N° 160
SENAT
SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998
Annexe au procès-verbal de la séance du 8 décembre 1997.
PROPOSITION DE LOI
visant à modifier l'article 23 de la loi n° 83-663 du 22 juillet 1983 relatif à la répartition intercommunale des charges des écoles publiques accueillant des enfants issus de plusieurs communes,
PRESENTEE
Par MM. Alain VASSELLE, Philippe ADNOT, Michel ALLONCLE, Louis ALTHAPÉ, Bernard BARBIER, Jean BERNARD, Jean BIZET, André BOYER, Gérard BRAUN, Jean-Claude CARLE, Charles CECCALDI-RAYNAUD, Gérard CÉSAR, Désiré DEBAVELAERE, Marcel DENEUX, Charles DESCOURS, Michel DOUBLET, Alain DUFAUT, Ambroise DUPONT, Daniel ECKENSPIELLER, Alfred FOY, Yann GAILLARD, Patrice GÉLARD, Alain GÉRARD, Daniel GOULET, Georges GRUILLOT, Hubert HAENEL, Emmanuel HAMEL, Rémi HERMENT, Roger HUSSON, André JOURDAIN, Pierre LAGOURGUE, Henri LE BRETON, Dominique LECLERC, Edouard LE JEUNE, André MAMAN, Philippe MARINI, René MARQUÈS, Serge MATHIEU, Bernard PLASAIT, Alain PLUCHET, Roger RIGAUDIÈRE, Jean-Jacques ROBERT, Michel RUFIN, Michel SOUPLET et Martial TAUGOURDEAU,
Sénateurs.
(Renvoyée à la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)
EXPOSÉ DES MOTIFS
MESDAMES, MESSIEURS,
L'article 23 de la loi n° 83-663 du 22 juillet 1983 modifié par la loi n° 86-29 du 9 janvier 1986 pose le principe et les modalités de répartition des dépenses de fonctionnement des écoles publiques entre la commune d'accueil et la commune de résidence de l'enfant. Cet article dispose que, dans les cas où des enfants résidant dans une commune sont scolarisés dans une autre commune, la répartition des dépenses d'entretien et de fonctionnement se fait par accord entre la commune d'accueil et la commune de résidence de l'enfant concerné. A défaut d'accord, la contribution de chacune des deux communes est fixée par le représentant de l'Etat après avis du Conseil de l'éducation nationale.
Cet article précise que le calcul de la contribution de la commune de résidence de l'enfant s'effectue en fonction des ressources de la commune, du nombre d'enfants de cette commune scolarisés dans la commune d'accueil et du coût moyen par élève calculé sur la base des dépenses de l'ensemble des écoles publiques de la commune d'accueil.
Pris en application du cinquième alinéa du I de cet article, le décret n° 86-425 du 12 mars 1986 énonce les cas dérogatoires impliquant la participation financière obligatoire de la commune de résidence à la scolarisation d'enfants dans une commune d'accueil. Le maire de la commune d'accueil peut par conséquent imposer à la commune de résidence sa participation financière lorsque :
- les deux parents exercent une activité professionnelle et lorsque la commune de résidence n'assure pas directement ou indirectement la restauration et la garde des enfants, ou l'une seulement de ces deux prestations ;
- l'état de santé de l'enfant nécessite une hospitalisation fréquente ou des soins réguliers et prolongés, assurés dans la commune d'accueil et ne pouvant l'être dans la commune de résidence ;
- l'inscription du frère ou de la soeur de l'enfant inscrit la même année scolaire dans une école maternelle, une classe enfantine ou école élémentaire publique de la commune d'accueil, est notamment justifiée par l'un des cas mentionnés précédemment ou par l'absence de capacité d'accueil de la commune de résidence.
L'application de ce texte pose de réelles difficultés d'application et entraîne de nombreux problèmes financiers pour les petites communes rurales.
D'une part, dans un certain nombre de cas, le montant des appels à contribution est souvent disproportionné par rapport à la charge réelle supportée par la commune d'accueil pour les dépenses de fonctionnement de ses écoles.
