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N° 504

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1995-1996

Rattaché pour ordre au procès-verbal de la séance du 27 juin 1996.

Enregistré à la Présidence du Sénat le 13 septembre 1996.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant à compléter le Règlement du Sénat pour l'application de la loi tendant à élargir les pouvoirs d'information du Parlement et à créer un Office parlementaire d'évaluation des politiques publiques et de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale,

par M. Patrice GÉLARD,

Sénateur.

(Renvoyée à la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale.)

Parlement. - Amendements - commissions permanentes - commissions spéciales - commissions d'enquête - Contrôle du Parlement - Lois de financement de la sécurité sociale - Règlement du Sénat.

Mesdames, Messieurs.

La présente proposition de résolution tend à compléter notre Règlement aux fins de permettre la mise en oeuvre de deux dispositions adoptées par le Parlement au cours de la session 1995-1996, à savoir la faculté donnée aux commissions permanentes ou spéciales de demander des pouvoirs d'investigation renforcés et la prohibition des « cavaliers sociaux » dans le cadre de l'examen d'un projet de loi de financement de la sécurité sociale.

L'article premier du texte proposé définit les modalités d'application de l'article 2 de la loi du 14 juin 1996, tendant à élargir les pouvoirs d'information du Parlement et à créer un Office parlementaire d'évaluation des politiques publiques.

Cet article, qui insère un article 5 ter dans l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, accorde à une commission permanente ou spéciale le droit de demander au Sénat, pour une mission déterminée et une durée n'excédant pas six mois, de lui conférer les prérogatives d'une commission d'enquête.

Cette disposition a pour origine une initiative du rapporteur de notre commission des Lois. M. Pierre Fauchon : elle est destinée à combler une lacune de notre droit parlementaire en renforçant le rôle d'information des commissions du Parlement qui, aux termes de l'article 22 de notre Règlement, assurent l'information du Sénat pour lui permettre d'exercer, conformément à la Constitution, son contrôle sur la politique du Gouvernement.

Le paradoxe était en effet que les commissions parlementaires, à la seule exception des commissions des Finances, ne disposent pas de pouvoirs d'investigation qui leur permettraient de surmonter, dans le droit positif tout au moins, les réticences de l'administration ou des organismes susceptibles de leur fournir les renseignements nécessaires. Il existe, certes, le recours à la commission d'enquête, dont les rapporteurs se sont vu reconnaître les mêmes prérogatives d'enquête sur pièce et sur place que les rapporteurs spéciaux des commissions des Finances. Mais la technique de la commission d'enquête soumise à des règles relativement lourdes de constitution et de fonctionnement, à l'origine pour partie de l'insuccès de cette formule, doit être réservée aux affaires d'une certaine importance ; pour le suivi de l'action des administrations de l'État, par exemple, les visites des commissariats de Police ou des établissements pénitentiaires, il paraît expédient que la commission demande au Sénat l'autorisation temporaire de confier elle-même des enquêtes ponctuelles à ses rapporteurs et notamment aux rapporteurs pour avis budgétaires.

Telle est en résumé la finalité de l'article 5 ter de l'ordonnance de 1958 dont l'avenir dira s'il contribuera effectivement au renforcement de la fonction de contrôle du Parlement.

Pour la mise en oeuvre de cette disposition, l'article premier de la Proposition de résolution s'inspire, pour partie, des règles gouvernant la constitution des missions d'information et des commissions d'enquête.

La demande présentée par la commission devra déterminer avec Précision l'objet et la durée de la mission.

La demande serait inscrite à l'ordre du jour du Sénat, sur la Proposition de la Conférence des Présidents.

Quant au débat sur la demande, il serait soumis à la même procédure que celle prévue pour les demandes de missions d'information.

Par ailleurs, comme l'article 11 du Règlement le spécifie pour les commissions d'enquête, la commission des Lois, si elle n'était pas à l'origine de la demande, aurait compétence pour émettre un avis sur la conformité de la demande aux dispositions de l'ordonnance de 1958. En effet, l'article 5 ter Prévoit que les pouvoirs d'enquête sont octroyés à une commission « dans les conditions et les limites » prévues par l'article 6 relatif aux commissions d'enquête, qui interdit notamment la constitution d'une commission d'enquête sur des faits ayant donné lieu à des poursuites judiciaires. La coutume veut, dans ce cas, que le Président de la commission des Lois demande au Président du Sénat d'interroger le Garde des Sceaux sur l'existence éventuelle de telles Poursuites judiciaires. Après avoir apprécié la suite à réserver à la réponse du Garde des Sceaux, la commission vérifie le caractère précis de la demande, Cette procédure serait appliquée aux demandes de missions d'enquête, sans qu'il soit besoin de le spécifier dans le Règlement.

Telle est l'économie de l'article premier de la proposition de résolution dont la concision répond au souci d'éviter une surcharge inutile de notre Règlement.

L'article 2 définit la procédure conduisant à la déclaration d'irrecevabilité des « cavaliers sociaux » lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

L'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale, tel qu'il résulte de la loi organique du 22 juillet 1996, délimite le contenu et le domaine d'un projet de loi de financement.

