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N° 11

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2014-2015

Enregistré à la Présidence du Sénat le 9 octobre 2014

PROPOSITION DE LOI

tendant à relever et à regrouper les seuils sociaux fixés par le code du travail ,

PRÉSENTÉE

Par M. Jean Louis MASSON,

Sénateur

(Envoyée à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Les seuils sociaux constituent aujourd'hui un frein à la croissance et à la création d'emploi. Pour ne citer que cet exemple, le passage de 49 à 50 salariés entraîne actuellement l'application de 34 législations et réglementations supplémentaires dont le coût représente 4 % de la masse salariale 1 ( * ) .

Le chiffrage de la Fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques, selon lequel les seuils sociaux empêchent la création de 70 000 à 140 000 emplois, a été largement repris et commenté dans tous les débats sur le sujet.

Bien entendu, il s'agit d'une estimation, mais on peut déjà remarquer, rien qu'en consultant les statistiques par taille d'entreprises, que les seuils bloquent bel et bien le passage d'une classe à l'autre. On compte, en effet, deux à trois fois plus d'entreprises de 9 ou 49 salariés que d'entreprises de 10 ou 50 salariés.

Dans le même ordre d'idée, les entreprises employant de 1 à 9 salariés avoisinent le million. Passé le seuil de 10 salariés, ce nombre chute à 170 000, pour se restreindre encore à 30 000 à compter de 50 salariés. Enfin, les entreprises françaises ne sont que 2 500 à employer plus de 500 personnes.

Maintes fois dénoncé, l'effet nocif des seuils sociaux sur l'emploi doit cesser. Des centaines, voire des milliers de petites entreprises sont asphyxiées ou refusent de grandir.

Il faut souligner en particulier la complexité du dispositif actuel. Or, c'est bien là que réside d'abord le coût pour les entreprises . Tout chef d'entreprise doit disposer d'une alternative autre que l'étranglement administratif ou l'illégalité. Car ce sont avant tout les obligations sociales qui empêchent les employeurs de recruter. Il est aisé de pointer les difficultés ainsi générées :

- le franchissement de seuil a d'abord un coût frontal , les cotisations patronales augmentent avec le nombre de salariés ;

- il a ensuite un coût indirect lié au temps passé à remplir les obligations nouvelles. De plus, les patrons doivent souvent se faire aider pour gérer les nouvelles contraintes ;

- il comporte, enfin, un coût incertain lié aux pénalités et aux sanctions que les entreprises encourent si elles ne se conforment pas scrupuleusement à la réglementation. Or elles sont rarement bien outillées pour le faire.

Les seuils sociaux du code du travail sont donc un frein à la croissance et leur révision est nécessaire. Il faut non seulement les relever mais aussi les simplifier en les regroupant en catégories correspondant à des niveaux unifiés .

La présente proposition de loi a donc pour objet d'augmenter de 50 % les seuils de 10, 50 et 500 salariés et de regrouper comme suit, les autres seuils sur ces trois références :

ü les seuils de 9 et 10 salariés sont portés à 15 salariés. Les obligations concernées sont relatives à : - la mise en place de délégués du personnel, - la participation à la formation professionnelle en fonction de la masse salariale, - l'octroi d'un crédit d'heures aux délégués du personnel et aux conseillers du salarié.

ü les seuils de 20, 25 et 50 salariés sont portés à 75 salariés. Les obligations concernées sont relatives à : - la mise en place d'un Comité d'Hygiène, de Sécurité et des Conditions de Travail, - l'installation d'un Comité d'Entreprise, - l'information dudit CE sur la situation financière de l'entreprise tous les trois mois, - l'établissement et la transmission annuel au CE d'un rapport sur la situation économique, la consultation annuelle du CE au sujet de la formation continue, - l'établissement d'un bilan semestriel des Contrats Initiative Emploi et des Contrat d'Aide à l'Emploi avec le CE, - une délégation unique du personnel, - la participation majorée à la formation professionnelle, - l'élaboration obligatoire d'un règlement intérieur, - l'embauche de personnes handicapées à hauteur de 6 % de l'effectif, - la mise en place d'un réfectoire, - la possibilité de mettre en place un délégué syndical, - la mise en oeuvre d'une négociation annuelle obligatoire - sur les salaires, la durée et l'organisation du travail, l'égalité entre homme et femme, l'épargne salariale, l'emploi des travailleurs handicapés..., - la conclusion d'un accord sur la participation aux résultats de l'entreprise, - le versement de la prime de partage des profits en cas de distribution de dividendes en hausse, - la mise en place d'un plan de sauvegarde de l'emploi en cas de projet de licenciement économique collectif, - la mise en place d'un plan d'action sur l'égalité homme/femme dans l'entreprise, - la mise en place d'un plan d'action sur l'emploi des seniors , - la mise en place d'un plan sur la prévoyance contre les maladies, - la mise en place d'un plan sur la prévention de la pénibilité, - la tenue pour les salariés exposés aux facteurs de pénibilité une fiche individuelle d'exposition, - l'organisation d'entretien professionnel pour les salariés l'année de leur 45 ème anniversaire, - l'affichage obligatoire des consignes d'incendie, - la tenue et la mise à jour annuelle du document d'adhésion au service de santé interentreprises.

