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N° 1
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2018-2019
Enregistré à la Présidence du Sénat le 2 octobre 2018 |
PROPOSITION DE LOI
relative à la pérennisation de la transmission et de l' exploitation du patrimoine agricole dans le cadre familial ,
PRÉSENTÉE
Par Mme Nathalie DELATTRE, MM. Guillaume ARNELL, Stéphane ARTANO, Alain BERTRAND, Jean-Marc GABOUTY, Franck MENONVILLE, Jean-Claude REQUIER, Jean-Yves ROUX, Philippe ADNOT, Daniel CHASSEING, Alain CHATILLON, Édouard COURTIAL, Pierre CUYPERS, Mme Laure DARCOS, MM. Jean-Pierre DECOOL, Bernard DELCROS, Mmes Chantal DESEYNE, Françoise FÉRAT, M. Bernard FOURNIER, Mmes Nathalie GOULET, Sylvie GOY-CHAVENT, M. Jean-Pierre GRAND, Mme Jocelyne GUIDEZ, MM. Loïc HERVÉ, Alain HOUPERT, Alain JOYANDET, Claude KERN, Laurent LAFON, Bernard LALANDE, Mme Florence LASSARADE, MM. Daniel LAURENT, Antoine LEFÈVRE, Jean-François LONGEOT, Pierre LOUAULT, Jean-Claude LUCHE, Alain MARC, Hervé MAUREY, Mme Brigitte MICOULEAU, MM. Jean-Marie MORISSET, Philippe MOUILLER, Louis-Jean de NICOLAY, Claude NOUGEIN, Cyril PELLEVAT, Rémy POINTEREAU, Ladislas PONIATOWSKI, Christophe PRIOU, Mme Isabelle RAIMOND-PAVERO, MM. Michel SAVIN et Dany WATTEBLED,
Sénateurs
(Envoyée à la commission des finances, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
L'agriculture traverse une grave crise économique et sociale. Apparue au grand jour en 2017 avec la crise de l'élevage destiné à la production de viandes et à la production laitière, elle s'est étendue à la production céréalière pour finalement se généraliser à l'ensemble du secteur. Par ailleurs, des intempéries répétées ont entraîné des dommages importants dans certaines régions à forte vocation agricole. Des filières renommées et fortement exportatrices comme la viticulture font ainsi face à des pertes importantes.
Parmi les causes structurelles de la crise, on trouve notamment la spéculation sur le foncier agricole. De plus en plus de terrains détenus ou exploités dans un cadre familial, porteur de valeurs et de savoir-faire uniques, sont ainsi menacés de reprise par des investisseurs, souvent étrangers, suivant une logique purement financière et spéculative. À terme, cela représente un risque de perte de savoir-faire, de puissance économique et de souveraineté.
La présente proposition a pour ambition de répondre à ces difficultés en créant, en premier lieu, un dispositif qui exonère de droits de mutation, d'une part, les successions et donations entre vifs intéressant les immeubles à usage agricole, et, d'autre part, celles intéressant les parts de groupements fonciers agricoles et de groupements fonciers ruraux, ainsi que les parts et actions de sociétés à objet principalement agricole.
Afin d'apporter des garanties nécessaires de la part des propriétaires ou exploitants dans la stabilité et la pérennité de leur engagement, des conditions strictes devront être respectées, en particulier une durée de conservation de dix-huit ans minimum dans le patrimoine du repreneur, sous peine de se voir appliquer des rappels et sanctions.
En second lieu, il est proposé une exonération de 90 % de l'impôt sur la fortune immobilière (IFI) au bénéfice des propriétaires qui affectent durablement leurs terres à l'exploitation agricole. En effet, les exonérations existantes ne constituent pas une réponse suffisante. Par ailleurs, cette exonération non totale permettra de respecter le principe constitutionnel d'égalité devant les charges publiques.
