Contrôle de légalité des actes des collectivités locales
N°
114
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1999-2000
Annexe au procès-verbal de la séance du 6 décembre 1999
PROPOSITION DE LOI
tendant à améliorer le
contrôle de
légalité
des
actes
des
collectivités locales
,
PRÉSENTÉE
par MM. Xavier DARCOS, Philippe ARNAUD, Nicolas ABOUT, Pierre ANDRÉ, José BALARELLO, Bernard BARRAUX, Jean BERNARD, Daniel BERNARDET, Jean BIZET, Paul BLANC, James BORDAS, Didier BOROTRA, Mme Paulette BRISEPIERRE, MM. Louis de BROISSIA, Michel CALDAGUÈS, Auguste CAZALET, Gérard CÉSAR, Jacques CHAUMONT, Jean CLOUET, Gérard CORNU, Philippe DARNICHE, Désiré DEBAVELAERE, Jacques DELONG, Fernand DEMILLY, Christian DEMUYNCK, Michel DOUBLET, Xavier DUGOIN, André DULAIT, Jean-Léonce DUPONT, Hubert DURAND-CHASTEL, Michel ESNEU, Hubert FALCO, Bernard FOURNIER, Alfred FOY, Jean FRANÇOIS-PONCET, Yann GAILLARD, René GARREC, Jean-Claude GAUDIN, Patrice GÉLARD, Alain GÉRARD, François GERBAUD, Charles GINÉSY, Francis GIRAUD, Adrien GOUTEYRON, Francis GRIGNON, Georges GRUILLOT, Emmanuel HAMEL, Marcel HENRY, Pierre HÉRISSON, Daniel HOEFFEL, Jean-Paul HUGOT, Claude HURIET, Roger HUSSON, Pierre JARLIER, André JOURDAIN, Lucien LANIER, Gérard LARCHER, Robert LAUFOAULU, Edmond LAURET, René-Georges LAURIN, Dominique LECLERC, Jacques LEGENDRE, Jean-François LE GRAND, Guy LEMAIRE, Roland du LUART, Kléber MALÉCOT, André MAMAN, Philippe MARINI, Pierre MARTIN, Paul MASSON, Serge MATHIEU, Lucette MICHAUX-CHEVRY, Jean-Luc MIRAUX, Georges MOULY, Bernard MURAT, Philippe NACHBAR, Paul NATALI, Lucien NEUWIRTH, Philippe NOGRIX, Mme Nelly OLIN, MM. Joseph OSTERMANN, Jacques OUDIN, Lylian PAYET, Michel PELCHAT, Jean PÉPIN, Jacques PEYRAT, Jean-Marie POIRIER, Victor REUX, Charles REVET, Henri de RICHEMONT, Philippe RICHERT, Yves RISPAT, Louis-Ferdinand de ROCCA-SERRA, Michel SOUPLET, Louis SOUVET, Martial TAUGOURDEAU, René TRÉGOUËT, François TRUCY, Maurice ULRICH, Jacques VALADE, André VALLET, Xavier de VILLEPIN et Serge VINÇON,
Sénateurs.
(Renvoyée à la commission des Lois
constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du
Règlement et d'administration générale sous réserve
de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les
conditions prévues par le Règlement).
Collectivités locales
.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Le contrôle de légalité des actes des collectivités
locales, tel qu'il est actuellement organisé, n'est pas satisfaisant et
constitue très certainement une des sources de cette
insécurité juridique que dénoncent à juste titre
les décideurs locaux et qu'ils redoutent tous.
Grâce aux débats parlementaires, aux congrès ou aux
études réalisés sur ce problème depuis
déjà plusieurs années, les raisons de cet état de
choses sont maintenant bien connues. Pour ne retenir que les principales
d'entre elles, on citera l'accroissement des tâches incombant aux
collectivités locales dans le cadre de la décentralisation, la
multiplication des textes et leur degré de complexité sans cesse
croissant, l'évolution de la perception de ces problèmes par les
magistrats, la difficulté pour les petites communes de trouver une
information précise lorsqu'une difficulté administrative ou
financière surgit dans la réalisation d'un projet, l'insuffisance
du contrôle exercé par les services préfectoraux sur
laquelle, dès 1993, un rapport du Conseil d'Etat attirait l'attention,
sans préjudice d'autres facteurs.
Il est évident que cette situation ne pourra s'améliorer que par
une action persévérante de plusieurs années.
Toutefois, il nous semble qu'un problème particulier n'a pas encore
reçu toute l'attention qu'il mérite, à savoir
l'ambiguïté qui s'attache au contrôle de
légalité tel, du moins, qu'il est actuellement
pratiqué : beaucoup de décideurs locaux s'imaginent, en
effet, être « en règle » dès lors que
le préfet a apposé son visa sur un acte transmis ou n'a pas
formulé d'observations. Or, il n'en est rien et comme l'exprime on ne
peut plus clairement une circulaire du 22 juillet 1982 relative à
l'exercice du contrôle de légalité, le fait que le
préfet délivre une attestation de non-recours ne constitue en
aucune façon « un brevet de légalité ».
