Contrôle sur le commerce des armes et la violation des embargos (PPL) - Texte déposé - Sénat

N° 878

SÉNAT


2021-2022

                                                                                                                                             

Enregistré à la Présidence du Sénat le 9 septembre 2022

PROPOSITION DE LOI


visant à renforcer le contrôle sur le commerce des armes et relative à la violation des embargos,


présentée

Par Mme Michelle GRÉAUME, M. Pierre LAURENT, Mmes Cathy APOURCEAU-POLY, Éliane ASSASSI, MM. Jérémy BACCHI, Éric BOCQUET, Mmes Céline BRULIN, Laurence COHEN, Cécile CUKIERMAN, MM. Fabien GAY, Gérard LAHELLEC, Mme Marie-Noëlle LIENEMANN, MM. Pierre OUZOULIAS, Pascal SAVOLDELLI et Mme Marie-Claude VARAILLAS,

Sénatrices et Sénateurs


(Envoyée à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)




Proposition de loi visant à renforcer le contrôle sur le commerce des armes et relative à la violation des embargos


Article 1er

Chaque année, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur les exportations d’armements, de matériels de guerre, de matériels duaux, de matériels de surveillance et de matériels de maintien de l’ordre de la France. Ce rapport est rendu public et fait l’objet d’un débat annuel au Parlement.

Il contient notamment :

1° Le nombre de licences acceptées depuis le second semestre de l’année N-2 ;

2° Le nombre et le montant des licences délivrées en année N-1 par pays et par catégories de la liste commune des équipements militaires de l’Union européenne ;

3° Le détail des prises de commandes depuis l’année N-5 ;

4° Les autorisations de transit et de transbordement de matériels de guerre ;

5° Les livraisons d’armes légères en année N-1 ;

6° Les cessions onéreuses et gratuites et les prêts réalisés en année N-1 par le ministère de la défense ;

7° Les types de matériels concernés par des autorisations d’exportation ou de transfert sur l’année N-1 ;



8° Les destinataires et usages finaux des matériels d’armement en année N-1 ;



9° Les motifs ayant justifié les refus de délivrance de licences et d’autorisations d’exportation ou de transfert ;



10° La liste des embargos sur les armes du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies, de l’Union européenne et de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe ;



11° Les autorisations de réexportation accordées en année N-1 ;



12° Les principaux clients sur la période N-5/N-1.



Une copie en est adressée aux présidents des commissions permanentes parlementaires chargées des affaires étrangères, de la défense et des questions économiques au plus tard le 1er juin de chaque année. Ce rapport fait l’objet d’un débat suivi d’un vote en séance publique de l’Assemblée nationale et du Sénat dans le mois suivant sa publication.



Sont considérés comme armement dans ce rapport :



a) Les armes classiques relevant des catégories établies par la liste commune des équipements militaires de l’Union européenne et le Traité sur le commerce des armes du 2 avril 2013 ;



b) Les matériels de guerre ;



c) Les matériels de surveillance et de maintien de l’ordre ;



d) Les matériels à finalité duale ;



e) Les composants dont la destination finale est d’être incorporés dans du matériel militaire ou dual.


Article 2

Après l’article 6 decies de l’ordonnance  58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, il est inséré un article 6 undecies ainsi rédigé :

« Art. 6 undecies. – I. – Il est constitué une délégation parlementaire, commune à l’Assemblée nationale et au Sénat, chargée de contrôler les autorisations et les licences accordées en matière d’exportation d’armes et d’armements. Elle est composée de six députés et de six sénateurs représentant les différentes sensibilités politiques présentes au Parlement.

« II. – Outre ces six députés et six sénateurs, les présidents des commissions permanentes de l’Assemblée nationale et du Sénat chargées respectivement des affaires étrangères, de la défense et de la sécurité intérieure sont membres de droit de la délégation parlementaire aux ventes d’armes. La fonction de président de la délégation est assurée alternativement, pour un an, par un député et un sénateur.

« Outre les membres de droit mentionnés au premier alinéa du présent II, les autres membres de la délégation sont désignés par le président de chaque assemblée à chaque renouvellement de cette dernière.

« III. – Sans préjudice des compétences des commissions permanentes, la délégation parlementaire aux ventes d’armes a pour mission de suivre l’activité générale et les moyens des services spécialisés en charge de la négociation des contrats d’armement et des coopérations militaires et de la délivrance des autorisations d’exportation et de licences. Elle possède par ailleurs un droit de veto sur tout contrat susceptible de violer les obligations internationales de la France. Le Gouvernement avertit, sous un délai de quinze jours, la délégation parlementaire des licences accordées.

« La délégation peut entendre les membres du Gouvernement, le secrétaire général de la Défense et de la Sécurité nationale ainsi que les représentants du personnel et des organisations représentatives des entreprises exportatrices d’armements. Elle peut recueillir l’avis de toute personnalité qualifiée dans les domaines du droit international humanitaire, du droit international public ou de l’économie de la défense.

« IV. – Dans le respect des dispositions prévues à l’article 413-9 du code pénal, les membres de la délégation peuvent se voir communiquer tout document qu’ils estiment nécessaire aux vues de prendre une décision éclairée. Les membres de la délégation sont autorisés ès qualités à connaître des informations ou des éléments d’appréciation définis au III du présent article et protégés au titre de l’article 413-9 du code pénal, à l’exclusion des données dont la communication pourrait mettre en péril l’anonymat, la sécurité ou la vie d’une personne relevant ou non des services intéressés. Les agents des assemblées parlementaires désignés pour assister les membres de la délégation doivent être habilités, dans les conditions définies pour l’application du même article 413-9 du code pénal, à connaître des mêmes informations et éléments d’appréciation.

