Mesdames, Messieurs les présidents,
Chers collègues,
Je veux avant toute chose m’adresser à nos amis allemands et espagnols. À la suite de la terrible tragédie de l’Airbus de la compagnie Germanwings, qui s’est écrasé sur notre territoire, dans le massif des Trois-Évêchés, et qui a provoqué la mort de 150 personnes, je veux avoir une pensée pour les familles et pour vos compatriotes.
En ce moment si difficile, je tiens à vous assurer de la solidarité et de l’amitié du peuple français. Comme un écho de la solidarité et de l’amitié que vous nous avez manifestées après les attentats des 7 et 9 janvier dans notre pays.
Mes chers collègues, je voulais très simplement et très sincèrement vous remercier. Remercier Peter Friedrich du Bundesrat allemand, Trine Bramsen du parlement danois, Cayetana Alvarez de Toledo des Cortès du Royaume d’Espagne, Lolita Cigane du parlement letton, et lord Timothy Boswell de la Chambre des lords du Royaume-Uni. Votre venue honore notre Haute Assemblée.
Je voulais remercier ensuite mes collègues Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes et Philippe Bas président de la commission des lois, qui sont à l’initiative de cette réunion. Et vous tous, mes chers collègues, pour votre présence en ce lundi matin.
Car notre réunion exceptionnelle a un objet exceptionnel : souligner la mobilisation et la coopération de nos parlements alors que la menace terroriste plane à nouveau au-dessus de l’Europe.
Les attentats des 7 et 9 janvier 2015 en France, et ceux des 14 et 15 février 2015 au Danemark, ont en effet endeuillé notre continent. Ils font malheureusement écho :
- en Espagne, au dramatique attentat de la gare d’Attocha, en 2004, où plus de 200 personnes avaient perdu la vie ;
- au Royaume-Uni, aux attentats de Londres, en juillet 2005 et en mai 2013 ;
- en France, aux assassinats perpétrés par Mohammed Merah dans la région toulousaine en 2012.
Tant d’innocents ont payé de leur vie cette folie meurtrière. Mais il ne faut pas se leurrer. Elle n’est pas définitive. Et les auteurs de ces actes ont voulu nous frapper au cœur.
En assassinant des journalistes et des dessinateurs, symboles de notre liberté d’expression, des policiers, symboles de notre ordre démocratique, ou des concitoyens juifs tout simplement parce qu’ils étaient nés juifs, les terroristes djihadistes n’ont pas seulement frappé la France et le Danemark.
Ils ont plus généralement voulu blesser l’Europe. L’Europe que nos prédécesseurs, instruits par les horreurs de la Seconde Guerre mondiale, ont voulu bâtir comme une union fondée sur la paix et le droit. L’Europe fondée sur une certaine idée de l’Homme, libre et responsable.
L’Europe fondée sur le droit à l’expression des idées, sur le droit de croire ou de ne pas croire, ou sur le respect de l’égalité entre les femmes et les hommes.
Comme l’affirmait le général de Gaulle, « A la base de notre civilisation, il y a la liberté de chacun dans sa pensée, ses croyances, ses opinions, son travail, ses loisirs. »
La réaction spontanée des Français, comme celle de vos concitoyens, mes chers collègues, a été à la hauteur. Digne et ferme. Qui pouvait s’attendre à cette marche géante dans les rues de Paris et dans tant de communes de notre pays, le 11 janvier 2015, et à ce rassemblement de nombreux dirigeants du monde pour dire « Stop à cette violence aveugle » ?
Cette réaction signifie au monde et aux terroristes que nous resterons debout.
Mais elle n’est pas suffisante. Car ces attentats ont posé de nombreuses questions à notre société, sur le rejet des principes fondamentaux qui fondent l’Union européenne par une partie de nos concitoyens, sur les difficultés de notre jeunesse, ou encore sur les processus de radicalisation de compatriotes en apparence sans histoire.
