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N° 308

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2015-2016

Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 janvier 2016

PROPOSITION DE LOI

relative à la déclaration de domiciliation ,

PRÉSENTÉE

Par MM. Guy-Dominique KENNEL, Gérard BAILLY, Jean-Marie BOCKEL, Mmes Agnès CANAYER, Caroline CAYEUX, MM. Gérard CÉSAR, Patrick CHAIZE, Pierre CHARON, René DANESI, Mmes Catherine DEROCHE, Nathalie GOULET, MM. François GROSDIDIER, Jacques GROSPERRIN, Jean-François HUSSON, Mme Corinne IMBERT, MM. Alain JOYANDET, Roger KAROUTCHI, Claude KERN, Mme Élisabeth LAMURE, MM. Robert LAUFOAULU, Antoine LEFÈVRE, Philippe LEROY, Mme Vivette LOPEZ, MM. Patrick MASCLET, Pierre MÉDEVIELLE, Jean-Marie MORISSET, Philippe MOUILLER, Cyril PELLEVAT, Rémy POINTEREAU, André REICHARDT, Charles REVET et Mme Catherine TROENDLÉ,

Sénateurs

(Envoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La présente proposition de loi vise à mettre en place un régime de déclaration de domicile en mairie des habitants installés sur le territoire de la commune. En modernisant notre mode de détermination de la domiciliation des personnes, ce nouveau régime permettra de constituer des registres de population communale, permettant d'améliorer le service rendu à la population, de mieux planifier la mise en place de services publics et de rendre plus juste l'attribution des dotations de l'État.

La culture juridique française et l'importance donnée à la protection de la vie privée, mais aussi les enseignements de l'Histoire, ont fait que notre pays a toujours regardé avec circonspection tout fichage général de la population. En ne prévoyant que des fichiers communaux, le présent texte prend en compte cette histoire, mais aussi la demande de simplification des démarches dans une société connectée.

La révélation, au milieu des années 1970, d'un projet gouvernemental dénommé SAFARI, visant à identifier chaque citoyen par un numéro et d'interconnecter tous les fichiers de l'administration avait créé une vive émotion dans l'opinion publique. La loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés y a répondu en permettant la collecte de données à caractère personnel lorsque les finalités apparaissent légitimes.

Parmi les démocraties voisines, l'obligation de s'inscrire auprès des autorités municipales lorsqu'on emménage sur le territoire d'une commune, afin qu'elles disposent d'un fichier permettant de connaître précisément la population établie sur le territoire communal, apparaît comme une réponse à un besoin réel de la population. Si sa mise en oeuvre est partiellement tombée en désuétude, une telle obligation existe toujours dans le droit local applicable en Alsace-Moselle.

La présente proposition de loi n'a pas vocation à mettre en place un fichier national et universel de la population : elle vise avant tout à fournir une réponse concrète à deux besoins clairement identifiés.

Du point de vue des usagers, il est nécessaire aujourd'hui de simplifier les démarches liées à un changement de domicile : les principes fixés en 1803 par le code civil ne sont plus adaptés à une société connectée, où 11 % de la population déménage chaque année et doit bénéficier dès son installation des services fournis par les communes, sans avoir à multiplier les démarches administratives et les contrôles de pièces justificatives peu probantes. En organisant une inscription unique mutualisée, il serait également possible d'améliorer le système d'inscription sur les listes électorales. La communication municipale et l'information des habitants en seraient grandement facilitées. Et que dire du coût généré par l'envoi d'un bulletin municipal en version papier comparé à celui d'un courriel !

Dans le même temps, la prévision des services à rendre à la population, la programmation des investissements en équipement, tout comme la juste répartition des dotations de l'État, exigent une base fiable pour la détermination de la « population légale ». Les besoins et les financements sont actuellement évalués par référence à des enquêtes partielles. De plus, aucune considération n'est portée, dans le système actuel, à la difficulté posée par les faux résidents des communes des régions frontalières. Enfin, la création de ce registre sera une source d'économie : il permettra d'alimenter par une même saisie tous les fichiers municipaux nécessitant de déclarer son domicile, à commencer par la liste électorale.

L'absence de déclaration de domiciliation ne sera pas soumise à sanction. Mais le récépissé de déclaration sera indispensable pour le raccordement aux différents réseaux - eau, gaz, électricité -, l'inscription sur les listes électorales, l'inscription des enfants à l'école, à des activités périscolaires ou culturelles.

Le principe de la liberté d'aller et venir ne s'en trouverait nullement affecté. D'abord, parce que rien n'interdit à quiconque de déménager quand il le souhaite. Ensuite, parce que la jurisprudence du Conseil constitutionnel, dans des domaines comparables est claire : s'agissant des gens du voyage, par exemple, il a été jugé que leur obligation d'inscription dans une commune de rattachement « ne restreint ni la liberté de déplacement des intéressés, ni leur liberté de choisir un mode de logement fixe ou mobile, ni celle de décider du lieu de leur installation temporaire » 1 ( * ) .

