Financement de la sécurité sociale pour 2001
N°
31
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2000-2001
PROJET DE LOI
de
financement
de la
sécurité sociale
pour
2001
REJETÉ PAR LE SÉNAT
EN NOUVELLE LECTURE.
Le
Sénat a adopté, en nouvelle lecture, la motion, opposant la
question préalable à la délibération du projet de
loi, dont la teneur suit :
Voir les numéros :
Assemblée nationale
(
11e
législ.) : 1re lecture :
2606, 2631, 2633
et T.A.
567.
2732
et commission mixte
paritaire :
2735.
Nouvelle lecture :
2732, 2739
et T.A.
574.
Sénat :
1re lecture :
64, 67, 68
et T.A.
24
(2000-2001).
Commission mixte paritaire :
86
(2000-2001).
Nouvelle lecture :
108
et
109
(2000-2001).
En
application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le
Sénat,
Considérant que le projet de loi de financement de la
sécurité sociale pour 2001 ne contient rien de ce qu'il devrait
contenir pour permettre un débat lucide et volontaire sur le financement
de la protection sociale; qu'il constitue en revanche l'appendice
supplétif d'une politique de l'emploi aventureuse et d'une politique
fiscale improvisée ;
Considérant que telle a bien été la conclusion des
partenaires sociaux; qu'en effet l'ensemble des conseils d'administration des
caisses de sécurité sociale ont émis un avis
négatif à l'encontre du présent projet de loi ;
Considérant en premier lieu qu'à travers un système de
tuyauterie, compliqué à dessein, le projet de loi vise avant tout
à organiser une ponction massive sur la sécurité sociale
pour financer les trente-cinq heures ;
Considérant, en effet, que l'essentiel des ressources nécessaires
à ce financement est prélevé directement ou indirectement
sur la branche famille et le fonds de solidarité vieillesse ;
Considérant qu'en définitive, le budget de l'Etat ne contribue
plus en aucune manière au financement des trente-cinq heures ; qu'il
s'exonère ainsi lui-même de la théorie - vivement
contestée par les partenaires sociaux - des " retours " pour
les finances publiques de la réduction du temps de travail, dont seule
la sécurité sociale fait désormais les frais ;
Considérant en second lieu que la loi de financement de la
sécurité sociale n'est pas seulement devenue la loi de
financement des trente-cinq heures; qu'elle acquiert également le statut
peu enviable d'instrument d'une politique fiscale improvisée ;
Considérant qu'en instituant une ristourne dégressive de la
contribution sociale généralisée (CSG), le Gouvernement
détourne une contribution sociale pour poursuivre un objectif fiscal;
qu'il est significatif que cette mesure soit au coeur des
"
dispositions fiscales
"
présentées par le
ministre de l'économie et des finances, que dès lors, il n'est
pas étonnant qu'elle soit désastreuse dans ses
conséquences et fragile d'un point de vue constitutionnel ;
Considérant, de même, que réduire sans compensation
l'assiette de la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS),
dès la première embellie conjoncturelle, revient à mettre
le doigt dans un engrenage qui ne peut que fragiliser la signature de la Caisse
d'amortissement de la dette sociale et rendre plus coûteuse la gestion de
cette dette ;
Considérant,
a contrario,
que le projet de loi de financement ne
contient rien de ce qui devrait y figurer, rien qui puisse s'apparenter
à la mise en oeuvre de choix de santé publique, rien qui puisse
résoudre le problème à venir des retraites ;
Considérant qu'en première lecture, le Sénat a
profondément modifié le projet de loi tel que
présenté par le Gouvernement et adopté par
l'Assemblée nationale ;
Considérant qu'il a tout d'abord souhaité purger le projet de loi
de l'ensemble des dispositions qui dénaturent les lois de financement de
la sécurité sociale ;
Considérant qu'il a ainsi désamorcé les branchements
successifs, mis en place par le Gouvernement pour financer les trente-cinq
heures au détriment de la sécurité sociale ;
Considérant qu'il a ce faisant rétabli les excédents de la
branche famille et du fonds de solidarité vieillesse et restauré
ainsi les moyens tant de mener une politique familiale ambitieuse que de
contribuer à la garantie des retraites ;
Considérant, de même, qu'il a souhaité substituer à
la ristourne dégressive de CSG un mécanisme de crédit
d'impôt qui trouve sa place dans le projet de loi de finances ;
Considérant, en outre, qu'il a supprimé un certain nombre de
dispositions étrangères aux lois de financement telle
l'abrogation de la loi relative à l'épargne retraite, cette
abrogation d'une loi non appliquée étant la contribution
paradoxale et unique du Gouvernement au défi que représente
l'avenir de nos régimes de retraite ;
Considérant qu'en examinant le dispositif du projet de loi relevant
véritablement du champ des lois de financement de la
sécurité sociale, le Sénat a su se montrer constructif;
Considérant qu'en première lecture, il a ainsi adopté sans
modification 19 articles, qu'il en a amendé 24, améliorant en
particulier le dispositif du fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante,
afin de mieux protéger ces dernières ;
Considérant qu'il a tenu également à enrichir et à
compléter le projet de loi ;
Considérant qu'il a ainsi proposé un statut du fonds de
réserve des retraites permettant d'assurer, sous le contrôle
étroit du Parlement, un emploi financièrement efficace et
