PROJET DE LOI
[TA n° 149]
ADOPTE PAR LE SENAT
relatif au référé devant les juridictions administratives.
Le Sénat a adopté, en première lecture, le projet de loi dont la teneur suit:
Voir les numéros :
Sénat :
269
et
380
(1998-1999).
TITRE Ier
DU JUGE DES REFERES
Article 1er
Le juge des référés statue par des mesures qui présentent un caractère provisoire. Il n'est pas saisi du principal.
Article 2
Sont juges des référés les présidents des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ainsi que les magistrats qu'ils désignent à cet effet.
Pour les litiges relevant de la compétence du Conseil d'Etat, sont juges des référés le président de la section du contentieux ainsi que les conseillers d'Etat qu'il désigne.
TITRE II
DU JUGE DES RÉFÉRÉS STATUANT EN URGENCE
Article 3
Quand une décision administrative fait l'objet d'une requête en annulation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision.
Lorsque la suspension est prononcée, il est statué sur la requête en annulation de la décision dans le délai d'un an. A défaut, la suspension prend fin au plus tard à l'issue de ce délai.
Article 4
Lorsqu'une atteinte grave et manifestement illégale est portée à une liberté fondamentale du fait d'une personne morale de droit public ou d'un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde de cette liberté, sans préjudice de la compétence reconnue aux juridictions de l'ordre judiciaire en matière de voie de fait.
Article 5
En cas d'urgence et sur simple requête qui sera recevable même en l'absence de décision administrative préalable, le juge des référés peut ordonner toutes autres mesures utiles sans faire obstacle à l'exécution d'aucune décision administrative.
Article 6
Saisi par toute personne intéressée, le juge des référés peut, à tout moment, au vu d'un élément nouveau, modifier les mesures qu'il avait ordonnées ou y mettre fin.
Article 7
Le juge des référés statue au terme d'une procédure contradictoire écrite ou orale.
Lorsqu'il lui est demandé de prononcer, de modifier ou de mettre fin aux mesures visées aux articles 3 et 4, il convoque les parties à une audience publique qui, sauf renvoi à une formation collégiale, se déroule sans conclusions du commissaire du Gouvernement.
Les décisions rendues en application des articles 3, 5, 6 et 9 sont rendues en dernier ressort.
Les décisions rendues en application de l'article 4 sont susceptibles d'appel devant le Conseil d'Etat dans la quinzaine de leur notification. En ce cas, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat ou un conseiller délégué à cet effet statue dans un délai de quarante-huit heures.
En cas d'appel, les dispositions de l'article 6 ne sont pas applicables.
Article 8
La demande visant au prononcé de mesures d'urgence est dispensée de l'accomplissement de la formalité prévue à l'article 1089 B du code général des impôts.
Article 9
Lorsqu'il apparaît, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est manifestement irrecevable, qu'elle ne présente pas un caractère d'urgence ou qu'elle est manifestement mal fondée, le juge des référés peut la rejeter par une ordonnance motivée sans qu'il y ait lieu d'appliquer les deux premiers alinéas de l'article 7.
TITRE III
DISPOSITIONS PARTICULIÈRES
À CERTAINS CONTENTIEUX
Article 10
Il est ajouté à la fin du troisième alinéa de l'article L. 22 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ainsi qu'à la fin du troisième alinéa de l'article L. 23 du même code une phrase ainsi rédigée :
" Dès qu'il est saisi, il peut enjoindre de différer la signature du contrat jusqu'au terme de la procédure et pour une durée maximum de vingt jours. "
Article 11
L'article L. 421-9 du code de l'urbanisme est ainsi rédigé :
" Art. L. 421-9. - L'Etat, la commune ou l'établissement public de coopération intercommunale, lorsqu'ils défèrent à un tribunal administratif une décision relative à un permis de construire et assortissent leur recours d'une demande de suspension, peuvent demander qu'il soit fait application des dispositions prévues aux troisième et quatrième alinéas de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales.
"Lorsqu'une personne autre que celles mentionnées à l'alinéa précédent défère une décision relative à un permis de construire et assortit son recours d'une demande de suspension, le juge des référés statue sur cette demande dans un délai d'un mois. "
Article 12
I. - Les troisième et quatrième alinéas de l'article L. 2131-6, les quatrième et cinquième alinéas de l'article L. 3132-1 ainsi que les troisième et quatrième alinéas de l'article L. 4142-1 du code général des collectivités territoriales sont ainsi rédigés :
"Le représentant de l'Etat peut assortir son recours d'une demande de suspension. Il est fait droit à cette demande si l'un des moyens invoqués paraît, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'acte attaqué. Il est statué dans un délai d'un mois.