Proposition de loi relative à la pérennisation de la transmission et de l'exploitation du patrimoine agricole dans le cadre familial
Article 1 er
Après le 8° du 2 de l'article 793 du code général des impôts, sont insérés des 9° et 10° ainsi rédigés :
« 9° Les successions et donations entre vifs intéressant les immeubles affectés à une activité agricole définie à l'article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime à condition :
« a) Que l'acte constatant la donation ou la déclaration de succession contienne l'engagement par l'héritier, le légataire ou le donataire, pris pour lui et ses ayants cause, de conserver les immeubles transmis pendant une durée de dix-huit ans à compter de la date de la transmission à titre gratuit ;
« b) Que l'ensemble des immeubles transmis soient, pendant la durée de l'engagement prévu au a du présent 9°, exploités directement ou en vertu d'un bail souscrit dans les conditions prévues aux articles L. 416-1 à L. 416-6, L. 416-8 et L. 416-9 ainsi qu'aux articles L. 418-1 à L. 418-5 du code rural et de la pêche maritime, ou d'un bail régi à l'article L. 411-37 du même code, souscrit par l'un ou plusieurs des héritiers, légataires ou donataires mentionnés au a du présent 9°, leur conjoint, leur partenaire lié par un pacte civil de solidarité, l'un de leurs frères et soeurs, l'un de leurs ascendants ou descendants, le conjoint ou le partenaire lié par un pacte civil de solidarité de l'un de leurs ascendants ou descendants dans les conditions fixées au c de l'article 787 C, ou par une société à objet principalement agricole dont l'une ou plusieurs des personnes susmentionnées sont associées et y exercent une activité professionnelle agricole dans les conditions fixées au d de l'article 787 B.
« Lorsque cette condition n'est pas respectée, les droits de mutation à titre gratuit sont rappelés, assortis de l'intérêt de retard mentionné à l'article 1727 et donnent lieu à l'application d'une majoration de 40% des sommes non acquittées au cours des dix premières années, 30% au cours des huit suivantes ;
« c) En cas de non-respect de la condition prévue au a du présent 9° par suite d'une donation, l'exonération accordée au titre de la mutation à titre gratuit n'est pas remise en cause à la condition que le ou les donataires soient les héritiers du donateur et qu'ils poursuivent l'engagement prévu au même a , souscrit par le donateur, jusqu'à son terme ;
« d) En cas de non-respect de la condition prévue audit a par suite du partage, de la vente, de l'échange ou de la donation d'immeubles ou de quotes-parts indivises d'immeubles entre héritiers, légataires ou donataires ayant souscrit l'engagement de conservation, l'exonération accordée au titre de la mutation à titre gratuit n'est pas remise en cause à la condition que le ou les bénéficiaires de la donation ou de la cession, poursuivent l'engagement prévu au même a jusqu'à son terme ;
« e) En cas de non-respect de la condition prévue au même a par suite de l'apport conjoint pur et simple, par les héritiers, légataires ou donataires ayant souscrit l'engagement de conservation, des immeubles ou des quotes-parts indivises de ceux-ci à un groupement foncier agricole ou à un groupement foncier rural créés conformément à la loi n° 62-933 du 8 août 1962 complémentaire à la loi d'orientation agricole et répondant aux diverses caractéristiques des articles L. 322-1 à L. 322-21 et L. 322-23 du code rural et de la pêche maritime, ou encore à une société à objet principalement agricole dont ils sont associés, l'exonération accordée au titre de la mutation à titre gratuit accordée n'est pas remise en cause à condition que la société bénéficiaire de l'apport prenne l'engagement de conserver les immeubles apportés jusqu'au terme de l'engagement prévu au a du présent 9° et que les héritiers, légataires ou donataires conservent les titres reçus en contrepartie de l'apport pendant la même durée ;
« f) En cas de non-respect de l'une des conditions prévues aux a et b du présent 9° par suite de la cession amiable ou forcée de tout ou partie des immeubles transmis, pour lesquels une déclaration publique a été prononcée en vue d'une expropriation, l'exonération accordée au titre de la mutation à titre gratuit n'est pas remise en cause ;
« g) En cas de non-respect de l'une des conditions prévues aux a et b du présent 9° par suite de la vente des immeubles à usage agricole réalisée pour cause de pertes ou dans le cadre d'une procédure de règlement amiable ou de redressement ou de liquidation judiciaire relevant du chapitre I er du titre V du livre III du code rural et de la pêche maritime, l'exonération accordée au titre de la mutation à titre gratuit n'est pas remise en cause.