juridiquement transparent des sommes collectées ;
Considérant de même qu'il a adopté un mécanisme de
maîtrise de l'évolution des dépenses médicales
faisant appel à la responsabilité individuelle des
médecins et contribuant à l'amélioration des pratiques
médicales, dans l'intérêt des patients ; que ce dispositif
a vocation à se substituer au système actuel des
lettres-clés flottantes, système pernicieux, absurde et injuste
et donc au total inefficace ;
Considérant enfin qu'il a souhaité mettre en oeuvre un dispositif
assurant une plus grande lisibilité et une plus grande
sincérité des comptes sociaux, à travers notamment la
modification du rôle et des compétences de la Commission des
comptes de la sécurité sociale ;
Considérant, en revanche, que le Sénat a décidé de
rejeter solennellement l'objectif national de dépenses d'assurance
maladie (ONDAM) pour 2001 ;
Considérant que cette décision est d'une exceptionnelle
gravité car cet objectif constitue un élément central des
lois de financement de la sécurité sociale dont les auteurs de la
réforme de 1996 ont voulu qu'il exprime les priorités de notre
système de soins tel qu'approuvé par le Parlement ;
Considérant, cependant, que, dépourvu de tout contenu en
santé publique, l'ONDAM n'est aujourd'hui qu'un arbitrage comptable,
inévitablement contesté, entre les contraintes financières
de l'assurance maladie et le souci des pouvoirs publics d'apaiser les tensions
que connaît notre système de soins ;
Considérant, dès lors, que le Sénat n'a pas
souhaité ratifier la dérive de l'objectif de dépenses de
2000, ne serait-ce qu'implicitement au travers du " rebasage " de
l'objectif pour 2001, qu'il s'est en outre déclaré hors
d'état de prétendre que 693,3 milliards de francs permettront de
soigner correctement les Français en 2001, qu'il s'est refusé
enfin à engager son autorité en approuvant un objectif dont le
Gouvernement s'empressera de s'affranchir quelques mois plus tard ;
Considérant que le Sénat a pris cette décision en toute
connaissance de cause tant la dérive observée depuis trois ans
lui a semblé traduire le dévoiement de l'ONDAM et devoir
être sanctionnée clairement ;
Considérant en effet que ce n'est pas seulement un "agrégat " qui
dérive, mais avec lui notre système de soins et le débat
démocratique autour de la sécurité sociale;
Considérant que le dévoiement de l'ONDAM constitue un point de
désaccord fondamental entre le Sénat et, sinon l'Assemblée
nationale, du moins la majorité qui soutient le Gouvernement ;
Considérant que l'Assemblée nationale en nouvelle lecture ne
s'est pas contentée d'acter ce désaccord essentiel ;
Considérant qu'elle a rétabli l'ensemble des circuits financiers
étrangers aux enjeux de la protection sociale et qui constituent autant
de détournements et de manipulations des recettes et des dépenses
de la sécurité sociale pour financer les trente-cinq heures et
conduire une politique fiscale au demeurant mal ajustée ;
Considérant, de surcroît, qu'à l'occasion de la nouvelle
lecture à l'Assemblée nationale, le Gouvernement a
renchéri dans cette voie en branchant deux tuyauteries
supplémentaires, la première au détriment du fonds de
solidarité vieillesse pour compenser partiellement les
exonérations de CRDS, la seconde au préjudice de l'assurance
maladie pour faire face à l'augmentation des dépenses du fonds de
financement des trente-cinq heures ;
Considérant qu'elle n'a pas davantage hésité à
maintenir un certain nombre de dispositions qui n'ont constitutionnellement pas
leur place dans des lois de financement telle l'abrogation de la loi Thomas ou
les exonérations de CRDS ;
Considérant, s'agissant de cette dernière mesure, que le
Gouvernement a demandé au Parlement de voter " par
précaution " une mesure identique en deuxième partie du
projet de loi de finances pour 2001 ;
Considérant que cette démarche dénote une
désinvolture inacceptable à l'égard tant du juge
constitutionnel que des votes du Parlement ;
Considérant qu'il est pour le moins paradoxal, dans ces conditions, que
l'Assemblée nationale ait tenu à supprimer le dispositif
introduit par le Sénat, concernant la gynécologie
médicale, au motif qu'il n'aurait pas sa place dans une loi de
financement de la sécurité sociale ;
Considérant que l'Assemblée nationale a ainsi non seulement
rétabli l'intégralité des dispositions contestées
par la Haute Assemblée mais qu'elle a écarté l'essentiel
des améliorations et corrections de bon sens apportées par le
Sénat, de même que la totalité des articles additionnels
dont il avait souhaité enrichir le projet de loi ;
Considérant qu'elle a ainsi refusé de suivre le Sénat dans
ses propositions pour améliorer le sort des victimes de l'amiante et
maintenu un système sans précédent de transaction
juridique forcée ;
Considérant que l'Assemblée nationale, en nouvelle lecture, a
ainsi entendu signifier qu'elle avait dit son dernier mot dès sa
première lecture,
Décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la
délibération sur le projet de loi de financement de la
sécurité sociale pour 2001, adopté avec modifications par
l'Assemblée nationale en nouvelle lecture.
En conséquence, conformément à l'article 44,
alinéa 3, du Règlement, le projet de loi a été
rejeté par le Sénat.
Délibéré en séance publique, à Paris, le 30
novembre 2000.
Le
Président,
Signé :
Christian PONCELET.