Outre les dispositions prévues au I dudit article (pour l'essentiel, l'approbation des orientations de la politique de santé et de sécurité sociale ou des objectifs qui déterminent les conditions générales de l'équilibre financier de la sécurité sociale), un projet de loi de financement ne peut comporter que des dispositions affectant directement l'équilibre financier des régimes obligatoires de base ou améliorant le contrôle du Parlement sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale.

En raison même de la brièveté des délais fixés par l'examen d'un projet de loi de financement (20 jours pour l'Assemblée nationale et 15 jours pour le Sénat), la discussion en séance publique doit se recentrer sur l'essentiel, à savoir les conditions de l'équilibre de la sécurité sociale ; autrement dit, la loi de financement ne doit pas devenir un fourre-tout, une mosaïque de dispositions à caractère social, sans rapport direct avec l'objet du texte en discussion.

Dans le même esprit, tout amendement doit être accompagné des justifications en permettant la mise en oeuvre.

Enfin, conformément aux dispositions du II de l'article L.O. 111-3 précité, le domaine des lois de financement de la sécurité sociale est protégé : seule une loi de financement peut modifier les dispositions énumérées au I dudit article et figurant dans une autre loi de financement. Autrement dit, on ne peut toucher à ces dispositions qu'à l'occasion de l'examen d'une loi de financement, et non par voie d'amendement à une loi d'une autre catégorie.

Les amendements qui seraient contraires à l'une ou l'autre de ces différentes prescriptions de la loi organique seraient frappés d'irrecevabilité.

Pour la procédure de la déclaration d'irrecevabilité, le plus simple paraît de calquer mutatis mutandis les dispositions des alinéas 1 et 2 de l'article 45 du Règlement, qui gouvernent l'irrecevabilité financière de l'article 40 de la Constitution. Ainsi l'exception d'irrecevabilité pourrait être soulevée par le Gouvernement, la commission des Affaires sociales, la commission saisie au fond ou tout Sénateur.

L'irrecevabilité sociale serait déclarée par le représentant de la commission des Affaires sociales ou, en cas de doute, par celle-ci.

Là encore, pour les lois de financement de la sécurité sociale, la révision du Règlement qui vous est proposée se limiterait au strict nécessaire. Il ne paraît pas utile en effet de préciser expressis verbis que le projet de loi de financement serait envoyé à la commission normalement compétente, à savoir la commission des Affaires sociales car le choix de la commission compétente, qui ressortit à la compétence du Président du Sénat, ne peut être prédéterminé par une disposition du Règlement mais doit découler du champ de compétence de chaque commission permanente, comme le confirme le cas particulier des projets de loi de finances qui, en dehors de tout texte, sont naturellement envoyés à la commission des Finances.

Telles sont les considérations qui ont présidé à l'élaboration de la proposition de résolution dont le texte figure ci-après.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

tendant à compléter le Règlement du Sénat

pour l'application de la loi tendant à élargir les pouvoirs

d'information du Parlement et à créer un Office parlementaire

d'évaluation des politiques publiques et de la loi organique

relative aux lois de financement de la sécurité sociale

Article premier

Après l'article 22 bis du Règlement du Sénat, il est inséré un nouvel article ainsi rédigé :

« Article 22 ter.- 1.- Une commission permanente ou spéciale peut, en application de l'article 5 ter de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 précitée, demander au Sénat de lui conférer les prérogatives attribuées aux commissions d'enquête ; la demande doit déterminer avec précision l'objet et la durée de la mission, qui ne peut excéder six mois.

« 2.- Cette demande est transmise au Président du Sénat qui en donne connaissance au Sénat lors de la plus prochaine séance publique. Sur la proposition de la Conférence des Présidents, la demande est inscrite à l'ordre du jour du Sénat.

« 3.- Lorsque la demande n'émane pas d'elle, la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale est appelée à émettre son avis sur la conformité de cette demande avec les dispositions de l'article 6 de l'ordonnance précitée. »

Article 2

L'article 45 du Règlement du Sénat est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« 7.- L'irrecevabilité des amendements tirée de l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale peut être soulevée par le Gouvernement, la commission des affaires sociales, la commission saisie au fond ou tout sénateur. L'irrecevabilité est admise de droit, sans qu'il y ait lieu à débat, lorsqu'elle est affirmée par la commission des affaires sociales. L'amendement est mis en discussion lorsque la commission des affaires sociales ne reconnaît pas l'irrecevabilité.

« 8.- Lorsque la commission des affaires sociales n'est pas en état de faire connaître immédiatement ses conclusions sur l'irrecevabilité de l'amendement, l'article en discussion est réservé. Quand la commission estime qu'il y a doute, son représentant peut demander à entendre les explications du Gouvernement et de l'auteur de l'amendement qui dispose de la parole durant cinq minutes. Si le représentant de la commission estime que le doute subsiste, l'amendement et l'article correspondant sont réservés et renvoyés à la commission. Dans les cas prévus au présent alinéa, la commission doit faire connaître ses conclusions sur la recevabilité avant la fin du débat, autrement l'irrecevabilité sera admise tacitement. »

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