« V. – Les travaux de la délégation sont couverts par le secret de la défense nationale. Ses membres et les agents des assemblées mentionnés au IV sont astreints au respect du secret de la défense nationale pour les faits, actes ou renseignements dont ils ont pu avoir connaissance en ces qualités.

« VI. – Chaque année, la délégation établit un rapport public dressant le bilan de son activité, qui ne peut faire état d’aucune information ni d’aucun élément d’appréciation protégés par le secret de la défense nationale.



« Dans le cadre de ses travaux, la délégation peut adresser des recommandations et des observations au Président de la République et au Premier ministre. Elle les transmet au président de chaque assemblée.



« VII. – La délégation parlementaire au renseignement établit son règlement intérieur. Celui-ci est soumis à l’approbation du bureau de chaque assemblée.



« Les dépenses afférentes au fonctionnement de la délégation sont financées et exécutées comme dépenses des assemblées parlementaires dans les conditions fixées par l’article 7. »


Article 3


À l’article L. 2333-3 du code de la défense, les mots : « peuvent imposer » sont remplacés par le mot : « imposent ».


Article 4


Les 1° et 2° du I de l’article L. 2335-3 du code de la défense sont abrogés.


Article 5

Le titre III du livre IV du code pénal est complété par un chapitre VII ainsi rédigé :

« CHAPITRE VII

« De la violation des embargos et autres mesures restrictives

« Art. 437-1. – I. – Constitue un embargo ou une mesure restrictive au sens du présent chapitre le fait d’interdire ou de restreindre des activités commerciales, économiques ou financières ou des actions de formation, de conseil ou d’assistance technique en relation avec une puissance étrangère, une entreprise ou une organisation étrangère ou sous contrôle étranger ou avec leurs agents ou toute autre personne, en application :

« 1° De la loi ;

« 2° D’un accord international régulièrement ratifié ou approuvé ;

« 3° D’une résolution du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies.

« II. – Le fait de ne pas respecter un embargo ou une mesure restrictive est puni d’une peine de sept ans d’emprisonnement et de 750 000 € d’amende.

« Les peines sont portées à dix ans d’emprisonnement et à 1 500 000 € d’amende lorsque l’infraction est commise en bande organisée.



« Toutefois, les peines d’amende prévues aux deux premiers alinéas du présent II peuvent être fixées au double de la somme sur laquelle a porté l’infraction ou de la valeur des biens et services ayant été l’objet de transactions illicites.



« La tentative des infractions prévues au présent article est punie des mêmes peines.



« La confiscation de l’objet du délit, des équipements, matériels et moyens de transport utilisés pour sa commission ainsi que des biens et avoirs qui en sont le produit direct ou indirect est ordonnée par le même jugement.



« L’autorité judiciaire peut prescrire ou faire effectuer la mise hors d’usage ou la destruction, aux frais de l’auteur de l’infraction, des biens confisqués.



« III. – Les personnes morales déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues à l’article 121-2, de l’infraction prévue au présent article encourent, outre l’amende suivant les modalités prévues à l’article 131-38, les peines prévues à l’article 131-39.



« IV. – L’abrogation, la suspension ou l’expiration d’un embargo ou d’une mesure restrictive ne fait pas obstacle à la poursuite et au jugement des infractions commises lorsque ces mesures étaient en vigueur, ni à l’exécution de la peine prononcée.



« V. – Lorsque l’embargo ou la mesure restrictive qui n’est pas respecté porte sur des matériels de guerre et des matériels assimilés dont l’exportation est soumise à autorisation préalable en application de l’article L. 2335-2 du code de la défense ou sur des équipements susceptibles d’être utilisés à des fins de répression interne et que les faits en cause sont commis à l’étranger par un Français ou par une personne résidant habituellement sur le territoire français, la loi française est applicable par dérogation au deuxième alinéa de l’article 113-6 du présent code et la seconde phrase de l’article 113-8 n’est pas applicable. »


Article 6


À l’article 414-2 du code pénal, les références : « 411-2, 411-3, 411-6, 411-9 et 412-1 » sont remplacées par les références : « 411-2, 411-3, 411-6, 411-9, 412-1 et 437-1 ».


Article 7

Après le 11° de l’article 706-73 du code de procédure pénale, il est inséré un 11° bis A ainsi rédigé :

« 11° bis A Délit de violation d’un embargo ou d’une mesure restrictive commis en bande organisée prévue à l’article 437-1 du code pénal ; ».


Article 8

La section 3 du chapitre VI du titre XII du code des douanes est complétée par un paragraphe 4 ainsi rédigé :

« Paragraphe 4

« Violation des embargos et autres mesures restrictives

« Art. 440 A. – L’abrogation, la suspension ou l’expiration d’un embargo ou d’une mesure restrictive définis à l’article 437-1 du code pénal ne fait pas obstacle à la poursuite et au jugement des infractions prévues au présent code qui ont été commises lorsque ces mesures étaient en vigueur, ni à l’exécution de la peine prononcée. »


Article 9


La présente loi est applicable sur l’ensemble du territoire de la République à compter du 1er juin suivant sa promulgation.


Article 10


Les éventuelles conséquences financières résultant pour l’État de la présente loi sont compensées à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

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