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N° 202

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1995-1996

Annexe au procès-verbal de la séance du 6 février 1996.

PROPOSITION DE LOI

modifiant le mode d'élection des conseillers régionaux et changeant l 'appellation des conseils généraux, conseillers généraux en conseils départementaux et conseillers départementaux,

PRÉSENTÉE

Par MM. Hubert HAENEL, Daniel ECKENSPIELLER et Jean-Louis LORRAIN,

Sénateurs.

(Renvoyée à la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.).

Élections et référendums. - Conseils généraux - Conseillers généraux - Conseillers régionaux - Code électoral.

EXPOSÉ DES MOTIFS

MESDAMES, MESSIEURS,

Les régions issues des lois de décentralisation sont devenues en quelques années, grâce aux succès de leurs actions, des partenaires essentiels du développement économique, social, culturel de l'aménagement du territoire, de la contractualisation avec l'État, de la mise en place des politiques européennes territorialisées.

Elles sont les acteurs indispensables de la formation des jeunes, construction et équipement des lycées, de l'organisation et du financement de la formation professionnelle et de l'apprentissage.

Les régions apparaissent, tant au niveau européen que national, comme l'échelon le mieux adapté et le plus efficace pour résoudre de nombreux problèmes et gérer certaines politiques publiques.

Mais, en l'état actuel, la plupart d'entre elles ne peuvent faire face avec toute l'ampleur et l'efficacité nécessaires à toutes ces missions.

Élus au suffrage universel depuis dix ans, les conseils régionaux, du fait du mode de scrutin actuel, ne disposent pas, à quelques rares exceptions près, d'une majorité. Ils sont en quelque sorte des « nains-institutionnels ». Vingt des vingt-deux présidents de régions métropolitaines et leur exécutif n'ont été élus qu'à la majorité relative.

Le cadre départemental ne répond pas à la réalité régionale et il ne permet pas l'application d'un scrutin susceptible de favoriser l'émergence d'une majorité.

Leurs compétences ont été étendues en application de la loi du 6 février 1982.

En dehors même de celles-ci, les concitoyens attendent de plus en plus du niveau régional un rôle de coordination et de cohérence, dans le domaine notamment de l'aménagement du territoire et de la planification.

De son côté, le Gouvernement réfléchit, d'une part, à une clarification des rôles des différents échelons de la décentralisation : commune, département, région et, d'autre part, hésite à s'engager dans une réforme de la fiscalité locale. Aucune modification ne peut et ne doit intervenir dans ces différents domaines comme dans celui aussi des transferts de compétences nouvelles aux conseils régionaux (transports ferroviaires régionaux, etc.) sans que soit réglé au préalable le problème du mode scrutin.

L'ampleur prise par la région dans l'organisation politique et administrative de la France et dans la vie quotidienne de nos concitoyens se traduit en quelques chiffres significatifs. Les budgets des régions ont été multipliés par quinze en vingt ans, atteignant en 1995 un total de 70 milliards de francs. Il y a deux ans, les régions ont signé avec l'État des contrats de plan s'élevant à 150 milliards de francs. Si la région a gardé son rôle privilégié de conception d'innovation et de prospective, elle a acquis d'importantes responsabilités de gestion qui nécessitent un engagement suivi dans la durée.

Le mode de scrutin doit être changé. Pourquoi les régions ne bénéficieraient-elles pas de la stabilité que la loi électorale a donnée aux départements et aux communes ? Il ne doit plus y avoir de collectivité territoriale défavorisée par la paralysie de son assemblée alors que les responsabilités de gestion confiées à chaque échelon local nécessitent un contrat de confiance clair passé avec les électeurs.

Le code électoral doit donc être modifié pour que les régions disposent de meilleurs atouts pour remplir leurs compétences et leurs responsabilités et enfin pour éviter les confusions et lapsus si fréquents à l'appellation conseil général : pour les assemblées départementales doit être substituée celle de conseil départemental. Les conseillers généraux devenant conseillers départementaux.

La présente proposition de loi comparable à la proposition de loi n° 2479 Assemblée nationale déposée par MM. Valéry Giscard d'Estaing, Olivier Guichard, Charles Bauer, Jacques Blanc, Maurice Dousset et René Garrec, s'inspire de quatre objectifs simples :

L'identité des régions doit être affirmée par le choix d'une circonscription régionale.

