N°129
SENAT
SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998
Annexe au procès-verbal de la séance du 28 novembre 1997
PROPOSITION DE LOI
interdisant l'utilisation des listes électorales à partir del 'origine géographique, ethnique ou religieuse présumée des électeurs,
PRÉSENTÉE
Par MM. Michel DUFFOUR, Robert PAGES, Jean DERIAN, Mme Marie-Claude BEAUDEAU, M. Jean-Luc BÉCART, Mmes Danielle BIDARD-REYDET, Nicole BORVO, MM. Guy FISCHER, Pierre LEFEBVRE, Paul LORIDANT, Mme Hélène LUC, MM. Louis MINETTI, Jack RALITE, Ivan RENAR et Mme Odette TERRADE,
Sénateurs.
(Renvoyée à la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)
Elections et référendums. - Commission nationale informatique et libertés (CNIL) - Code électoral.
EXPOSE DES MOTIFS
MESDAMES, MESSIEURS,
Le principe de libre accès aux listes électorales consacré par le code électoral à l'article L. 28 et par le Conseil constitutionnel (décision du 14 décembre 1982) a pour objectif de garantir la transparence et l'honnêteté des opérations électorales. Au libre accès à la liste, est adjointe une libre utilisation qui n'est tempérée que par une seule exception : est interdite en vertu de l'article R. 16 du code électoral toute exploitation purement commerciale. A l'inverse donc, sont autorisées toutes les formes d'utilisation, notamment celles dont les finalités sont politiques.
Il a été constaté à l'occasion de scrutins récents l'utilisation des listes électorales dans le but de contacter des électeurs d'origine étrangère sélectionnés à partir de la consonance étrangère de leur nom.
La méthode est simple. A partir de la liste électorale en accès libre, un tri est effectué sur les consonances de noms et les électeurs ciblés reçoivent des courriers où apparaissent, pour citer deux affaires récentes, les expressions « Chers coreligionnaires » ou « Nos coutumes et notre civilisation ». Si la loi de 1978 sur l'informatique et les libertés interdit à son article 31 l'élaboration de fichiers faisant référence aux origines ethniques, philosophiques ou politiques, la méthode ici utilisée, bien que discriminatoire, ne rentre pas sous le coup de cette disposition en l'absence de fichier intermédiaire.
Sensible à cette faille, la CNIL, autorité chargée de contrôler la légalité des fichiers et traitements automatisés, avait dans une recommandation n° 91-115 en date du 9 décembre 1991 signalé que tout tri de population fondé sur de telles origines devait être évité. La portée juridique de cette recommandation est faible, et le TGI de Paris, dans une décision du 17 octobre 1994, a considéré, d'une part, que les candidats aux élections pouvaient élaborer des fichiers à partir des listes électorales sans que cela soit soumis à déclaration, à condition que ceux-ci ne rentrent pas sous le coup de l'article 31. Par ailleurs, il a écarté le problème du tri par consonance de noms considérant que la recommandation de la CNIL soulevée par les requérants n'avait aucune valeur.
Une telle utilisation des listes électorales, basée sur la discrimination raciale, est totalement inacceptable.
Il est donc nécessaire d'interdire de tels tris.
Il conviendrait pour ce faire de s'inspirer de la logique de l'article 31 de la loi de 1978, et faire rentrer sous le coup de cet article les tris avérés fondés sur les origines raciales, religieuses ou politiques. En limitant ainsi l'exploitation des listes électorales, il ne sera aucunement porté atteinte à l'information politique, et seront évitées des pratiques très dangereuses.
Il s'agirait donc simplement de corriger un oubli et de rectifier l'article L. 28 du code électoral, afin de le rendre conforme à la loi de 1978.
Sous le bénéfice de ces observations, nous vous demandons, Mesdames, Messieurs, de bien vouloir adopter la proposition de loi suivante.
PROPOSITION DE LOI
Article unique
Le deuxième alinéa de l'article L. 28 du code électoral est ainsi rédigé :
« Tout électeur, tout candidat et tout parti ou groupement politique peut prendre communication et copie de la liste électorale, à la condition de s'engager à ne pas en faire un usage purement commercial, ou un usage discriminatoire à partir de l'origine géographique, ethnique ou religieuse présumée des électeurs. »