N°174
SENAT
SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998
Annexe au procès-verbal de la séance du 15 décembre 1997.
PROPOSITION DE LOI
relative aux prestations familiales dans les départements d'autre-mer,
PRÉSENTÉE
Par M. Rodolphe DÉSIRÉ,
Sénateur.
(Renvoyée à la commission des Affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)
Départements et territoires d'outre-mer. - Prestations familiales - Code de la sécurité sociale.
EXPOSÉ DES MOTIFS
MESDAMES, MESSIEURS,
La présente proposition de loi a pour objet de remédier, sur le plan législatif, aux inégalités qui subsistent encore entre les hommes et les femmes dans les départements d'outre-mer quant au libre choix du membre du couple au nom duquel seront versées les prestations familiales.
Certes, pour ce sujet comme pour d'autres du secteur social, c'est au pouvoir réglementaire qu'il appartient de préciser l'essentiel du dispositif, mais le législateur se doit de donner des indications claires sur son attachement au principe de non-discrimination entre les hommes et les femmes qui doit être appliqué de la même façon dans les départements d'outre-mer comme en métropole, qu'il s'agisse des prestations familiales accordées par le régime général de la sécurité sociale ou de celles versées par la fonction publique.
La situation actuelle, sur ce point, ne paraît pas acceptable.
En effet, le pouvoir réglementaire oppose, au libre choix de l'allocataire tel qu'il existe en métropole, pour le régime général, les dispositions du décret du 31 octobre 1938 pour la Martinique et celles du décret du 22 décembre 1938 pour la Guadeloupe, la Guyane française et la Réunion qui, outre qu'elles ne concernent que les seules allocations familiales, sont quasiment soixantenaires puisqu'elles datent d'avant la départementalisation instaurée par la loi du 19 mars 1946.
Or, ces dispositions font du père l'allocataire des allocations familiales. L'article L. 755-4 du code de la sécurité sociale mentionne même le terme de chef de famille qui est une notion qui a été abrogée en matière de droit civil pour la France métropolitaine, mais également pour les départements et territoires d'outre-mer par la loi du 4 juin 1970.
Enfin, s'agissant de la fonction publique, c'est une circulaire n° B-68-28 en date du 15 février 1983 du ministre chargé du Budget - donc un texte à la force juridique bien ténue - qui donne au père un rang prioritaire pour la détermination de l'allocataire.
Sur ce point, aussi, les textes réglementaires devront être modifiés, comme ils devront l'être également pour rétablir le libre choix de l'attributaire - c'est-à-dire de la personne entre les mains de qui seront véritablement versées les prestations familiales - imprudemment abrogé par le décret n° 87-206 du 27 mars 1987 modifiant le code de la sécurité sociale et pris pour l'application de certaines dispositions de la loi n° 86-1507 du 29 décembre 1986 relative à la famille 1 ( * ) .
Par ailleurs, il convient de préciser, pour instaurer une véritable égalité entre les prestations familiales servies quel que soit le régime et une transparence entre les différents régimes, que les bases de calcul de ces prestations pour les personnels de la fonction publique dans les départements d'outre-mer sont identiques à celles qui sont applicables pour les ressortissants du régime général de ces mêmes départements.
S'agissant des employeurs et des travailleurs indépendants, la rédaction actuelle de l'article L. 755-2-1 du code de la sécurité sociale est à ce point rigoureuse qu'elle prive ceux-ci du bénéfice des prestations familiales s'ils s'avèrent dans l'impossibilité, du fait de difficultés financières, de verser les cotisations auxquelles ils sont assujettis. Cela pénalise donc les enfants qui ne sont pas responsables de la situation de leurs parents. La présente proposition de loi a donc pour objet d'assouplir le dispositif existant sans pour autant inciter les employeurs et travailleurs indépendants à ne pas verser leurs cotisations.
La proposition de loi est donc composée de quatre titres.
Le titre I er (article 1 er ) renvoie à un décret le soin de préciser les modalités de choix de l'allocataire des prestations familiales.
Le titre II (article 2) concerne les prestations familiales servies aux personnels de la fonction publique et les bases de calcul de celles-ci.
Le titre III (article 3) permet aux travailleurs indépendants en difficultés financières et qui ne peuvent, de ce fait, verser leurs cotisations, de percevoir les prestations familiales afin de pouvoir assumer la charge de leurs enfants.
Le titre IV dans son article 4 met le code de la sécurité sociale en harmonie avec le code civil en supprimant la mention de chef de famille et, dans son article 5, prévoit un gage.
Ces quatre titres de la présente proposition de loi devraient permettre de compléter utilement le processus d'égalisation de traitement entre les départements d'outre-mer et la métropole initié, notamment, par la loi de programme n° 86-1383 du 31 décembre 1986 relative au développement des départements d'outre-mer, de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Mayotte en supprimant une discrimination entre les hommes et les femmes tout à fait inacceptable au regard du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 mentionné par celui de la Constitution de la Ve République. Le préambule de la Constitution de la IVe République ne prévoit-il pas, en effet, que « la loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l'homme »!
Telles sont les raisons pour lesquelles il vous est demandé, Mesdames, Messieurs, d'adopter la proposition de loi suivante.
PROPOSITION DE LOI
TITRE I er
DISPOSITIONS GÉNÉRALES RELATIVES
AUX PRESTATIONS FAMILIALES
Article 1 er
L'article L. 755-1 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, les modalités relatives au libre choix de l'allocataire, quels que soient le ou les régimes de prestations familiales dont dépendent les deux membres du couple, sont précisées par décret. »
TITRE II
DISPOSITIONS RELATIVES À LA FONCTION PUBLIQUE
Article 2
Le second alinéa de l'article L. 755-10 du même code est ainsi rédigé :
« Le taux et la base de calcul des prestations mentionnées au premier alinéa sont ceux qu'appliquent les caisses d'allocations familiales de ces mêmes départements. »
TITRE III
DISPOSITIONS RELATIVES AUX TRAVAILLEURS INDÉPENDANTS
Article 3
La dernière phrase de l'article L. 755-2-1 du même code est remplacée par les deux phrases suivantes :
« Le versement desdites prestations est subordonné à celui des cotisations afférentes sauf si l'employeur ou le travailleur indépendant concerné apporte la preuve que le non-paiement de celles-ci est imputable uniquement à l'insuffisance de ses revenus. Les conditions d'application de cet article sont fixées par décret. »
TITRE IV
DISPOSITIONS DIVERSES
Article 4
A l'article L. 755-4 du même code, les mots : « au chef de famille » sont remplacés par les mots : « à l'attributaire ».
Article 5
Les majorations de charges résultant des dispositions de la présente loi sont compensées par l'institution d'une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
* 1 - Mais les dispositions antérieures ne concernaient que les allocations familiales. Il conviendrait de permettre ce libre choix pour l'ensemble des prestations familiales.