Mardi 19 mai 2015
Colloque « Femmes citoyennes : 70ème anniversaire du vote des femmes »
Discours de M. Gérard Larcher, Président du Sénat

Madame la Présidente de la Délégation aux droits des femmes, chère Chantal Jouanno,
Mesdames les Ministres,
Mesdames les Sénatrices, messieurs les Sénateurs, chers collègues,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Mesdames les Conseillères, mesdames les Maires,
Mesdames et messieurs,

C’est à la fois un grand plaisir et un honneur pour moi d’ouvrir ce colloque que la Délégation aux droits des femmes du Sénat a pris l’heureuse initiative de dédier à l’anniversaire du premier vote des femmes en France.


Il y a tout juste 70 ans, les Françaises votaient pour la première fois à un scrutin  municipal, en mai 1945, et quelques mois plus tard à un scrutin national, le 21 octobre.


C’était hier, mais cela nous semble bien loin ! Il est tellement difficile aujourd’hui, en effet, d’imaginer ce que pouvait être une société où les femmes n’avaient pas le droit de vote, où hommes et femmes ne participaient pas ensemble à l’exercice de ce droit essentiel du citoyen !


Comment ne pas rappeler dans cette œuvre de mémoire l’influence décisive de l’action des femmes résistantes dans l’obtention du droit de vote.


La célébration par le Sénat de la Journée nationale de la Résistance, organisée l’an dernier par votre Délégation, et sa présidente d’alors, Brigitte Gonthier-Maurin, avait permis de mettre en lumière ces sénatrices issues de la Résistance, qui ont siégé dans notre hémicycle, et leur rôle incontestable dans la Libération de notre territoire.

Or c’est dans la Résistance que les femmes ont gagné le droit de voter et d’être élues. Elles y ont montré leur courage, pris des risques fous, caché les clandestins, assuré la transmission des messages…

A quelques jours de la « panthéonisation » de deux grandes personnalités, Geneviève Anthonioz-de Gaulle et Germaine Tillion, il me semblait important de souligner cette filiation entre l’engagement résistant de tant de femmes et la reconnaissance de leurs droits politiques.

Le Général de Gaulle, comme en témoignait son fils Philippe, ne pouvait concevoir que la paix revenue, les Françaises n’eussent pas été en mesure de s’exprimer et de participer pleinement à la vie politique de leur pays.

On ne peut oublier cependant que l’ordonnance de 1944 est aussi l’aboutissement de profondes mutations culturelles et sociales de la France, notamment depuis la première guerre mondiale.

Dès lors une question demeure : pourquoi si tard ?

Pourquoi la France, pionnière du suffrage universel masculin, dès 1848, a-t-elle été si en retard pour étendre aux femmes un droit qui existait avant 1914 en Nouvelle-Zélande, en Australie, en Finlande et en Norvège ?

Pourquoi la France ne l’a-t-elle pas attribué à l’issue de la première guerre mondiale, qui a vu la contribution de tant de femmes à l’effort de guerre, comme dans de très nombreux pays – Danemark, Royaume-Uni, Canada, Allemagne, États-Unis, Belgique, Pays-Bas… ?  

Il m’est certes difficile de passer sous silence la longue opposition du Sénat de la IIIème République, dont l’action législative fut pourtant sur bien d’autres sujets si souvent audacieuse et innovante, à l’accession des femmes aux droits politiques.

Risquerai-je une explication tactique ?

Les amendements sur la proposition de loi sur le vote des femmes, soutenus par le député Pierre-Etienne Flandin, en 1919, se révélèrent être en fait un fin jeu politique. En effet, les députés, opposants ou faux alliés, se rallièrent en masse à la proposition de suffrage intégral, persuadés qu’elle n’avait pas beaucoup de chances de prospérer pendant la navette parlementaire ! Nos collègues du Palais-Bourbon pouvaient ainsi s’attribuer le beau rôle sans prendre beaucoup de risques !

Je laisse les historiennes qui interviendront tout à l’heure évoquer ce débat et je prendrai connaissance avec beaucoup d’intérêt de leurs interventions.

Je voudrais toutefois relever que nombre de sénateurs se dressèrent entre les deux guerres contre cet immobilisme, à l’exemple du sénateur du Var, Louis Martin, de celui du Rhône, Antonin Gourju ou du sénateur des Landes, Eugène Milliès-Lacroix, qui tentèrent de réenclencher le processus législatif sur ce sujet.

Tout cela appartient à l’histoire. Aujourd’hui les sénatrices – au nombre de 89 – représentent plus du quart de notre assemblée ! Elles y occupent toute leur place : vice-présidente, présidente de commission, présidente de délégation…

Les femmes sont désormais enracinées dans cet hémicycle qu’elles ont conquis et qu’elles habitent lors de chaque débat, incarnant pleinement la disposition de l’ordonnance de 1944 : « Les femmes sont électrices et éligibles dans les mêmes conditions que les hommes ».

Vous avez dédié, chère Chantal Jouanno, la seconde thématique de ce colloque aux citoyennes, non seulement électrices, mais élues.

Je sais que de nombreuses élues, maires, conseillères municipales, conseillères régionales, départementales, responsables d’intercommunalités, ont souhaité participer avec nous à cette célébration et sont présentes dans cette salle.

Je m’en réjouis, et je leur souhaite à toutes, au nom de mes collègues sénatrices et sénateurs, la bienvenue au Sénat.

Je salue tout particulièrement notre ancienne collègue Cécile Goldet, Sénatrice de Paris de 1979 à 1986, qui a tenu à témoigner, par vidéo interposée, de la place des femmes parlementaires au Sénat en 1979, et qui nous fait l’honneur de sa présence aujourd’hui, au premier rang de cette salle. Chère Cécile Goldet, je vous souhaite la bienvenue dans votre maison ! Je me tourne vers le public et vers les intervenants : chers amis, je suggère que nous nous levions tous pour applaudir très chaleureusement Cécile Goldet.

Nul ne doute en 2015 que les femmes ont un rôle essentiel à jouer pour que la composition de nos assemblées, nationales et locales, soit le reflet de notre Nation et que tous s’y reconnaissent.

Aussi suis-je heureux, messieurs, - Député, Sénateur, Haut fonctionnaire - de votre présence cet après-midi. Elle montre que la féminisation de notre vie politique est aussi une affaire d’hommes et que chacun d’entre nous est attaché à contribuer à ce progrès décisif de nos institutions.  

Je vous souhaite une très bonne après-midi au Sénat et, à tous et à toutes, des échanges stimulants !