N° 274
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1999-2000
Annexe au procès-verbal de la séance du 21 mars 2000 |
PROPOSITION DE LOI
tendant à sanctionner les propos à caractère discriminatoire ,
PRÉSENTÉE
par Mme Dinah DERYCKE et M. Robert BADINTER
et les membres
du groupe socialiste (1) et apparentés (2),
Sénateurs.
(Renvoyée à la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement).
(1) Ce groupe est composé de : MM. Guy Allouche, Bernard Angels, Henri d'Attilio, Bertrand Auban, François Autain, Robert Badinter, Jean-Pierre Bel, Jacques Bellanger, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Jean Besson, Pierre Biarnès, Marcel Bony, Mme Yolande Boyer, MM. Jean-Louis Carrère, Bernard Cazeau, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Gilbert Chabroux, Michel Charasse, Marcel Charmant, Gérard Collomb, Raymond Courrière, Roland Courteau, Marcel Debarge, Bertrand Delanoë, Jean-Pierre Demerliat, Mmes Dinah Derycke, Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Claude Domeizel, Michel Dreyfus-Schmidt, Mme Josette Durrieu, MM. Bernard Dussaut, Claude Estier, Léon Fatous, Serge Godard, Jean-Noël Guérini, Claude Haut, Roger Hesling, Roland Huguet, Alain Journet, Philippe Labeyrie, Serge Lagauche, Roger Lagorsse, André Lejeune, Louis Le Pensec, Philippe Madrelle, Jacques Mahéas, François Marc, Marc Massion, Pierre Mauroy, Jean-Luc Mélenchon , Gérard Miquel, Michel Moreigne, Jean-Marc Pastor, Guy Penne, Daniel Percheron, Jean-Claude Peyronnet, Jean-François Picheral, Bernard Piras, Jean-Pierre Plancade, Mmes Danièle Pourtaud, Gisèle Printz, MM. Paul Raoult, Roger Rinchet, Gérard Roujas, André Rouvière, Claude Saunier, Michel Sergent, René-Pierre Signé, Simon Sutour, Michel Teston, Pierre-Yvon Trémel, André Vezinhet, Marcel Vidal, Henri Weber.
(2) Apparentés : MM. Rodolphe Désiré, Dominique Larifla, Claude Lise.
Droits de l'homme et libertés publiques.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Au lendemain de la seconde guerre mondiale, la communauté internationale a manifesté sa volonté de lutter contre les discriminations. Volonté proclamée, notamment, par la Déclaration Universelle des droits de l'homme en 1948 et traduite dans les deux Pactes des Nations-Unies sur les droits civils et politiques et économiques et sociaux de 1966. Parallèlement, au niveau régional, la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales du Conseil de l'Europe a été adoptée en 1954 et a pris soin de garantir les personnes contre les discriminations, celles-ci largement entendues par son article 14, dans l'exercice de leurs droits fondamentaux.
En France, la répression contre les pratiques discriminatoires a été également consacrée, en particulier avec la loi du 1 er juillet 1972, avant d'être clarifiée et renforcée par l'entrée en vigueur du nouveau code pénal.
L'article 225-1 du code pénal qui définit le délit de discrimination, au titre des atteintes à la dignité de la personne, vise les distinctions opérées entre les personnes physiques à raison de l'origine, du sexe, de la situation de famille, de l'état de santé, du handicap, des moeurs, des opinions politiques, des activités syndicales, de l'appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée. Quant à l'article 225-2, il prévoit de punir de deux ans d'emprisonnement et de 200 000 F d'amende les discriminations commises à l'encontre des personnes physiques ou morales.
En revanche, la répression des discriminations commises par voie de presse prévue par la loi du 29 juillet 1881 reste à ce jour incomplète. Ainsi, les articles 24, 32, 33 et 48 de cette loi, respectivement relatifs à la provocation à la discrimination, à la haine et à la violence, à la diffamation et à l'injure ne visent que les discriminations commises envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée. Il résulte de cette énumération qu'une partie des distinctions prohibées par l'article 225-1 du code pénal sont exclues du champ d'application de la loi sur la liberté de la presse. La répression ne peut donc que s'en trouver affaiblie.
C'est pourquoi, il nous apparaît indispensable de corriger le déséquilibre existant sur cette question entre le code pénal et la loi sur la presse de 1881. C'est une exigence au regard des principes fondamentaux de notre République.
Sous le bénéfice de ces observations, nous vous demandons, Mesdames, Messieurs, d'adopter la proposition de loi suivante.
PROPOSITION DE LOI
Article 1 er
Le huitième alinéa de l'article 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est rédigé comme suit :
« Ceux qui, par l'un des moyens
énoncés à l'article 23, auront provoqué à la
discrimination, à la haine ou à la violence à
l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes à raison de
l'un des éléments visés à l'article 225-1 du code
pénal seront punis d'un an d'emprisonnement et
300 000 F
d'amende. »
Article 2
Le deuxième alinéa de l'article 32 de la loi du 29 juillet précitée est rédigé comme suit :
« La diffamation commise par les mêmes moyens
envers une personne ou un groupe de personnes à raison de l'un des
éléments visés à l'article 225-1 du code
pénal sera punie d'un an d'emprisonnement et de
300 000
F. »
Article 3
Le troisième alinéa de l'article 33 de la loi du 29 juillet précitée est rédigé comme suit :
« La peine est portée à six mois d'emprisonnement et 150 000 F d'amende si l'injure a été commise, dans les conditions prévues à l'alinéa précédent, envers une personne ou un groupe de personnes à raison de l'un des éléments visés à l'article 225-1 du code pénal. »
Article 4
La seconde phrase du 6° de l'article 48 de la loi du 29 juillet 1881 précitée est ainsi rédigée :
« Toutefois, la poursuite pourra être exercée d'office par le ministère public lorsque la diffamation ou l'injure aura été commise envers une personne ou un groupe de personnes à raison de l'un des éléments visés à l'article 225-1 du code pénal. »
Article 5
Le premier alinéa de l'article 48-1 de la loi du 29 juillet 1881 précitée est ainsi rédigé :
« Toute association, régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits, se proposant par ses statuts de combattre toute discrimination visée à l'article 225-1 du code pénal ou d'assister les victimes de discriminations à raison de l'un des éléments prévus au même article, peut exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les infractions prévues par les articles 24, dernier alinéa, 32, alinéa 2, et 33, alinéa 3, de la présente loi. »