N°278

SENAT

SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998

Annexe au procès-verbal de la séance du 5 février 1998.

PROPOSITION DE LOI

tendant à utiliser partiellement les cotisations d'assurance chômage dues par les employeurs au titre de l'article L. 351-3-1 du code du travail pour recruter des personnes visées par l'article L. 351-1 du code du travail,

PRÉSENTÉE

Par M. Alain JOYANDET,

Sénateur.

(Renvoyée à la commission des Affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

Travail.

EXPOSE DES MOTIFS

MESDAMES, MESSIEURS,

La France détient le triste record de l'un des taux de chômage les plus élevés des grandes nations industrielles, taux qui ne connaît pas de réduction significative malgré les efforts qui ont été faits pour y remédier.

Il est vital de faire de la lutte contre le chômage une grande cause nationale de façon à rompre avec cette fatalité, cette épée de Damoclès, avec laquelle nombre de nos concitoyens doivent vivre.

Nous assistons aujourd'hui à une véritable «fracture sociale» qui génère chaque jour davantage d'exclus, marginalisés et incompris par le système.

Chômeurs en fin de droits, personnes sans qualification, ils se sentent oubliés par le pouvoir qui avait fait de la lutte contre le chômage sa priorité et qui s'est, essentiellement, adressé aux jeunes qualifiés par le biais de la loi sur le développement d'activités pour les jeunes dans le secteur non marchand.

De même, aucun résultat concret, rapide et efficace n'est attendu de la loi sur les trente-cinq heures, unique mesure du « sommet sur l'emploi ».

C'est pourquoi il vous est proposé d'adopter un mécanisme, simple dans son principe et dans sa mise en oeuvre, qui consisterait à activer les dépenses passives du chômage.

Ce dispositif reposerait sur l'idée qu'il vaut mieux payer une personne à travailler plutôt qu'à ne rien faire et s'organiserait autour d'une convention simple à mettre en oeuvre. Il devrait avoir des conséquences rapides en créant de vrais emplois solvables dans le secteur marchand et fournir une réponse adaptée à la forte attente qui se fait sentir.

I. - UNE ACTIVATION DES DÉPENSES PASSIVES

Chaque mois, les chefs d'entreprise sont contraints de verser des sommes importantes au titre de l'assurance chômage définie par l'article L. 351-3-1 du code du travail.

Ces sommes sont destinées à indemniser les personnes qui ont perdu leur emploi et qui bénéficient de l'allocation prévue à l'article L. 351-3 du code du travail.

Le texte qui vous est présenté propose donc aux employeurs du secteur marchand d'affecter au recrutement de chômeurs les cotisations ASSEDIC dans la limite de 90 % de ces sommes. Les employeurs signeront une convention, à cet effet, qui prévoira en contrepartie d'augmenter les effectifs de l'entreprise d'au moins 8 %.

Trois conditions encadrent ce dispositif :

1. Une limitation des sommes affectées

Seuls 90 % des sommes seront concernés par la convention de façon à ce que les 10 % restants puissent financer le fonctionnement des centres gestionnaires. Le plafond est expressément déterminé par la proposition de loi afin que le renvoi de son évaluation à un décret ne vienne pas minorer les effets de celle-ci, comme cela a été le cas pour le décret d'application n° 96-356 du 25 avril 1996, prévu dans l'article 92 de la loi n° 95-116 du 4 février 1995 instituant, à titre expérimental, des conventions de coopération entre les employeurs et les ASSEDIC pour le reclassement des chômeurs. En effet, celui-ci avait fixé un plafond de 500 millions de francs, somme insuffisante si l'on veut que ces conventions produisent les effets escomptés en réduisant de manière significative le nombre des demandeurs d'emploi.

Le calcul des 90 % des cotisations d'assurance chômage devra prendre en compte les nouveaux salaires bruts créés dans le cadre de ce dispositif.

2. Une augmentation minimale des effectifs imposée en contre
partie

II est prévu que les emplois créés correspondent, au moins, à une augmentation de 8 % des effectifs de façon à éviter que les employeurs ne créent un seul poste, à forte rémunération, là où ils pourraient en créer plusieurs.

Les centres de gestion des ASSEDIC seront chargés, à ce titre, de contrôler la stabilité des effectifs ainsi augmentés.

3. Une activation des dépenses passives

Ce dispositif permet le reclassement des personnes définies à l'article L. 351-1 du code du travail.

ï Les travailleurs indemnisés au titre de l'article L. 351-3 du code
du travail seront, tout naturellement, concernés par le dispositif
puisque celui-ci permet une réelle activation des dépenses passives et
évite de créer un manque à gagner pour les ASSEDIC qui ne devront
plus leur verser d'allocation chômage.

ï Pour le cas spécifique des chômeurs en fin de droit bénéficiant
d'une allocation solidarité versée par l'Etat, ce dernier, par dérogation
à l'article L. 351-10 du code du travail, reverse ces sommes à
l'UNEDIC.

II. - UNE MISE EN OEUVRE SIMPLIFIEE

Le succès d'un tel dispositif repose essentiellement sur une bonne communication mais surtout sur la simplicité de sa mise en oeuvre.

