Attribution de la nationalité française à tout étranger engagé dans les armées françaises qui a été blessé en mission
N° 74
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1999-2000
Annexe au procès-verbal de la séance du 16 novembre 1999
PROPOSITION DE LOI
relative à l'attribution de la nationalité française à tout étranger engagé dans les armées françaises qui a été blessé en mission , au cours ou à l'occasion d'un engagement opérationnel et qui en fait la demande,
PRÉSENTÉE
Par M. Jean-François PICHERAL
et les membres du groupe socialiste (1) et apparentés (2),
Sénateurs.
(Renvoyée à la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement).
(1)
Ce groupe est composé de
: MM. Guy Allouche, Bernard Angels, Henri
d'Attilio, Bertrand Auban, François Autain, Robert Badinter, Jean-Pierre
Bel, Jacques Bellanger, Mme Maryse
Bergé-Lavigne, MM. Jean
Besson, Pierre Biarnès, Marcel Bony, Mme Yolande Boyer,
MM. Jean-Louis Carrère, Bernard Cazeau, Mme Monique Cerisier-ben
Guiga, MM. Gilbert Chabroux, Michel Charasse, Marcel Charmant, Michel
Charzat, Gérard Collomb, Raymond Courrière, Roland Courteau,
Marcel Debarge, Bertrand Delanoë, Jean-Pierre Demerliat, Mmes Dinah
Derycke, Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Claude Domeizel, Michel
Dreyfus-Schmidt, Mme Josette Durrieu, MM. Bernard Dussaut, Claude Estier,
Léon Fatous, Serge Godard, Jean-Noël Guérini, Claude Haut,
Roger Hesling, Roland Huguet, Alain Journet, Philippe Labeyrie, Serge Lagauche,
Roger Lagorsse, André Lejeune, Louis Le Pensec, Philippe Madrelle,
Jacques Mahéas, François Marc, Marc Massion, Pierre Mauroy,
Jean-Luc Mélenchon, Gérard Miquel, Michel Moreigne, Jean-Marc
Pastor, Guy Penne, Daniel Percheron, Jean-Claude Peyronnet,
Jean-François Picheral, Bernard Piras, Jean-Pierre Plancade, Mmes
Danièle Pourtaud, Gisèle Printz, MM. Paul Raoult, Roger Rinchet,
Gérard Roujas, André Rouvière, Claude Saunier, Michel
Sergent, René-Pierre Signé, Simon Sutour, Michel Teston,
Pierre-Yvon Trémel, André Vezinhet, Marcel Vidal, Henri Weber.
(2) Apparentés : MM. Rodolphe Désiré, Dominique Larifla, Claude Lise.
Anciens combattants et victimes de guerre. |
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Notre volonté d'offrir à des étrangers la
possibilité de servir sous les drapeaux accompagne l'histoire des
armées de la République. Aussi, de nombreux militaires
étrangers ont-ils combattu aux côtés de militaires
français dans les différentes guerres de ce siècle, et
dans des engagements opérationnels plus récents où la
France a mis en oeuvre, seule ou avec ses alliés, des unités des
armées afin de faire prévaloir le droit international. La
Légion étrangère fait partie de ces unités qui ont
largement contribué à l'action militaire passée et
récente de la France.
Servir sous les drapeaux est incontestablement une preuve, pour nos
concitoyens comme pour les étrangers, de l'attachement qu'ils portent
à notre pays et aux valeurs démocratiques qui fondent la
société française. Dans ces conditions, il a semblé
légitime de prévoir, en témoignage de la reconnaissance de
la Nation, un mode spécifique d'acquisition de la nationalité
française pour les militaires étrangers servant dans les
armées françaises, plus particulièrement pour les
légionnaires, blessés en mission au cours d'un engagement
opérationnel.
Certes, en l'état actuel de la législation, le droit
français de la nationalité tient compte des services rendus
à la France par les militaires étrangers. Il leur offre des
conditions d'accès à la nationalité française
très favorables, dans le cadre d'une procédure
particulière de naturalisation qui les dispense de la condition de stage
de cinq années prévue en droit commun (art. 21-19-4° du code
civil). Ainsi, dans les faits, les militaires étrangers blessés
ou non qui souhaitent acquérir la nationalité française,
voient leur demande aboutir favorablement dans des délais ne
dépassant pas sept mois.
