Discours de M. Gérard Larcher, Président du Sénat
Ouverture de la Réunion parlementaire de l’UIP au Sénat
Dimanche 6 décembre 2015
Monsieur le Président de l’Union interparlementaire, cher Saber Chowdhury,
Madame la Ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie,
Mes chers collègues Présidents d’assemblée,
Monsieur le Secrétaire général adjoint des Nations Unies, Directeur général du Programme des Nations Unies pour l’environnement,
Monsieur le Secrétaire général de l’Organisation de coopération et de développement économiques,
Mes chers collègues parlementaires,
Mesdames et Messieurs,
Après la séance d’ouverture et l’appel à l’action parlementaire sur les changements climatiques lancé hier à l’Assemblée nationale, je suis heureux de vous retrouver aujourd’hui au Sénat pour la poursuite de nos travaux.
Le Sénat attache une grande importance aux relations interparlementaires et aux travaux de l’Union interparlementaire, dont je veux saluer la qualité. Accueillir au Sénat les représentants des parlements du monde entier est un événement exceptionnel et le Sénat en est très fier.
Je veux également remercier le Président Chowdhury et le Secrétaire général de l’UIP pour les excellentes relations que nous avons entretenues en vue de la préparation de cette Réunion parlementaire au Sénat.
Plusieurs moments forts scanderont cette journée qui se terminera par l’examen du projet de document final préparé par notre rapporteur, notre collègue Hervé Maurey, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat de la République Française.
Je voudrais saluer son engagement et son travail tout au long de cette année, ainsi que celui des trois autres sénateurs membres de la délégation officielle française : Michèle André, présidente exécutive du groupe français de l’UIP, Robert del Picchia, membre du comité exécutif de l’UIP, et Jérôme Bignon, qui préside au Sénat le groupe de travail sur les négociations climatiques internationales.
A travers eux, je veux rendre hommage au travail réalisé par l’ensemble de mes collègues sénateurs, qui sont nombreux ce matin dans cet hémicycle.
Nous avons en effet décidé de mobiliser cette année l’ensemble des structures intéressées du Sénat dans la perspective de la 21ème Conférence des Parties et, en particulier, de cette réunion parlementaire de l’UIP.
L’année 2015 s’est ouverte au Sénat par un débat législatif exigeant sur le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte. La ministre se souvient certainement du travail approfondi mené par nos rapporteurs Ladislas Poniatowski et Louis Nègre.
Même si le Sénat n’a pas pu s’accorder avec l’Assemblée nationale, il a marqué ce texte de son empreinte et de nombreuses dispositions reflètent ses positions.
Les commissions, les délégations et les groupes d’amitié ont également travaillé, tout au long de l’année, sur des sujets essentiels pour la réussite de la lutte contre le changement climatique.
Vous trouverez ainsi à votre disposition, en Salle des Conférences, un grand nombre de documents qui vous permettront d’apprécier la variété de ces travaux.
Certains font état des échanges que des groupes d’amitié ont eu lors de rencontres à Paris ou de déplacements dans vos pays.
D’autres portent sur les conséquences géopolitiques du changement climatique, sur les financements en faveur du climat, sur la qualité de l’air, sur la place des femmes dans la lutte contre le changement climatique, sur les territoires d’outre-mer, sur notre approche des enjeux européens, mais aussi sur les actions menées par les collectivités territoriales en faveur du climat.
En effet, l’action des territoires a été le fil conducteur de l’ensemble de nos travaux car c’est « l’ADN du Sénat », c’est la mission que nous fixe la Constitution.
Le Sénat représente les collectivités territoriales de la République ainsi que les Français établis hors de France. Il a donc particulièrement veillé à analyser et à mettre en lumière le rôle des territoires, ceux-ci étant l’échelon le plus pertinent de mise en œuvre des engagements nationaux en matière d’atténuation et d’adaptation aux effets des dérèglements climatiques.
Je le disais hier à la tribune de l’Assemblée nationale : le meilleur accord international est un « tigre de papier » s’il n’est pas mis en œuvre et suivi d’effet sur le terrain.
Cela rend indispensable la mobilisation des Parlements, sans lesquels les décisions internationales ne seront pas déclinées au niveau national.
Cela rend également indispensable la mobilisation des territoires, en particulier des élus locaux, qui portent localement des solutions innovantes et adaptées aux besoins des populations. Et qui jouent un rôle essentiel pour sensibiliser le public, initier des politiques ou accompagner les initiatives des habitants et de la société civile : ONG, associations et entreprises.