"Jusqu'à ce que le président du tribunal administratif ou le magistrat délégué par lui ait statué, la demande de suspension en matière d'urbanisme, de marchés et de délégation de service public formulée par le représentant de l'Etat dans les dix jours à compter de la réception de l'acte entraîne la suspension de celui-ci. Au terme d'un délai d'un mois à compter de la réception, si le juge des référés n'a pas statué, l'acte redevient exécutoire."
II. - Les cinquième et sixième alinéas de l'article L. 2131-6, les sixième et septième alinéas de l'article L. 3132-1 ainsi que les cinquième et sixième alinéas de l'article L. 4142-1 du code général des collectivités territoriales sont ainsi rédigés :
"Lorsque l'acte attaqué est de nature à compromettre l'exercice d'une liberté publique ou individuelle, le président du tribunal administratif ou le magistrat délégué à cet effet en prononce la suspension dans les quarante-huit heures. La décision relative à la suspension est susceptible d'appel devant le Conseil d'Etat dans la quinzaine de la notification. En ce cas, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat ou un conseiller d'Etat délégué à cet effet statue dans un délai de quarante-huit heures.
"L'appel des jugements du tribunal administratif ainsi que des décisions relatives aux demandes de suspension prévues aux alinéas précédents, rendus sur recours du représentant de l'Etat, est présenté par celui-ci."
III. - Au dernier alinéa de l'article L. 1111-7 du code général des collectivités territoriales, les mots : " sursis à exécution " sont remplacés par le mot : " suspension ".
IV. - Les deuxième et troisième phrases du dernier alinéa de l'article L. 2511-23 du code général des collectivités territoriales sont ainsi rédigées :
"Si ce recours est assorti d'une demande de suspension et si l'un des moyens invoqués à son appui paraît, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la délibération attaquée, le président du tribunal administratif ou un magistrat délégué par lui prononce la suspension dans les quarante-huit heures. La décision relative à la suspension est susceptible d'appel devant le Conseil d'Etat dans la quinzaine de sa notification. "
Article 13
I. - Le premier alinéa de l'article L. 26 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel est ainsi rédigé :
"La contestation par le maire des villes de Paris, Marseille et Lyon des délibérations des conseils d'arrondissement, à l'exclusion de celles prises en application des articles L. 2511-36 à L. 2511-45 du code général des collectivités territoriales obéit aux règles définies par le dernier alinéa de l'article L. 2511-23 dudit code ci-après reproduit : ".
II. - Le premier alinéa de l'article L. 27 du même code est ainsi rédigé :
"La demande de suspension présentée par le représentant de l'Etat à l'encontre d'un acte d'une commune de nature à compromettre l'exercice d'une liberté publique ou individuelle obéit aux règles définies par les cinquième et sixième alinéas de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales ci-après reproduits :".
Article 14
Les deux dernières phrases de l'article L. 714-10 du code de la santé publique sont ainsi rédigées : " Il peut assortir son recours d'une demande de suspension. Il est fait droit à cette demande si l'un des moyens invoqués paraît, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'acte attaqué. "
Article 15
Au deuxième alinéa du II de l'article 15-12 de la loi n° 83-663 du 22 juillet 1983 complétant la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l'Etat, les mots : " d'une demande de sursis à l'exécution soumise aux dispositions du troisième alinéa de l'article 3 de la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 " sont remplacés par les mots : " d'une demande de suspension soumise aux dispositions du troisième alinéa de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales ".
Article 16
I. - Au dernier alinéa de l'article 2 de la loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature, les mots : " la juridiction saisie fait droit à la demande de sursis à exécution de la décision attaquée dès que cette absence est constatée selon une procédure d'urgence " sont remplacés par les mots : " le juge des référés, saisi d'une demande de suspension de la décision attaquée, y fait droit dès que cette absence est constatée ".