Néanmoins, afin d'apporter aux militaires étrangers qui ont
versé leur sang au service de la France le témoignage concret de
la reconnaissance de la communauté nationale, il est envisagé de
mettre en place une procédure qui leur serait spécifique pour
l'acquisition de la nationalité. Sans être un mécanisme
d'acquisition de plein droit, elle se différencie à plusieurs
titres du régime de l'acquisition de la nationalité
française dont relèvent actuellement les militaires
étrangers :
- outre la dispense de stage de cinq années déjà
accordée par l'article
21-19-4° précité,
l'exigence d'une résidence en France au moment de la signature du
décret prévue en matière de naturalisation est
écartée ;
- l'assimilation à la communauté française est
présumée ; le légionnaire blessé au cours d'une
opération est dispensé d'avoir à justifier de celle-ci ;
- le texte ne pose aucune condition d'âge à la différence
de la procédure de naturalisation ;
- enfin, la situation des enfants mineurs du légionnaire est clairement
envisagée.
Cette procédure pose deux conditions de fond à l'acquisition de
la nationalité française :
- être étranger engagé dans les armées
françaises à la date de la
demande ;
- avoir été blessé en mission au cours ou à
l'occasion d'un engagement opérationnel.
D'un point de vue formel, la décision d'octroi de la nationalité
française résulte d'un décret pris sur proposition du
ministre de la défense, en faveur de l'étranger qui en fait la
demande. L'engagement dans les armées françaises même au
titre étranger impose pour le légionnaire des devoirs et
obligations vis à vis de l'autorité dont il relève. Il est
donc indispensable que le ministre de la défense soit partie prenante de
la procédure.
En outre, en cas de décès du militaire étranger en
mission dans des conditions identiques à celles définies
ci-dessus, il est proposé d'ouvrir la même procédure
à ses enfants mineurs qui, s'il n'était
décédé, auraient pu bénéficier de l'effet
collectif attaché à l'acquisition de la nationalité
française par leur auteur.
Par sa spécificité, le texte ainsi proposé s'inscrit
pleinement dans nos traditions républicaines en exprimant la
reconnaissance concrète et légitime de la France aux militaires
étrangers et notamment aux légionnaires qui ont versé leur
sang au service de notre pays.
PROPOSITION DE LOI
article 1er
Il est
inséré au paragraphe V de la section I du chapitre III du titre
1
er
bis
du livre premier du code civil, un article 21-14-1
ainsi rédigé :
«
Art. 21-14-1.-
La nationalité française est
conférée par décret sur proposition du ministre de la
défense, à tout étranger engagé dans les
armées françaises qui a été blessé en
mission au cours ou à l'occasion d'un engagement opérationnel, et
qui en fait la demande.
« En cas de décès de l'intéressé dans
des conditions identiques à celles décrites à
l'alinéa précédent, la même procédure est
ouverte à ses enfants mineurs qui, au jour du décès,
remplissaient la condition de résidence prévue à l'article
22-1 du code civil. »
Article 2
L'article 21-15 du code civil est ainsi rédigé :
« Art. 21-15.-
Hors le cas prévu à l'article
précédent, l'acquisition de la nationalité
française par décision de l'autorité publique
résulte d'une naturalisation accordée par décret à
la demande de l'étranger. »
Article 3
I.- Au
second alinéa de l'article 22-1 du code civil, les mots :
« de naturalisation » sont supprimés.
II.- A l'article 27 du code civil, après les mots : « une
demande », sont insérés les mots :
« d'acquisition, ».
III.- A l'article 27-1 du code civil, après les mots : « Les
décrets portant », il est inséré le mot :
« acquisition, ».
IV.- A l'article 27-2 du code civil, après les mots :
« Les décrets portant », il est inséré
le mot « acquisition, ».
V.- Dans la seconde phrase du second alinéa de l'article 28-1 du code
civil, après les mots : « retrait du
décret », sont insérés les mots :
« d'acquisition, ».
VI.- A l'article 30-1 du code civil, après les mots : « par
déclaration, », sont insérés les mots :
« décret d'acquisition ou de ».