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N° 164

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1996-1997

Annexe au procès-verbal de la séance du 19 décembre 1996.

PROPOSITION DE LOI

visant à interdire le port du voile islamique

à l'intérieur des établissements de l' enseignement public ,

PRÉSENTÉE

Par MM. Serge MATHIEU, Henri REVOL et Jean BOYER,

Sénateurs.

(Renvoyée à la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

Religion. - Voile islamique

EXPOSÉ DES MOTIFS

MESDAMES, MESSIEURS,

Le principe de la laïcité de l'enseignement public résulte des dispositions constitutionnelles et législatives de la République.

Il impose la neutralité de l'enseignement par les programmes et les enseignants d'une part, la liberté de conscience des élèves d'autre part.

Il interdit toute discrimination concernant les convictions ou les croyances religieuses des élèves dans l'accès à l'enseignement.

Cette liberté reconnue aux élèves leur confère le droit d'exprimer et de manifester leurs croyances religieuses à l'intérieur des établissements scolaires.

Toutefois, le pluralisme, la liberté d'autrui doivent être respectés sans qu'il soit porté atteinte aux activités d'enseignement, au contenu des programmes et à l'obligation d'assiduité.

La circulaire n° 1649 du 20 septembre 1994 prise par M. Bayrou, ministre de l'Éducation nationale, précise « qu'il n'est pas possible d'accepter à l'école la présence et la multiplication de signes si ostentatoires que leur signification est précisément de séparer certains élèves des règles de vie communes de l'école. Ces signes sont, en eux-mêmes, des éléments de prosélytisme, à plus forte raison lorsqu'ils s'accompagnent de remise en cause de certains cours ou de certaines disciplines, qu'ils mettent enjeu la sécurité des élèves ou qu'ils entraînent des perturbations dans la vie en commun de l'établissement ».

Cependant, elle n'a ni pour effet ni pour objet de modifier ou compléter les textes législatifs et réglementaires, notamment la loi du 28 mars 1882 instituant le principe de laïcité scolaire. Elle se borne à définir les orientations dont doivent s'inspirer les autorités compétentes.

Face aux incidents qu'ont connu un certain nombre d'établissements d'enseignement public fréquentés par des jeunes filles portant un voile islamique, le Conseil d'État affirme depuis 1989 que le tchador ne peut être interdit a priori mais qu'il peut justifier l'exclusion d'élèves s'il est à l'origine d'un trouble à l'ordre public.

L'islam est une religion monothéiste. La revendiquer au moyen d'un symbole vestimentaire équivaut à la rabaisser au niveau d'un stéréotype.

La femme traditionnelle voilée et l'étalage ostentatoire d'un foulard dans un milieu laïque n'ont pas la même signification. Le port du tchador acquiert un sens provocateur, un sens politique qui n'a que très peu de rapport avec les coutumes séculaires d'un milieu traditionnel. Il est le symbole réel du prosélytisme intégriste. Une des premières mesures des états islamiques totalitaires n'est-elle pas de le rendre obligatoire ?

Aussi ces jeunes filles, qui font partie de notre communauté nationale ou qui y revendiquent leur place, n'ont-elles pas comme devoir de ne pas arborer l'insigne même de l'intégrisme ?

Les exigences d'une école tolérante sont toujours d'actualité. La laïcité implique aussi que les élèves et leurs familles en respectent la neutralité. Ils doivent donc s'abstenir de toute provocation ou prosélytisme tant dans le domaine politique que religieux.

Même si le foulard n'est que la provocation consciente d'une minorité musulmane intégriste, il contrevient et vide l'idée de laïcité de son contenu traditionnel dans notre pays.

C'est pourquoi il convient de légiférer pour préserver la laïcité dans l'acceptation qui lui permette de garantir le pluralisme de l'enseignement dans l'unité de la Nation. Telles sont les raisons pour lesquelles il vous est demandé, Mesdames, Messieurs, d'adopter la proposition de loi dont la teneur suit.

PROPOSITION DE LOI

Article 1 er .

Le premier alinéa de l'article premier de la loi n° 89-486 du 10 juillet 1989 d'orientation sur l'éducation est complété par une phrase ainsi rédigé :

« Il contribue à l'égalité des chances et s'exerce dans le respect de la laïcité et du principe de neutralité qui s'imposent à toute personne concourant à ce service public. »

Art. 2.

Le deuxième alinéa de l'article 10 de la loi précitée est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« Dans les collèges et lycées, les élèves disposent dans le respect du pluralisme et du principe de neutralité, de la liberté d'information et de la liberté d'expression. L'exercice de ces libertés ne peut porter atteinte aux activités d'enseignement et ne doit en aucune façon consister en une propagande ou un prosélytisme, de quelque confession que ce soit.

« Ainsi, dans le cadre des activités relevant du service public de l'éducation, tout comportement ou tout port de marque, signe ou insigne, manifestant de façon ostentatoire l'appartenance religieuse, politique ou philosophique, est interdit. »

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