D'autre part, en dehors des conséquences purement financières, se pose le véritable problème de la disparition en milieu rural d'un service public vital pour la population locale, l'école. En effet, la présence d'une école sur le territoire d'une commune reste un des meilleurs garants de fixation de la population. Car l'école est le centre de vie du village, sa disparition entraîne inévitablement un exode des commerces, puis de ses habitants vers les centres urbains les plus proches. C'est donc la « fin » du village. Or, le maintien d'un service public en milieu rural, tel que le réseau scolaire, ne peut que contribuer à favoriser une occupation équilibrée de l'espace national, ce qui représente un des objectifs fondamentaux des politiques d'aménagement du territoire.
A ce jour, de nombreuses familles considèrent, à tort d'ailleurs, comme des facteurs d'échec les effectifs réduits et la diversité des niveaux au sein d'une même classe, et estiment que les conditions de scolarisation dans les nonnes urbaines sont meilleures ; elles préfèrent donc scolariser leurs enfants dans des structures urbaines.
Si la liberté de choix des familles quant au lieu d'instruction de leurs enfants ne peut et ne doit pas être remis en cause ; il n'est pas souhaitable que cela se fasse au détriment de la commune de résidence. En effet, s'il convient de défendre la liberté des familles, il est également nécessaire de tenir compte des efforts faits par la commune de résidence pour assurer l'éducation et l'accueil des enfants sur son territoire.
Le choix des parents, purement personnel, doit être fait en connaissance de la nature et du nombre des services assurés et offerts par la commune de résidence. Chacun s'accorde à reconnaître qu'il n'y a pas « d'école idéale », mais que l'école rurale et l'école urbaine présentent tant l'une que l'autre des avantages et des inconvénients. Ainsi, un établissement urbain dispose de nombreux équipements et services scolaires et parascolaires mais doit faire face à des effectifs considérables toujours plus importants et à des problèmes liés à la violence, au racket (...) ; alors que dans une structure rurale, il existera des carences d'équipement et de services mais en revanche les enfants, de par leur effectif, bénéficieront d'un meilleur encadrement.
Dès lors, il est clair qu'il appartient aux familles de responsabiliser leurs choix et non à la collectivité de s'adapter aux décisions personnelles des familles.
Une scolarisation hors de la commune rurale présente des inconvénients pour la commune elle-même dès lors que, lorsqu'elle dispose encore d'une école, ses effectifs scolaires fortement réduits ne lui permettent pas d'assurer les services annexes tels que la halte-garderie et la cantine, services que la population locale est en droit d'attendre.
On se retrouve dès lors en présence d'un cercle vicieux sans solution aucune que la disparition de la vie rurale avec toutes ses conséquences sur l'aménagement de notre territoire. En effet, les écoles rurales manquent d'équipements et de moyens faute d'effectif, et les parents scolarisent leurs enfants dans des structures urbaines faute d'équipements dans leur commune de résidence.
C'est pourquoi, il nous semble essentiel - plutôt que de faire supporter à la commune de résidence des niveaux de dépenses sans commune mesure avec leur propre budget général et avec le niveau de dépenses réellement supporté par la commune d'accueil - de mettre en oeuvre des dispositions d'ordre incitatif, encourageant les communes rurales à se doter des équipements les plus adéquats pour accueillir et assurer un enseignement scolaire adapté et comparable à celui offert dans des structures disposant de plus de moyens financiers.
De telles mesures permettront, dans le cadre d'une politique d'aménagement du territoire équilibrée et rationnelle, d'éviter d'une part, à long terme le phénomène de « banlieurisation » qui a montré aujourd'hui ses véritables et graves limites (sureffectifs, insécurité...) et d'éviter d'autre part, le renforcement de l'inégalité sociale entre le monde rural et la population urbaine.
D'ores et déjà, il conviendrait donc de revenir sur le décret de 1986 qui prévoit les cas dérogatoires impliquant la participation financière obligatoire de la commune de résidence à la scolarisation d'enfants dans une commune d'accueil, en les limitant.