Curieuses élections régionales que celles que nous avons connues jusqu'à présent ! Dans une circonscription départementale, les candidats bâtissent des listes qui traduisent souvent beaucoup plus des intérêts départementaux que régionaux ; ils s'ignorent d'un département à l'autre sans qu'un projet vraiment régional puisse être proposé aux électeurs. Le mode de scrutin actuel n'est que la juxtaposition de scrutins départementaux qui ne permettent pas la croissance et l'affirmation d'une conscience régionale.

Désormais adulte et dotée de vastes compétences, la région doit être rendue plus présente aux citoyens en leur donnant la possibilité d'exprimer, où qu'ils votent dans la région, un choix régional sur des listes proposées en même temps à tous les électeurs de la région.

Cette obligation de se déterminer en fonction de l'intérêt de la région toute entière et non plus d'intérêts locaux de proximité sera partagée : elle appartiendra tant aux électeurs qu'aux conseillers régionaux élus tout au long de leur mandat de six ans.

Les articles premier et 2 de la présente proposition de loi ont notamment pour objet, sans modifier l'effectif total de chaque conseil régional, d'organiser l'élection des conseillers régionaux dans une circonscription régionale unique.

Une représentation des départements, notamment des moins peuplés d'entre eux, doit être maintenue.

L'idée régionale ne peut pas, sous peine de la dénaturer, risquer de conduire à l'exclusion de territoires peu peuplés dont les habitants subiraient la loi du nombre au mépris de la solidarité régionale.

C'est pourquoi les candidats mentionneront sur la liste leur appartenance à tel ou tel département.

Il sera donc difficile à une liste de candidats de ne représenter qu'une partie des citoyens régionaux en excluant tel ou tel département : chaque liste devra manifester des préoccupations et des projets véritablement régionaux.

Cette mention facilitera aussi la désignation des électeurs sénatoriaux : les conseillers régionaux appelés à élire les sénateurs d'un département seront ceux qui auront mentionné leur rattachement à ce département lors de leur candidature au conseil régional.

L'exécutif régional doit s'appuyer au sein du conseil régional sur une majorité stable et claire.

La représentation proportionnelle intégrale, telle que nous la connaissons aujourd'hui, seulement tempérée par l'exigence de recueillir 5 % des suffrages exprimés pour obtenir des sièges, interdit la constitution de majorités claires. Il est très rare, avec un tel scrutin, qu'une liste puisse obtenir à elle seule la majorité absolue des sièges et assurer à la région un exécutif cohérent et stable. La formation des majorités ne peut avoir lieu qu'après l'élection alors que l'électeur ne peut plus s'exprimer et ce sont les groupes les moins nombreux qui détiennent, à ce moment comme tout au long de la mandature, l'influence la plus grande, selon les alliances qu'ils décident de nouer ou de dénouer.

Le nouveau mode de scrutin doit donc donner à la liste qui arrive en tête une prime qui lui permette, lorsqu'une majorité nette s'est dégagée, fût-ce relative, de former un exécutif régional cohérent et fort qui conduira les intérêts de la région pendant six ans avec stabilité et efficacité.

L'ampleur de cette prime accordée à la liste qui a recueilli le plus de voix doit tenir compte du quatrième objectif :

La représentation des minorités doit être assurée.

Ce sont les assemblées régionales qui ont permis, depuis dix ans, l'expression démocratique de courants politiques, de mouvements d'idées, de préoccupations économiques, sociales ou environnementales qui se trouvent presque totalement exclues des assemblées des départements et communes. Cette représentation des minorités doit être pérennisée dans son principe mais atténuée dans son ampleur pour l'accorder avec la nécessité de doter les régions d'une majorité stable.

La conciliation de ces deux objectifs est possible en apportant quelques modifications au mode de scrutin actuel. Le scrutin de liste à un tour est maintenu. Cependant, la liste qui recueillera le plus de voix obtiendra d'abord 30 % des sièges à pourvoir. Ensuite, les 70 % restants seront répartis entre toutes les listes, y compris celle arrivée en tête, selon le mode de scrutin actuel, c'est-à-dire la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne sans panachage ni vote préférentiel. Le seuil en dessous duquel les listes n'ont droit à aucun siège est maintenu à 5 % des suffrages exprimés pour assurer une représentation significative de nombreuses minorités, sans dispersion excessive.

Le mode de scrutin ainsi proposé est inspiré de celui en vigueur depuis 1982 pour les élections municipales dont il reprend les lignes directrices en atténuant la prime majoritaire accordée à la liste arrivée en tête (50 % là, 30 % ici), pour permettre une réelle représentation des diverses minorités qui auront sollicité les suffrages.