Telle est bien là la difficulté fondamentale. C'est pourquoi la
présente proposition de loi tend, en premier lieu, à
prévoir que le caractère exécutoire des actes les plus
importants des collectivités locales, c'est-à-dire ceux qui sont
énumérés par les articles L. 2131-2, L. 3131-2
et L. 4141-2 du code général des collectivités
territoriales, est subordonné à la certification de leur
légalité par le représentant de l'Etat dans le
département ou dans la région qui statue dans un délai de
deux mois et, en second lieu, à supprimer la faculté pour ce
dernier de déférer un acte dont il a certifié la
légalité, la responsabilité de l'Etat étant alors
substituée à celle de l'auteur de l'acte.
La présente proposition de loi prévoit également que si
le représentant de l'Etat dans le département ou la région
s'est abstenu ou a refusé de certifier la légalité d'un
acte d'une collectivité locale, l'auteur de l'acte, à
l'expiration du délai de deux mois précité dispose d'un
délai de quinze jours pour saisir le tribunal administratif afin que
celui-ci statue sur la légalité de cet acte (articles 1, 4
et 7).
Il faut encore préciser que si les articles précités de
la proposition de loi ne mentionnent pas les présidents d'organismes de
coopération intercommunale, interdépartementale ou
interrégionale, ceux-ci bénéficieraient tout de même
des nouvelles dispositions car le code général des
collectivités territoriales renvoie, pour ce qui concerne le
contrôle de légalité des actes émis par ces
autorités, aux dispositions relatives au contrôle de
légalité des actes des autorités communales,
départementales ou régionales.
Dans un souci de simplification, il est, en outre, proposé de supprimer
pour l'ensemble des actes de chacune des trois catégories de
collectivités locales la possibilité pour toute personne qui se
prétend lésée de demander au préfet de
déférer cet acte au tribunal administratif (articles 3, 6 et
9). En revanche subsisterait le recours de droit commun contre l'acte devenu
exécutoire.
Sans méconnaître le surcroît de travail que ce nouveau
dispositif entraînerait pour les préfectures, on ne voit pas ce
qui empêcherait le ministère de l'intérieur de lancer un
grand plan de mise à niveau des moyens affectés au contrôle
de légalité, favorisant ainsi l'évolution de notre
décentralisation, pour peu qu'il existe une volonté politique en
ce sens.
Nous pensons également que l'exercice du contrôle de
légalité pourrait être facilité par une action en
amont qui pourrait prendre deux formes :
- d'une part, nous proposons de créer, à l'échelon
local, une procédure calquée sur celle qui existe au niveau
national et qui permet au Gouvernement de demander des avis au Conseil d'Etat
sur tel ou tel point de droit : il s'agirait d'autoriser les
décideurs locaux à solliciter l'avis du tribunal administratif
lorsqu'ils se heurtent à un problème ou à une incertitude
juridique dans l'exercice de leurs compétences, ce qui permettrait
certainement d'éviter des erreurs ou de mauvaises
interprétations, et par là même de prévenir des
contentieux ultérieurs (article 10) ;
- d'autre part, nous suggérons d'inscrire dans la loi une
obligation d'information, à la charge du représentant de l'Etat
dans le département, au profit des maires et des conseillers municipaux
concernant les nouveaux textes et la jurisprudence relatifs aux
collectivités locales. Certes, tous les exécutifs locaux
reçoivent déjà les textes officiels mais ceux-ci sont
souvent complexes et leurs conséquences concrètes, comme aussi
celles des décisions de justice, n'apparaissent pas toujours au premier
coup d'oeil ; l'organisation de sessions d'études à
caractère essentiellement pédagogique et pratique
remédierait ainsi à une lacune que ressentent tout
particulièrement les maires et les conseillers municipaux des petites
communes qui n'ont pas à leur disposition des services
étoffés comme c'est le cas pour les grandes collectivités
(article 11).
Telles sont les raisons pour lesquelles nous vous demandons de bien vouloir
adopter la présente proposition de loi.
PROPOSITION DE LOI
Article 1
er
L'article L. 2131-1 du code général des collectivités
territoriales est ainsi rédigé :
«
Art. L. 2131-1.-
Les actes pris par les autorités
communales sont exécutoires de plein droit dès qu'il a
été procédé à la certification de leur
légalité par le représentant de l'Etat dans le
département qui statue dans un délai de deux mois à
compter de leur transmission, et à leur publication ou à leur
notification aux intéressés.
