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N° 226

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1996-1997

Annexe au procès-verbal de la séance du 20 février 1997.

PROPOSITION DE LOI

tendant à adapter la législation existante afin de permettre aux magistrats de sanctionner les pratiques délictueuses de certains mouvements sectaires,

PRÉSENTÉE

Par M. Robert-Paul VIGOUROUX,

Sénateur.

(Renvoyée à la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

Droits de l'homme et libertés publiques. - Code pénal - Sectes.

EXPOSÉ DES MOTIFS

MESDAMES, MESSIEURS,

Aujourd'hui plus que jamais, les médias se font l'écho du développement de mouvements sectaires et des conséquences dramatiques que les méthodes de certaines d'entre elles font peser sur de nombreuses victimes.

Loin de constituer un phénomène exclusivement médiatique, un tel développement apparaît comme un fait de société difficile à appréhender mais dont il convient pourtant de prendre la juste mesure.

Au début de l'année 1996, nos collègues députés ont longuement débattu sur ce sujet à la suite de la présentation du rapport établi par Jacques Guyard au nom de la commission d'enquête sur les sectes présidée par Alain Gest.

À la suite de cette analyse du développement sectaire en France, la commission a conclu à l'impossibilité d'établir une législation spécifique pour mettre fin aux dérives éventuelles de ce phénomène, en indiquant qu'une application adéquate des textes en vigueur y parviendrait.

Ma proposition n'est pas de substituer à la législation aujourd'hui existante un dispositif juridique nouveau, mais d'actualiser celle-ci pour tenir compte, par un simple ajout à cette législation, de l'évolution et de la diversité croissante du phénomène et de donner à la justice les moyens de sanctionner les atteintes aux droits d'autrui perpétrées par certains groupements sectaires.

La proposition de loi que je vous suggère d'adopter n'entend pas s'inscrire à l'encontre des conclusions déposées par la commission d'enquête, mais vise, sans créer une législation propre aux sectes, à renforcer l'arsenal répressif existant et élargir le champ d'action dévolu aux victimes.

La présente proposition de loi entend ainsi compléter l'article 313-4 du code pénal afin de permettre une incrimination plus aisée des mouvements sectaires dans le cadre d'abus frauduleux de l'état d'ignorance.

Il serait erroné de penser que ces dispositions portent atteinte aux libertés individuelles, dans la mesure où les caractéristiques propres à la liberté d'association, à laquelle je suis attaché, ne seraient pas remises en cause.

Dans l'immédiat, cette mesure de première urgence serait mise en place et ce, dans le souci de ne pas se heurter aux difficultés liées à la notion même de secte ou à la distinction entre sectes et religions.

Pour ces raisons je vous demande, Mesdames et Messieurs, de bien vouloir adopter la présente proposition de loi.

PROPOSITION DE LOI

Article premier.

À l'article 31 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État, les mots : « soit par voies de fait, violences ou menaces contre un individu, soit en lui faisant craindre de perdre son emploi ou d'exposer à un dommage sa personne, sa famille ou sa fortune, l'auront déterminé » sont remplacés par les mots : « par des voies de fait auront déterminé un individu ».

Art. 2.

Le chapitre III du titre II du livre II du code pénal est ainsi modifié :

I. - Après l'article 223-15, il est inséré une section VII ainsi rédigée :

« SECTION VII

« Des atteintes à la liberté de conscience.

« Art. 223-15-1. - Le fait, soit de recourir à des manoeuvres frauduleuses, soit d'user de violences physiques ou morales, de menaces sur l'emploi ou la fortune d'un individu ou d'exposer à un dommage physique ou moral, réel ou non, sa personne ou sa famille afin de le déterminer à exercer ou à s'abstenir d'exercer un culte, à adhérer ou à s'abstenir d'adhérer à une doctrine, à faire partie ou à cesser de faire partie d'une association cultuelle ou d'un groupe d'individus faisant profession d'une même doctrine, que ce groupe soit doté ou non de la personnalité juridique, à contribuer ou à s'abstenir de contribuer aux frais d'un culte ou d'un tel groupe, est puni de trois ans d'emprisonnement et de 300 000 F d'amende.

« Les peines sont portées à cinq ans d'emprisonnement et à 500 000 F d'amende lorsque la victime de l'infraction définie à l'alinéa précédent est un mineur de quinze ans ou une personne particulièrement vulnérable.

« Art. 223-15-2. - Les personnes morales peuvent être déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues par l'article 121-2, de l'infraction définie à l'article 223-15-1.

« Les peines encourues par les personnes morales sont :

« 1° L'amende, suivant les modalités prévues par l'article 131-38 ;

« 2° Les peines mentionnées à l'article 131 -39.

« Art. 223-15-3. - La tentative de l'infraction prévue à l'article 223-15-1 est punie des mêmes peines. »

Art. 3.

Dans l'article 313-4 du code pénal, après les mots : « physique ou psychique », sont insérés les mots : « éventuellement due aux troubles qu'aura engendrés la commission de l'infraction prévue à l'article 223-15-1 ».

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