-À moins que les électeurs ne choisissent de trop disperser leurs voix, la présente proposition de loi devrait permettre de dégager, dans la plupart des cas, une majorité stable, claire, désignée par les électeurs lors du scrutin.

La région y gagnera en efficacité, en transparence et en démocratie.

PROPOSITION DE LOI

Article premier.

Le premier alinéa de l'article L. 337 du code électoral est ainsi rédigé :

« L'effectif des conseils régionaux est fixé conformément au tableau n° 7 annexé au présent code. »

Alsace

47

Nord - Pas-de-Calais

113

Aquitaine

85

Basse-Normandie

47

Auvergne

47

Haute-Normandie

55

Bourgogne

57

Pays de la Loire

93

Bretagne

83

Picardie

57

Centre

77

Poitou-Charentes

55

Champagne-Ardenne

49

Provence-Alpes-Côte d'Azur

123

Franche-Comté

43

Rhône-Alpes

157

Île-de-France

209

Guadeloupe

41

Languedoc-Roussillon

67

Guyane

31

Limousin

43

Martinique

41

Lorraine

73

Réunion

45

Midi-Pyrénées

91

Art. 2.

L'article L. 338 du code électoral est ainsi rédigé :

« Les conseillers régionaux sont élus dans chaque région au scrutin de liste à un tour sans panachage ni vote préférentiel.

« Il est attribué à la liste qui a recueilli le plus grand nombre de suffrages un nombre de sièges égal à 30 % du nombre de sièges à pourvoir, arrondi, le cas échéant, à l'entier inférieur. En cas d'égalité de suffrages entre les listes arrivées en tête, ces sièges sont attribués à la liste dont les candidats ont la moyenne d'âge la plus élevée.

« Cette attribution opérée, les autres sièges sont répartis entre toutes les listes à la représentation proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne, sous réserve de l'application du quatrième alinéa ci-après.

« Les sièges sont attribués aux candidats d'après l'ordre de présentation sur chaque liste. Toutefois, les listes qui n'ont pas obtenu un nombre de voix au moins égal à 5 % des suffrages exprimés ne sont pas admises à la répartition des sièges.

« Si plusieurs listes ont la même moyenne pour l'attribution du dernier siège, celui-ci revient à la liste qui a obtenu le plus grand nombre de suffrages. En cas d'égalité de suffrages, le siège est attribué au plus âgé des candidats susceptibles d'être proclamés élus. »

Art. 3.

L'article L. 346 du code électoral est ainsi rédigé :

« Une déclaration de candidature est obligatoire pour chaque liste de candidats. Elle résulte du dépôt à la préfecture de région d'une liste comprenant autant de candidats qu'il y a de sièges à pourvoir dans la région.

« Sur cette liste, chaque candidat doit mentionner son rattachement à un département de la région. Il ne peut se rattacher qu'à un département dans lequel il est éligible au conseil général en application du deuxième alinéa de l'article L. 194. »

Art. 4.

Au dernier alinéa de l'article L. 347 du code électoral, les mots : « domicile et profession » sont remplacés par les mots : « domicile, profession et département de rattachement ».

Art. 5.

Aux articles L. 349, L. 350, L. 359 et L. 361 du code électoral, les mots : « du département » sont remplacés par les mots : « de la région », le mot : « département » par le mot : « région » et les mots : « le département » par les mots : « la région ».

Art. 6.

Au dernier alinéa de l'article L. 360 du code électoral, les mots : « élus dans un département » et « dans ce département » sont supprimés.

À l'article L. 363 du code électoral, les mots « dans un département » et « dans ce département » sont supprimés.

Art. 7.

Dans la première phrase de l'article L. 351 du code électoral, après les mots : « tribunal administratif » sont ajoutés les mots : « dans le ressort duquel est située la préfecture de région ».

Art. 8.

Le troisième alinéa de l'article L. 366 du code électoral est ainsi rédigé : « Les dispositions des quatrième et cinquième alinéas de l'article L. 338 sont applicables à l'élection des conseillers à l'Assemblée de Corse ».

Art. 9.

Le 2° de l'article L. 280 du code électoral est ainsi rédigé :

« 2° des conseillers régionaux ayant mentionné leur rattachement dans le département lors de leur déclaration de candidature au conseil régional ».

Art. 10.

Dans tous les textes législatifs concernant les conseils généraux à l'appellation conseil général est substituée celle de conseil départemental et à l'appellation conseiller général celle de conseiller départemental.

Art. 11.

Les dispositions de la présente loi sont applicables à tout renouvellement intégral d'un conseil régional dont l'acte de convocation des électeurs est postérieur à la publication de la présente loi.

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