« Lorsqu'il a certifié la légalité d'un acte
pris par une autorité communale, le représentant de l'Etat dans
le département ne peut plus exercer le pouvoir qu'il tient de l'article
L. 2131-6 du code général des collectivités
territoriales et l'Etat devient seul responsable de cet acte.
« Lorsque le représentant de l'Etat dans le
département a refusé de certifier la légalité d'un
acte d'une autorité communale ou s'est abstenu de statuer avant
l'expiration du délai de deux mois précité, l'auteur de
l'acte peut, dans les quinze jours qui suivent l'expiration de ce délai,
saisir le tribunal administratif afin que celui-ci statue sur la
légalité dudit acte. »
Article 2
Dans l'article L. 2131-7 du code général des collectivités territoriales, les mots : « a posteriori » sont remplacés par les mots : « de légalité ».
Article 3
L'article L. 2131-8 du code général des collectivités territoriales est abrogé.
Article 4
L'article L. 3131-1 du code général des collectivités
territoriales est ainsi rédigé :
«
Art. L. 3131-1.-
Les actes pris par les autorités
départementales sont exécutoires de plein droit dès qu'il
a été procédé à la certification de leur
légalité par le représentant de l'Etat dans le
département qui statue dans un délai de deux mois à
compter de leur transmission, et à leur publication ou à leur
notification aux intéressés.
« Lorsqu'il a certifié la légalité d'un acte
pris par une autorité départementale, le représentant de
l'Etat dans le département ne peut plus exercer le pouvoir qu'il tient
de l'article L. 3132-1 du code général des
collectivités territoriales et l'Etat devient seul responsable de cet
acte.
« Lorsque le représentant de l'Etat dans le
département a refusé de certifier la légalité d'un
acte d'une autorité départementale ou s'est abstenu de statuer
avant l'expiration du délai de deux mois précité, l'auteur
de l'acte peut, dans les quinze jours qui suivent l'expiration de ce
délai, saisir le tribunal administratif afin que celui-ci statue sur la
légalité dudit acte. »
Article 5
Dans l'article L. 3132-2 du code général des collectivités territoriales, les mots : « a posteriori » sont remplacés par les mots : « de légalité ».
Article 6
L'article L. 3132-3 du code général des collectivités territoriales est abrogé.
Article 7
L'article L. 4141-1 du code général des collectivités
territoriales est ainsi rédigé :
«
Art. L. 4141-1.-
Les actes pris par les
autorités régionales sont exécutoires de plein droit
dès qu'il a été procédé à la
certification de leur légalité par le représentant de
l'Etat dans la région qui statue dans un délai de deux mois
à compter de leur certification, et à leur publication ou
à leur notification aux intéressés.
« Lorsqu'il a certifié la légalité d'un acte
pris par une autorité régionale, le représentant de l'Etat
dans la région ne peut plus exercer le pouvoir qu'il tient de l'article
L. 4142-1 du code général des collectivités
territoriales et l'Etat devient seul responsable de cet acte.
« Lorsque le représentant de l'Etat dans la région a
refusé de certifier la légalité d'un acte d'une
autorité régionale ou s'est abstenu de statuer avant l'expiration
du délai de deux mois précité, l'auteur de l'acte peut,
dans les quinze jours qui suivent l'expiration de ce délai, saisir le
tribunal administratif afin que celui-ci statue sur la légalité
dudit acte. »
Article 8
Dans l'article L. 4142-2 du code général des collectivités territoriales, les mots : « a posteriori » sont remplacés par les mots : « de légalité ».
Article 9
L'article L. 4142-3 du code général des collectivités territoriales est abrogé.
Article 10
Il est
inséré au livre III du code des tribunaux administratifs et des
cours administratives d'appel (partie législative) un article L. 29
ainsi rédigé :
«
Art. L. 29.-
Les maires, les présidents de conseil
général et les présidents de conseil régional ou
les présidents d'organismes de coopération intercommunale peuvent
saisir le tribunal administratif d'une demande d'avis relative aux conditions
d'exercice des compétences de la collectivité concernée.
« Ils en informent le représentant de l'Etat, selon les cas,
dans le département ou la région.
« L'avis du tribunal administratif est rendu dans un délai
maximum d'un mois à compter du jour de la saisine. Il est transmis au
demandeur et au représentant de l'Etat dans le département ou la
région ».
Article 11
Il est
inséré dans le code général des
collectivités territoriales, un article L. 2131-7-1 ainsi
rédigé :
«
Art. L. 2131-7-1.-
Le représentant de l'Etat
dans le département doit organiser une information à
caractère juridique au profit des maires et des conseillers municipaux
sur les nouveaux textes et la jurisprudence concernant les collectivités
locales ».
Article 12
Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application de la présente loi.