« Les dispositions du présent 9° s'appliquent aux mutations à titre gratuit de l'usufruit ou de la nue-propriété des immeubles mentionnés au premier alinéa du présent 9° sous réserve que les conditions prévues aux a et b du présent 9° soient respectées par les héritiers ou donataires de l'usufruit ou de la nue-propriété en fonction de leurs droits respectifs ;
« 10° Les successions et donations entre vifs intéressant les parts de groupements fonciers agricoles et de groupements fonciers ruraux créés conformément à la loi n° 62-933 du 8 août 1962 complémentaire à la loi d'orientation agricole et répondant aux diverses caractéristiques des articles L. 322-1 à L. 322-21 et L. 322-23 du code rural et de la pêche maritime, ainsi que les parts et actions de sociétés à objet principalement agricole, à concurrence de la valeur nette des immeubles affectés à une activité agricole définie à l'article L. 311-1 du même code et des titres de sociétés attribués à la suite d'une opération de rétrocession réalisée en application de l'article L. 143-15-1 dudit code, qui composent leur patrimoine, à condition :
« a) Que l'acte constatant la donation ou la déclaration de succession contienne l'engagement par l'héritier, le légataire ou le donataire, pris pour lui et ses ayants cause, de conserver les parts ou actions transmises pendant une durée de dix-huit ans à compter de la date de la transmission à titre gratuit ;
« b) Que la société dont les titres sont transmis ou la société dont elle est devenue associée à la suite d'une opération de rétrocession mentionnée au premier alinéa du présent 10°, conserve l'ensemble des immeubles dont la valeur nette est l'objet de l'exonération, pendant toute la durée de l'engagement prévu au a du présent 10°. En cas de rétrocession, la société dont les titres sont transmis doit également conserver, pendant la même durée, l'ensemble des titres de la société détentrice des immeubles concernés, reçus en contrepartie de son apport ;
« c) Que l'ensemble des immeubles mentionnés au b du présent 10° soient, pendant la durée de l'engagement prévu au a du présent 10°, exploités directement ou en vertu d'un bail souscrit dans les conditions prévues aux articles L. 416-1 à L. 416-6, L. 416-8 et L. 416-9 ainsi qu'aux articles L. 418-1 à L. 418-5 du code rural et de la pêche maritime, ou d'une convention prévue à l'article L. 411-37 du même code, souscrite par l'un ou plusieurs des héritiers, légataires ou donataires mentionnés au a du présent 10°, leur conjoint, leur partenaire lié par un pacte civil de solidarité, l'un de leurs frères et soeurs, l'un de leurs ascendants ou descendants, le conjoint ou le partenaire lié par un pacte civil de solidarité de l'un de leurs ascendants ou descendants dans les conditions fixées au c de l'article 787 C, ou par une société à objet principalement agricole dont l'une ou plusieurs des personnes susmentionnées sont associées et y exercent une activité professionnelle agricole dans les conditions fixées au d de l'article 787 B.
