous célébrons le 100ème anniversaire de la Première Guerre Mondiale, il nous revient de rendre hommage au courage de ces hommes, à leur patriotisme qui les a menés jusqu’au sacrifice de leur vie. Mais ce courage, cette souffrance, ces doutes parfois ont préservé leur humanité.
Oui, cette humanité ne les a jamais quittés, humanité entre les hommes et fidélité à leur Patrie.
Mesdames et Messieurs,
Si l’amitié franco-allemande et le projet européen ont été scellés au travers de traités internationaux, c’est aussi et d’abord dans des lieux comme celui-ci qui sont sacrés, qu’ils se sont réalisés. C’est l’esprit même de la réconciliation franco-allemande célébrée par le Général de Gaulle et le Chancelier Adenauer en la cathédrale de Reims en 1963 qui préfigurait une Europe de la fraternité entre les nations dans le respect de l’identité des peuples.
Cette identité que le Général sublimait déjà en 1962 devant les jeunes étudiants de l’université de Ludwigsburg en leur disant : « Je vous félicite d’être de jeunes Allemands, c’est-à-dire les enfants d’un grand peuple. Oui ! D’un grand peuple ! ».
Les soldats de 1914, du même âge que ces étudiants, qui « habitent » encore cette terre, ne nous demandent-ils pas aujourd’hui de faire de ce temps de Noël 2015 un moment de paix, de fraternité dans une France qui vient d’être encore frappée par la barbarie et qui parfois croit transcender ses peurs dans le repli ?
La fraternité que nous célébrons aujourd’hui nous interpelle face aux défis auxquels notre Nation et tout particulièrement cette région se trouvent aujourd’hui confrontées et sans doute nous devons partager ces mots d’un autre acteur du drame Winston Churchill (premier Lord de l’amirauté) « Il ne sert à rien de dire nous avons fait de notre mieux, il faut réussir à faire ce qui est nécessaire ».
Nos « fils de fer barbelés » d’aujourd’hui ont pour nom pauvreté, chômage et exclusion.
Nos « fils de fer barbelés » sont les replis communautaires auxquels nous sommes confrontés.
Et nos victoires de demain s’appelleront : croissance, emploi, dignité et République retrouvée dans la diversité de nos sensibilités, le courage de l’action et l’exigence de résultats.
Ainsi, la Fraternité pourra une fois encore figurer au côté de la Liberté et de l’Égalité.
C’est le message de Neuville-Saint-Vaast qu’il nous faut aujourd’hui porter !