Il s'agit donc de conventions signées entre les employeurs et les institutions mentionnées à l'alinéa trois de l'article 1 er de la proposition de loi, conventions qui permettent l'affectation des cotisations Assedic à la création d'emplois.

Afin d'éviter un effet «d'aubaine» et de permettre aux salariés de trouver progressivement leur place dans l'entreprise, il est proposé de limiter la durée des conventions à trente-six mois.

Les contrats conclus dans ce cadre seront donc, soit à durée indéterminée, soit à durée déterminée de trente-six mois. Dans ce dernier cas, ils s'inspirent du dispositif imaginé dans le cadre de la loi n° 97-940 du 16 octobre 1997, relative au développement d'activités pour l'emploi des jeunes dans le secteur non marchand.

Ces contrats peuvent être rompus annuellement, soit à l'initiative du salarié, soit à l'initiative de l'employeur sous réserve d'une cause réelle et sérieuse ou d'un cas de force majeure.

Le salarié dont le contrat aura été rompu bénéficiera de l'allocation prévue à l'article L. 351-3 du code du travail.

En cas de départ volontaire du salarié, un nouveau contrat à durée déterminée peut être conclu avec un autre salarié jusqu'au terme de la convention initiale.

Ce dispositif, par sa simplicité, devrait encourager les chefs d'entreprise à recruter de nouveaux salariés sans pour autant accroître les charges qui pèsent sur leur entreprise.

Cette proposition de loi s'adresse prioritairement aux PMI-PME qui aujourd'hui sont source d'emplois mais qui ne peuvent recruter en raison du poids des charges qui pèsent sur elles. Elles pourront ainsi très facilement bénéficier de cette mesure étant donné la faible importance de leurs effectifs.

Tel est l'objet de la proposition de loi que nous vous demandons de bien vouloir adopter.

PROPOSITION DE LOI

Article 1 er

Les contributions des employeurs et des salariés mentionnées à l'article L. 351-3-1 du code du travail peuvent être utilisées, dans la limite de 90 % des sommes susmentionnées, à l'effet de favoriser le reclassement professionnel des personnes visées à l'article L. 351-1 du code du travail.

Le plafond prévu dans l'alinéa précédent prend en compte, pour son calcul, les cotisations qui auraient dû être versées pour les nouveaux emplois ainsi créés.

Des conventions sont conclues à cet effet entre les employeurs, le représentant de l'Etat dans le département, le délégué départemental de l'agence nationale pour l'emploi, à condition qu'elles permettent l'augmentation d'au moins 8 % des effectifs de l'entreprise.

Le contrôle de la stabilité de l'effectif augmenté est confié à l'ASSEDIC en vertu de l'article L. 351-5 du code du travail.

Article 2

I. - Les conventions mentionnées à l'article 1 er de la présente loi
sont conclues pour une durée de trente-six mois. Au terme de cette
durée les conventions ne sont pas reconductibles.

II. - Les contrats de travail, conclus en application de ces
conventions, sont à durée indéterminée ou déterminée.

III. - Les contrats à durée déterminée, mentionnés au II du pré
sent article, sont conclus pour une durée de trente-six mois.

Ils comportent une période d'essai d'un mois renouvelable une fois.

Sans préjudice de l'application du premier alinéa de l'article L. 122-3-8 du code du travail, ils peuvent être rompus à l'expiration de chacune des périodes annuelles à l'initiative du salarié moyennant le respect d'un préavis de deux semaines, ou de l'em ployeur, s'il justifie d'une cause réelle et sérieuse ou d'un cas de force majeure.

Dans ce dernier cas, les dispositions des articles L. 122-6 et L. 122-14 de code du travail sont applicables. En outre, l'employeur qui décide de rompre le contrat de travail du salarié doit notifier cette rupture par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Cette lettre ne peut être expédiée au salarié moins d'un jour franc après la date fixée pour l'entretien préalable prévu à l'article L. 122-14 susmentionné. La date de la présentation de la lettre recommandée fixe le point de départ du délai-congé prévu par l'article L. 122-6 du code du travail.

Le salarié dont le contrat est rompu par son employeur dans les conditions prévues au troisième alinéa du présent III bénéficie d'une indemnité calculée sur la base de la rémunération perçue. Le montant retenu pour le calcul de cette indemnité ne saurait cependant excéder celui qui aura été perçu par le salarié au titre des dix-huit derniers mois d'exécution de son contrat de travail. Son taux est identique à celui prévu au deuxième alinéa de l'article L. 122-3-4 du code du travail. Le salarié bénéficie également des droits ouverts par l'article L. 351-3 du code du travail.

En cas de rupture du contrat de travail à l'initiative du salarié, l'employeur peut conclure, pour le même poste, un nouveau contrat à durée déterminée jusqu'au terme de la convention initialement conclue.

Article 3

Les pertes de recettes résultant de l'application des articles 1 er et 2 ci-dessus sont compensées, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus à l'article 403 du code général des impôts.

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