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N° 53
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1996-1997
Annexe au procès-verbal de la séance du 30 octobre 1996.
PROPOSITION DE LOI
visant à instituer un livret d'épargne environnement,
PRÉSENTÉE
Par M. Jacques OUDIN,
Sénateur.
(Renvoyée à la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)
Épargne. - Collectivité locales - Environnement.
EXPOSÉ DES MOTIFS
MESDAMES, MESSIEURS,
Les collectivités locales, qui assument la très grande majorité des équipements collectifs du pays, vont devoir, d'ici à l'an 2000, redoubler d'efforts sous l'influence combinée de l'importance des besoins à satisfaire et, surtout, du nécessaire respect des directives européennes adoptées dans le domaine de l'environnement. Au total, on peut chiffrer à près de 1 000 milliards de francs le montant des investissements à réaliser en quatre années.
D'ores et déjà, la directive relative au traitement des eaux résiduaires urbaines, édictée en 1991, n'a pu être transposée, en droit interne, qu'en 1994, les craintes relatives à la dégradation de la situation des finances des communes ayant présidé à ce retard. Les coûts résultant de ce texte, évalués à 80-100 milliards de francs, à échéance 2005, représentent un objectif particulièrement ambitieux. De plus, 35 villes de plus de 10 000 habitants doivent construire leur station d'épuration : pour une dépense globale de quelque 70 milliards de francs.
Ajoutons à cela : le traitement des déchets des ménages (40 à 50 milliards de francs jusqu'à 2002) ; la mise aux nouvelles normes de sécurité de nombreuses installations (aires de jeux, établissements recevant du public, stades, ...) ; les équipements de lutte contre le bruit ; le développement des pistes cyclables, etc.
Bien sûr, l'État et d'autres partenaires pourront fournir des moyens financiers. Mais leur contribution ne couvrira pas, bien évidemment, la totalité des dépenses. Le solde devra être réglé par les collectivités locales et par leurs groupements.
Aussi est-il indispensable de ménager les voies d'une nouvelle ressource par création d'un produit d'épargne.
On se rappelle que le livret A a été mis en place pour répondre au besoin de logement social, que le compte pour le développement industriel (CODEVI) a été institué pour permettre le développement de la petite et de la moyenne industrie.
Il semble alors opportun de suivre ces deux exemples afin de favoriser la réalisation des équipements publics liés à l'environnement. Ce livret, dont les dépôts seraient rémunérés à 3,5 % comme le livret A, pourrait permettre des prêts aux collectivités locales et à leurs groupements à des taux ne dépassant pas 4,75 %.
Le livret d'épargne environnement, ouvert à tous, au montant plafonné de 10 000 F, procurerait une soixantaine de milliards de francs (le livret A, plafonné à 100 000 F, mobilise 800 milliards de francs ; les CODEVI, à 30 000 F, 200 milliards de francs).
Le moment est favorable : l'épargne financière des ménages a fortement augmenté depuis 1988-1989, passant de 2 % du revenu à près de 8 %, niveau comparable à celui des années 1970 et de la première moitié des années 1980, et ce, au moment où l'inflation est moins forte.
La présente proposition de loi vise donc à instituer un tel livret d'épargne environnement, servant, tout en offrant un attrait pour les souscripteurs, aux autres outils à finalité comparable, à la modernisation et à l'extension, pour nos collectivités et pour nos groupements, des équipements du pays.
« L'enveloppe » provenant des dépôts devrait être répartie, entre les bénéficiaires, en fonction de leur population respective. Non sans majorer, conventionnellement, de 20 % celle des groupements, confrontés, compte tenu de la modicité relative de leur budget, à des travaux excédant, sans nul doute, leur capacité financière.
Il reviendrait à un décret de fixer les conditions d'application de la loi, notamment le taux servi sur les dépôts, la durée et le taux des prêts consentis aux collectivités et à leurs groupements, ainsi que le contrôle de l'utilisation des fonds qui serait confié au préfet dans le cadre du contrôle de légalité.
Sans méconnaître les critiques qu'une telle orientation quant à la structure des circuits de financement de notre économie pourrait faire naître (augmentation de l'épargne liquide, difficultés d'administrer cette épargne et notamment ses taux, perturbations induites sur la conduite de la politique monétaire), il faut remarquer :
- d'une part, que ce type d'épargne connaît déjà un certain nombre d'applications (livret d'épargne, livret A, Codevi, livret jeunes...). Certains d'entre eux ont des taux de rémunération supérieurs et ont des ressources non affectées comme le livret jeunes ;
- d'autre part, que le problème du financement des obligations imposées aux collectivités locales par le législateur est un problème important sans qu'existent encore de réponses satisfaisantes.
Tel est l'objet de la présente proposition de loi qui aura l'immense intérêt :
- de permettre de satisfaire les obligations légales et les besoins maintes fois exprimés par nos concitoyens en matière d'équipement d'environnement ;
- et de soutenir ou de relancer l'activité économique et donc de créer des emplois directs mais aussi induits par tous les équipements en faveur de l'environnement.
Je vous demande donc d'adopter cette proposition de loi.
PROPOSITION DE LOI
Article premier.
Il est créé un livret d'épargne dénommé « livret d'épargne environnement ».
Art. 2.
L'ouverture du livret d'épargne environnement, dans les établissements et organismes autorisés à recevoir des dépôts et les opérations de dépôts et de retrait, est réservée aux personnes physiques ayant leur domicile fiscal en France.
Il ne peut être ouvert qu'un compte par contribuable et un pour le conjoint de celui-ci.
Les sommes déposées sur ce livret sont plafonnées à 10 000 F par compte.
Le versement des produits capitalisés n'est pas soumis à l'impôt sur le revenu.
Art. 3.
Les sommes inscrites sur les livrets d'épargne environnement permettent le financement, par les collectivités locales et par leurs groupements, de dépenses liées à l'amélioration de l'environnement.
Le montant des prêts consentis à ces collectivités et à leurs groupements varie selon le nombre de leurs habitants, l'effectif de la population des groupements étant majoré de 20 %.
Art. 4.
Un décret fixe les conditions d'application de la présente loi, notamment le taux de la rémunération versée sur les dépôts, la durée et le taux des prêts consentis aux collectivités et à leurs groupements, les modalités de contrôle de l'utilisation des fonds.
Art. 5.
L'augmentation des dépenses de l'État résultant de l'application de la présente loi est compensée par le relèvement, à due concurrence des droits de consommation prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.