Cette approche, le Sénat a souhaité la synthétiser dans une résolution adoptée mi-novembre, qui vise à affirmer le rôle déterminant des territoires pour la réussite d’un accord mondial ambitieux pour le climat.
Préparée par notre collègue Jérôme Bignon, qui l’évoquera certainement tout à l’heure dans son intervention, elle est le fruit des différentes contributions du Sénat.
Je voudrais mettre en avant quelques points de ce travail qui me paraissent particulièrement importants.
Le Sénat a souligné que ni les États, ni les peuples, ni les individus ne sont égaux face aux conséquences des dérèglements climatiques. Ceux-ci frappent en effet plus violemment les pays en développement.
Notre délégation aux droits des femmes a mis en lumière la vulnérabilité des femmes et leur rôle éminent dans la lutte contre les changements climatiques, en souhaitant qu’elles soient mieux prises en compte dans les négociations internationales.
Je pense que beaucoup de femmes présentes dans notre hémicycle aujourd’hui adhèrent à cette préoccupation du Sénat.
Le Sénat a également plaidé pour que l’accord de Paris soit équitable, sur la base des responsabilités communes mais différenciées des États et de leurs capacités respectives.
Pour qu’il soit suivi d’effet, le Sénat recommande que l’accord soit juridiquement contraignant et qu’il conduise à la mise en place de mécanismes garantissant le respect des engagements de chacun, et ce en toute transparence. Quitte d’ailleurs à ce que ce mécanisme de suivi entraîne des ajustements si cela se révèle nécessaire.
Pour atteindre cet objectif, nous devrons apporter une réponse pérenne et réaliste à la question du financement de la lutte contre les dérèglements climatiques.
Le Sénat a également plaidé pour la généralisation de systèmes de définition d’un prix du carbone, pour la promotion des énergies bas-carbone et pour la suppression progressive des soutiens publics aux énergies fossiles. Je sais que ces positions, exprimées ainsi, ne font pas forcément consensus. Il nous a toutefois paru indispensable de prendre position et de contribuer au débat sur ce point.
Enfin, je voudrais souligner que le Sénat a appelé à traiter la question des déplacés environnementaux, qui s’impose à nous comme un défi. Il considère en particulier qu’une nouvelle convention internationale prévoyant des mesures de prévention et de protection sera nécessaire.
Je m’en suis entretenu au Bourget cette semaine avec le commissaire européen chargé de l’aide humanitaire et de la gestion des crises.
Ces travaux du Sénat ont ainsi pu alimenter utilement les réflexions de notre rapporteur le Président Hervé Maurey, dans son travail de rédaction du document final qui sera examiné ce soir.
Naturellement, ce document ne reprend pas à l’identique tous les points de la résolution du Sénat. A l’inverse, il a été enrichi par des amendements de nombreux pays, permettant d’affiner un équilibre nécessairement subtil. Et ce matin encore, Hervé Maurey y travaillait !
Je suis convaincu que, dans le respect nos différences et de nos cultures, nous parviendrons à trouver les voies de cet équilibre pour le bien de l’Humanité.
Peut-être la situation géographique de cet hémicycle y sera-t-elle pour quelque chose. En effet, la Bibliothèque du Sénat est à proximité immédiate. Certains d’entre vous l’ont peut-être admirée ce matin.
Anatole France, un grand auteur français qui reçut le prix Nobel de littérature en 1921, travailla dans cette bibliothèque (au XIXème siècle). Je vous invite à méditer l’un de ses propos : « Il est dans la nature humaine de penser sagement et d'agir de façon absurde ».
Nous avons aujourd’hui l’occasion de le faire mentir et de réconcilier la pensée et l’action au service d’une cause qui nous dépasse tous : l’avenir de notre planète.
Nous pouvons aujourd’hui marquer un engagement très fort des Parlements dans la lutte contre le changement climatique. Sans les Parlements, sans nous mes chers collègues, rien ne pourra se faire !
Au-delà du document final que j’espère voir adopté ce soir, c’est bien dans un processus de long terme que nous engageons. Cela fera l’objet d’un plan d’action parlementaire sur les changements climatiques préparé par l’UIP.
Je forme donc le vœu que les débats d’aujourd’hui soient l’occasion de tisser des liens fructueux entre nos différentes assemblées, en vue de coopérations futures toujours plus étroites.
Je vous souhaite d’excellents débats dans l’hémicycle du Sénat !