Ainsi, la déclaration de domiciliation apparaît comme un outil de simplification et de réduction des coûts, tout en permettant un usage plus pertinent des ressources.

Tel est le sens de la présente proposition de loi.

L' article 1 er prescrit, à toute personne qui établit ou transfère son domicile, d'en faire la déclaration auprès de la mairie de la commune concernée. Le changement de domicile au sein de la même commune ou du même arrondissement doit faire l'objet d'une déclaration aux services municipaux. Les services municipaux récipiendaires devront en informer la commune où la personne était précédemment domiciliée, aux fins de radiation.

L' article 2 prévoit que l'accomplissement de la déclaration de domiciliation donne lieu à la remise d'un récépissé par les services municipaux. Celui-ci constituera l'unique justification de domicile à produire pour l'accomplissement de toute formalité administrative. Les demandes d'attestation sur l'honneur de domicile, de fourniture de facture d'eau, d'électricité ou de téléphone, seront remplacées par la production de ce seul récépissé.

L' article 3 offre des garanties pour la préservation des libertés individuelles. D'une part : il n'est pas prévu la création d'un fichier national unique regroupant les informations nominatives de l'ensemble de la population, mais de 36 767 fichiers communaux n'ayant pas à être interconnectés par des liens forts. D'autre part : la gestion des registres ainsi que le droit d'accès et de rectification des personnes devront s'effectuer dans le respect des dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. Qui plus est la diffusion de ces données à des personnes non autorisées à y accéder ou leur détournement sont passibles des peines prévues aux articles 226-16 à 226-24 du code pénal, soit cinq ans d'emprisonnement et 300 000 € d'amende.

Les personnes ayant établi leur domicile avant l'entrée en vigueur du présent texte disposeront d'un délai d'un an pour procéder à la déclaration de domiciliation auprès des services municipaux (article 4) .

L' article 5 prévoit que les dispositions relatives à la déclaration et aux fichiers domiciliaires applicables dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle sont remplacées par les dispositions issues de la présente proposition de loi.

Les articles 6 à 8 sont les gages d'une bonne application de la loi.

PROPOSITION DE LOI

Article 1 er

L'article 103 du code civil est ainsi rédigé :

« Art. 103. - Toute personne qui établit ou transfère son domicile dans une commune ou dans un arrondissement de Paris, Lyon ou Marseille en fait la déclaration auprès des services de la mairie de cette commune ou de cet arrondissement.

« Les services de la mairie qui recueillent la déclaration en informent, le cas échéant, les services de la mairie de la commune ou de l'arrondissement de Paris, Lyon ou Marseille où la personne était domiciliée auparavant.

« Dans le cas d'un transfert de résidence principale dans la même commune, le même arrondissement ou à l'étranger, la déclaration s'effectue dans la commune ou l'arrondissement où la personne est inscrite. »

Article 2

L'article 104 du code civil est ainsi rédigé :

« Art. 104. - Un récépissé de déclaration de domicile est remis au déclarant par les services de la mairie de la commune ou de l'arrondissement de Paris, Lyon ou Marseille qui enregistrent la déclaration. Il constitue l'unique justification de domicile à produire pour l'accomplissement de toute autre formalité. »

Article 3

L'article 105 du code civil est ainsi rédigé :

« Art. 105. - Dans chaque mairie, sont recueillis les éléments relatifs à l'identité, la date de naissance, l'adresse, la profession et la composition familiale des personnes venues déclarer avoir établi leur domicile sur le territoire de la commune ou, pour Paris, Lyon et Marseille, de l'arrondissement, ainsi que des personnes qui composent leur foyer.

« Les registres nominatifs créés au titre du recueil d'informations visé au premier alinéa sont tenus dans le respect de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. Le droit d'accès et de correction des données nominatives est assuré conformément aux dispositions de la loi précitée. La diffusion des données nominatives à des personnes non autorisées à y accéder ou leur détournement sont passibles des peines prévues aux articles 226-16 à 226-24 du code pénal.

« Ces informations sont recueillies, transmises et utilisées dans des conditions garantissant leur confidentialité et selon des modalités fixées par décret en Conseil d'État pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. »

Article 4

Les personnes ayant déjà établi leur domicile dans une commune à la date d'entrée en vigueur de la présente loi disposent d'une année à compter de cette date pour effectuer la déclaration prévue à l'article 103 du code civil

Article 5

La présente loi annule et remplace les dispositions relatives à la déclaration et aux fichiers domiciliaires rendus applicables dans le département du Bas-Rhin par l'ordonnance du 16 juin 1883, du Haut-Rhin par l'ordonnance du 18 juin 1883 et de la Moselle par l'ordonnance du 15 juin 1883.

Article 6

Un décret en Conseil d'État précise les conditions d'application de la présente loi.

Article 7

La présente loi entre en vigueur le 1er janvier 2017.

Article 8

Les charges qui pourraient résulter pour les communes de l'application de la présente loi sont compensées à due concurrence par une majoration de la dotation globale de fonctionnement, et, corrélativement pour l'État, par une majoration des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.


* 1 Décision n° 2012-279 QPC du 5 octobre 2012

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