II. - Le premier alinéa de l'article 6 de la loi n° 83-630 du 12 juillet 1983 relative à la démocratisation des enquêtes publiques et à la protection de l'environnement est ainsi rédigé :
" Le juge administratif des référés, saisi d'une demande de suspension d'une décision prise après des conclusions défavorables du commissaire-enquêteur ou de la commission d'enquête, fait droit à cette demande si elle comporte un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de celle-ci. "
Article 17
Le premier alinéa de l'article 17-1 de la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives est ainsi rédigé :
" Lorsque le ministre chargé des sports défère à la juridiction administrative les actes pris en vertu de la délégation mentionnée à l'article 17 qu'il estime contraires à la légalité, il peut assortir son recours d'une demande de suspension. "
TITRE IV
DISPOSITIONS FINALES
Article 18
Sont abrogées les dispositions suivantes :
1° La première phrase du second alinéa de l'article L. 9 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et les articles L. 10 et L. 25 dudit code ;
2° L'article L. 600-5 du code de l'urbanisme ;
3° La dernière phrase du premier alinéa de l'article 23-1 et les troisième et quatrième alinéas de l'article 25 de la loi n° 79-1150 du 29 décembre 1979 relative à la publicité, aux enseignes et pré enseignes ;
4° La seconde phrase du cinquième alinéa et le sixième alinéa de l'article 14 de la loi n° 92-1443 du 31 décembre 1992 portant réforme du régime pétrolier.
Article 19
Les titres Ier et II ainsi que l'article 18 sont applicables en Nouvelle-Calédonie, dans les territoires d'outre-mer et dans la collectivité territoriale de Mayotte.
Les articles 10 et 17 sont applicables dans la collectivité territoriale de Mayotte.
Article 19 bis (nouveau)
Les troisième et quatrième alinéas de l'article L. 121-39-2 du code des communes de la Nouvelle-Calédonie (partie législative) sont ainsi rédigés :
"Le haut-commissaire peut assortir son recours d'une demande de suspension. Il est fait droit à cette demande si l'un des moyens invoqués paraît, en l'état de l'instruction, propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'acte attaqué. Il est statué dans le délai d'un mois.
" Jusqu'à ce que le président du tribunal administratif ou le magistrat délégué par lui ait statué, la demande de suspension en matière d'urbanisme, de marchés et de délégation de service public, formulée par le haut-commissaire dans les dix jours à compter de la réception de l'acte, entraîne la suspension de celui-ci. Au terme d'un délai d'un mois à compter de la réception, si le juge des référés n'a pas statué, l'acte redevient exécutoire. "
Article 19 ter (nouveau)
Les cinquième et sixième alinéas de l'article L. 121-39-2 du code des communes de la Nouvelle-Calédonie (partie législative) sont ainsi rédigés :
" Lorsque l'acte attaqué est de nature à compromettre l'exercice d'une liberté publique ou individuelle, le président du tribunal administratif ou le magistrat délégué à cet effet en prononce la suspension dans les quarante-huit heures. La décision relative à la suspension est susceptible d'appel devant le Conseil d'Etat dans la quinzaine de sa notification. En ce cas, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat ou un conseiller d'Etat délégué à cet effet statue dans un délai de quarante-huit heures.
" L'appel des jugements du tribunal administratif ainsi que des décisions relatives aux demandes de suspension prévues aux alinéas précédents, rendus sur recours du haut-commissaire, est présenté par celui-ci. "
Article 19 quater (nouveau)
Après l'article L. 121-39-3 du code des communes de la Nouvelle-Calédonie (partie législative), il est inséré un article L. 121-39-4 ainsi rédigé :
" Art. L. 121-39-4. - Si le haut-commissaire estime qu'un acte pris par une commune, soumis ou non à l'obligation de transmission, est de nature à compromettre de manière grave le fonctionnement ou l'intégrité d'une installation ou d'un ouvrage intéressant la défense nationale, il peut en demander l'annulation pour ce seul motif ; il défère l'acte en cause dans les deux mois suivant sa transmission, sa publication ou sa notification, à la section du contentieux du Conseil d'Etat, compétente en premier et dernier ressort ; il assortit, si nécessaire, son recours d'une demande de suspension ; le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat ou un conseiller d'Etat délégué à cet effet statue dans un délai de quarante-huit heures. "
Article 20
Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application de la présente loi.
Article 21
La présente loi entrera en vigueur le même jour que le décret en Conseil d'Etat prévu à l'article précédent et, au plus tard, à l'expiration d'un délai de six mois à compter de sa publication.
Délibéré, en séance publique, à Paris, le 8 juin 1999.
Le Président,
Signé : Christian PONCELET.