Les auteurs des attentats de janvier en France étaient de jeunes français radicalisés. Et que dire de ces enfants qui, dans un trop grand nombre d’écoles de notre pays, ont refusé de respecter la minute de silence en hommage aux victimes des attentats ? Les deux phénomènes, même s’ils sont de gravités différentes, sont inacceptables.
Il nous faut répondre aux inquiétudes de nos concitoyens.
Je mène à l’heure actuelle une réflexion sur les causes de cette tragédie et sur les mesures nécessaires à la consolidation de notre cohésion nationale, en consultant des intellectuels, des responsables religieux, des policiers, ou des acteurs de la vie associative. Je remettrai les conclusions de mon rapport au Président de la République d’ici deux semaines
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Notre réponse, conforme à l’état de droit, doit être forte. Et elle doit être commune. Car la démocratie, pour être forte, doit démontrer qu’elle est unie et qu’elle ignore les frontières.
Il nous revient, en tant que détenteurs de la souveraineté législative, d’inciter nos gouvernements à agir. À ne pas baisser la garde. Les réponses possibles sont multiples et complémentaires. J’en cite quelques-unes susceptibles de nourrir nos échanges.
Pour éradiquer la folie meurtrière de Daech et d’Al Qaida, notre action diplomatique doit travailler à mettre fin aux crises en Syrie ou en Libye pour que ces territoires cessent d’être des sanctuaires du terrorisme. À cet égard, il nous faut aussi soutenir les pays qui sont en première ligne face au terrorisme de l’autre côté de la Méditerranée, à l’exemple de la Tunisie. La Tunisie, qui elle aussi a payé le prix fort avec l’attentat du Musée du Bardo, le 18 mars, au cours duquel 22 personnes, dont 4 de nos compatriotes, ont été assassinées. La Tunisie, qui s’est mobilisée hier dans une grande marche au cours de laquelle le peuple tunisien a décidé de continuer à vivre debout en défendant la démocratie.
L’amélioration de la coopération entre nos services de renseignements est également essentielle. Cette coopération accrue est, en effet, l’une des clés de nos futurs succès contre le terrorisme. Elle seule permettra de démanteler les cellules dormantes et d’empêcher certains attentats.
Des actions militaires ciblées, à l’exemple de l’opération au Mali, peuvent aussi s’avérer nécessaires. À cet égard, permettez-moi de dire que, face aux nouvelles menaces, nos États membres ne pourront pas rester durablement hésitants sur l’augmentation nécessaire de leur effort de défense. La France, malgré des moyens restreints, accomplit sa part de l’effort.
Concernant le phénomène des « djihadistes européens », qui partent librement en Syrie et qui reviennent ensuite commettre des attentats en Europe, le sommet européen du 12 février a esquissé des perspectives utiles.
Le Sénat français n’est pas resté inactif. Ses commissions des affaires européennes et des lois ont adopté une proposition de résolution européenne sur la lutte contre le terrorisme, qui sera examinée mercredi en séance publique et qui sera envoyée au gouvernement français et à la Commission. Je veux remercier l’ensemble des collègues rapporteurs qui ont contribué à la rédaction de ce texte.
Cette proposition de résolution rappelle quelques priorités : contrôles renforcés des frontières de l’Espace Schengen, y compris pour les ressortissants des États membres de cet Espace, lutte contre le trafic d’armes et contre le financement du terrorisme, coopération accrue avec Europol et Eurojust, mise en place d’un PNR européen, ou encore stratégies de « déradicalisation » des djihadistes…
Mes chers collègues, dans le contexte difficile que je viens d’évoquer, notre réunion d’aujourd’hui prend tout son sens. Pour échanger sur les expériences et les bonnes pratiques de nos pays en matière de lutte contre le terrorisme. Pour réaffirmer notre solidarité et nos valeurs. Pour répondre aux demandes pressantes de nos concitoyens.
Comme l’indiquait la Chancelière Merkel, le 15 janvier dernier, « la démocratie est notre contre-projet face au monde du terrorisme. Et il est plus fort que le terrorisme. » Je vous remercie et je vous souhaite une très bonne journée au palais du Luxembourg.