Ainsi, lorsqu'une commune de moins de deux mille habitants offre des services comparables à ceux offerts dans une structure urbaine et pouvant répondre aux besoins des familles, elle ne devrait pas avoir à assumer le choix des parents, mais ce devrait être aux familles d'assumer leur choix. Pour ces petites communes rurales, les dérogations devraient se limiter aux raisons de santé de l'enfant et à l'insuffisance de la capacité d'accueil de la commune de résidence.
A ce titre, la législation actuelle dispose que le maire de la commune d'accueil peut imposer à la commune de résidence sa participation aux dépenses de fonctionnement de son école lorsque celle-ci ne possède pas sur son territoire de services de halte-garderie et de cantine. Or, il existe en milieu rural un réseau développé d'assistantes maternelles agréées qui peuvent tout à fait remplir ces missions dans les mêmes conditions qu'une halte-garderie ou qu'une cantine.
Dès lors, lorsqu'une assistante maternelle peut accueillir des enfants le matin avant l'ouverture de l'école et le soir après sa fermeture, c'est-à-dire remplir les fonctions d'une halte-garderie, ainsi qu'assurer les repas de midi dans les mêmes conditions qu'une cantine, les services qu'elle assure devraient être reconnus par notre législation, au même titre que ceux assurés dans le cadre d'une halte-garderie et d'une cantine.
H nous semblerait donc judicieux de prendre en considération ce service dans le calcul de la contribution obligatoire de la commune de résidence dans le cadre de la répartition intercommunale des dépenses de fonctionnement des écoles publiques accueillant des enfants issus de plusieurs communes, dès lors que la commune de résidence a moins de deux mille habitants. Cette mesure devrait, d'une part, permettre à ces petites communes de ne plus avoir à supporter des niveaux de dépenses sans commune mesure avec la contribution réellement supportée par la commune d'accueil et, d'autre part, contribuer à développer les réseaux d'assistantes maternelles agréées évitant ainsi la disparition en milieu rural d'un service de proximité en faveur de la population. D'autant que ce type de service favorise très nettement le maintien des familles en milieu rural sans qu'elles se trouvent défavorisées par rapport aux familles citadines qui bénéficient de structures très organisées.
Aussi, afin de favoriser l'application du dispositif existant de répartition des charges de fonctionnement des écoles publiques et de combler le vide juridique actuel générateur de difficultés financières rencontrées par les petites communes et qui deviennent pour elles de plus en plus insupportables, nous vous proposons de modifier l'article 23 de la loi n° 83-663 du 22 juillet 1983 modifiée par la loi n° 86-29 du 9 janvier 1986.
Pour toutes les raisons qui précèdent, nous vous demandons, Mesdames, Messieurs, de bien vouloir adopter la présente proposition de loi que nous vous soumettons.
PROPOSITION DE LOI
Article 1 er
La première phrase du troisième alinéa du I de l'article 23 de la loi n° 83-663 du 22 juillet 1983 complétant la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l'Etat est ainsi rédigée :
« Pour le calcul de la contribution de la commune de résidence, il est tenu compte des ressources de cette commune, de l'existence de structures d'accueil en dehors des horaires scolaires ainsi que de services de halte-garderie et de cantine assurés par les assistantes maternelles agréées dans cette commune lorsque cette dernière compte moins de deux mille habitants ; du nombre d'élèves de cette commune scolarisés dans la commune d'accueil ; du coût moyen par élève calculé sur la base des dépenses de l'ensemble des écoles publiques de la commune d'accueil. »
Article 2
La première phrase du cinquième alinéa du I de l'article 23 de la même loi est ainsi rédigée :
« Par dérogation aux dispositions de l'alinéa précédent, un décret en Conseil d'Etat précise les cas dans lesquels une commune est tenue de participer financièrement à la scolarisation d'enfants résidant sur son territoire lorsque leur inscription dans une autre commune est justifiée par des motifs tirés de raisons médicales ou de contraintes liées aux obligations professionnelles des parents à défaut de structure d'accueil en dehors des horaires scolaires dans la commune de résidence. »