« Lorsque l'une des conditions prévues au b du présent 10° et au présent c ne sont pas respectées, les droits de mutation à titre gratuit sont rappelés, assortis de l'intérêt de retard mentionné à l'article 1727 et donnent lieu à l'application d'une majoration de 40 % des sommes non acquittées au cours des dix dernières années, 30% au cours des huit suivantes ;
« d) En cas de non-respect de la condition prévue au a du présent 10° par suite d'une donation des parts ou actions, l'exonération accordée au titre de la mutation à titre gratuit n'est pas remise en cause à la condition que le ou les donataires soient les héritiers du donateur et qu'ils poursuivent l'engagement prévu au a , souscrit par le donateur, jusqu'à son terme ;
« e) En cas de non-respect de la condition prévue au a du présent 10° par suite du partage, de la vente, de l'échange ou de la donation de titres transmis ou de quotes-parts indivises de ces titres entre héritiers, légataires ou donataires ayant souscrit l'engagement de conservation, l'exonération accordée au titre de la mutation à titre gratuit n'est pas remise en cause à la condition que le ou les bénéficiaires de la donation ou de la cession des parts ou actions, poursuivent l'engagement prévu au a du présent 10° jusqu'à son terme ;
« f) En cas de non-respect de la condition prévue au a du présent 10° par suite de l'apport pur et simple, par l'un ou les héritiers, légataires ou donataires, de tout ou partie des titres de la société objet de la transmission à une autre société, l'exonération accordée au titre de la mutation à titre gratuit n'est pas remise en cause à la condition que la société bénéficiaire de l'apport prenne l'engagement de conserver les parts ou actions apportées jusqu'au terme de l'engagement prévu au a du présent 10° et que le ou les héritiers, légataires ou donataires conservent les titres reçus en contrepartie de l'apport pendant la même durée ;
« g) En cas de non-respect des conditions prévues aux a et b du présent 10° par suite d'une fusion ou d'une scission au sens de l'article 817 A, l'exonération accordée au titre de la mutation à titre gratuit n'est pas remise en cause si la ou les sociétés bénéficiaires des immeubles à usage agricole ou des titres de la société créée à la suite d'une opération de rétrocession visée au premier alinéa, respectent l'engagement prévu au b du présent 10° jusqu'à son terme. Les titres reçus en contrepartie de ces opérations doivent par ailleurs être conservés jusqu'au terme de l'engagement prévu au a du présent 10° ;
« h) En cas de non-respect des conditions prévues aux b et c du présent 10° par suite de la cession amiable ou forcée de tout ou partie des immeubles concernés, pour lesquels une déclaration publique a été prononcée en vue d'une expropriation, l'exonération accordée au titre de la mutation à titre gratuit n'est pas remise en cause ;
« i) L'exonération accordée au titre de la mutation à titre gratuit n'est pas remise en cause lorsque les conditions prévues aux a , b et c du présent 10° ne sont pas respectées par suite d'une annulation des titres objets de la transmission, de leur vente, ou de la vente des immeubles concernés ou des titres de la société créée à la suite d'une opération de rétrocession mentionnée au premier alinéa du présent 10° composant leur patrimoine, pour cause de pertes, ou intervenant dans le cadre d'une procédure de règlement amiable ou de redressement ou de liquidation judiciaire relevant du chapitre I er du titre V du livre III du code rural et de la pêche maritime.
« Les dispositions du présent 10° s'appliquent aux mutations à titre gratuit portant sur l'usufruit ou la nue-propriété des parts des sociétés visées au premier alinéa, sous réserve que l'ensemble des conditions susmentionnées soient respectées, notamment celles prévues aux a et c du présent 10° par les héritiers ou donataires de l'usufruit ou de la nue-propriété en fonction de leurs droits respectifs. »
Article 2
L'article 976 du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Les III et IV sont ainsi rédigés :
« III. - Les biens donnés à bail à long terme dans les conditions prévues aux articles L. 416-1 à L. 416-6, L. 416-8 et L. 416-9 du code rural et de la pêche maritime et ceux donnés à bail cessible dans les conditions prévues aux articles L. 418-1 à L. 418-5 du même code sont exonérés à hauteur de 90 %, à condition que la durée du bail soit au minimum de dix-huit ans.
« IV. - Sous les conditions prévues au 4° du 1 de l'article 793 du présent code, les parts de groupements fonciers agricoles et de groupements agricoles fonciers soumis aux dispositions de la loi n° 62-933 du 8 août 1962 complémentaire à la loi d'orientation agricole et de l'article 11 de la loi n° 70-1299 du 31 décembre 1970 relative aux groupements fonciers agricoles sont exonérées à hauteur de 90 %, sous réserve que les baux consentis par le groupement répondent aux conditions prévues au III du présent article. » ;
2° Le V est abrogé.
Article 3
La perte de recettes résultant pour l'État des dispositions des articles 1 er et 2 de la présente loi sont compensées, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.