ü les seuils de 150, 200, 250, 300 et 500 salariés sont portés à 750 salariés. Les obligations concernées sont relatives à : - la fréquence accrue des réunions du CE, - la création obligatoire d'une commission de la formation professionnelle et d'une commission de l'égalité professionnelle au sein du CE, - la mise à disposition d'un local syndical commun à toutes les sections syndicales, - la création d'une commission d'information et d'aide au logement au sein du CE, - la désignation d'un représentant syndical au CE distinct du délégué syndical, - la négociation obligatoire d'un accord de Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences, - la formation obligatoire des membres du CHSCT d'une durée minimale de cinq jours, - la transmission du rapport annuel du médecin du travail au CE et au CHSCT, - la mise en place d'un délégué syndical supplémentaire pour l'encadrement, - la mise en place d'un service social du travail dans certaines branches d'activités , - la présence de salariés en alternance à hauteur de 4 % au moins.

ü les seuils 1 000 et 2 000 salariés sont portés à 5 000 salariés, le dernier seuil de 5 000 salariés n'étant pas modifié. Les obligations concernées sont relatives à : - la mise en place d'une commission économique au sein du CE, - l'obligation de proposer un congé de reclassement au salarié licencié pour motif économique, - la mise en place obligatoire d'une salle de repos, - la création d'un local syndical particulier par section pour chaque syndicat représentatif, - la mise en place obligatoire d'un service de santé, - l'obligation d'assurer le réentrainement au travail des salariés malades et blessés.

Sans même être exhaustive, cette liste montre à elle seule les lourdes conséquences de l'embauche d'un seul salarié . Il faut sortir de ce piège où l'accumulation des droits donnés aux travailleurs se transforme en autant de handicaps pour ceux qui ne travaillent pas . Pour nos millions de chômeurs, avoir un comité d'entreprise dans l'entreprise qui pourrait les embaucher importe bien peu ; ils préfèrent avoir un emploi.

Il est d'autant plus essentiel d'agir sur les seuils sociaux que cette réforme ne coûte rien budgétairement . Déverrouiller le marché du travail et motiver les créateurs d'emplois ne coûte pas cher mais demande du courage politique. Pourquoi refuser ces mesures de bon sens ? Stimuler la croissance en libérant les freins à l'emploi et libérer les énergies entrepreneuriales sont des urgences pour notre économie.

PROPOSITION DE LOI

Article 1 er

Aux articles L. 1272-1 et L. 1273-2 du code du travail, le chiffre : « neuf » est remplacé par le nombre « quinze ».

Article 2

Aux articles L. 3142-8, L. 6121-3, L. 6122-2, L. 6322-5, L. 6322-9, L. 6322-47, L. 6323-3, L. 6331-2, L. 6331-8, L. 6331-9, L. 6331-14, L. 6331-15, L. 6331-17, L. 6331-18, L. 6331-33, L. 6331-38, L. 6331-53, L. 6331-55, L. 6331-63, L. 6331-64, L. 6332-3, L. 6332-3-1, L. 6332-3-1, L. 6332-7, L. 6332-15, L. 6332-19 et L. 6332-20 du code du travail, le nombre : « dix » est remplacé par le nombre : « quinze ».

Article 3

Aux articles L. 812-1, L. 1232-8, L. 1235-5, L. 1235-14, L. 1453-4-1, L. 1522-4, L. 2122-5, L. 2122-9, L. 2122-10-1, L. 2122-10-2, L. 2312-1, L. 2312-2, L. 2312-3, L. 2312-4, L. 2312-5, L. 4121-3, L. 6243-1 et L. 6243-2 du code du travail, le nombre : « onze » est remplacé par le nombre : « seize ».

Article 4

Aux articles L. 321-12, L. 1311-2, L. 5212-1, L. 5212-4, L. 6331-14, L. 6331-16, L. 6331-17 et L. 6331-18 du code du travail, le nombre : « vingt » est remplacé par le nombre : « soixante-quinze ».

Article 5

Au deuxième alinéa de l'article L. 3262-2 du code du travail, le nombre : « vingt-cinq » est remplacé par le nombre : « soixante-quinze ».

Article 6

Aux articles L. 1221-7, L. 1226-10, L. 1233-8, L. 1233-24-1, L. 1233-29, L. 1233-30, L. 1233-32, L. 1233-34, L. 1233-39, L. 1233-45-1, L. 1233-53, L. 1233-61, L. 1233-87, L. 1235-10, L. 1237-12, L. 2142-1-1, L. 2142-1-4, L. 2143-3, L. 2143-5, L. 2143-6, L. 2143-11, L. 2232-21, L. 2242-5-1, L. 2312-5, L. 2313-7, L. 2313-7-1, L. 2313-8, L. 2313-16, L. 2315-1, L. 2322-1, L. 2322-2, L. 2322-3, L. 2322-4, L. 2322-7, L. 2344-6, L. 2363-11, L. 2363-13, L. 3322-2, L. 3322-3, L. 3322-4-13, L. 3332-16, L. 4611-1, L. 4611-2, L. 4611-3, L. 4611-4, L. 4611-5, L. 4611-6, L. 4612-18, L. 5121-7, L. 5121-8, L. 6315-1, L. 6324-6, L. 6331-11, L. 6331-12, L. 6331-31, L. 6332-3-1 et L. 4611-4 du code du travail, le nombre : « cinquante » est remplacé par le nombre : « soixante-quinze ».

Article 7

Aux articles L. 2143-13, L. 2242-15, L. 2143-13, L. 2341-1 et L. 2341-2 du code du travail, les mots « cent cinquante » sont remplacés par les mots « sept cent cinquante ».

Article 8

Au quatrième alinéa de l'article L. 2143-13 du code du travail, le nombre : « cent cinquante et un » est remplacé par le nombre : « sept cent cinquante et un ».

Article 9

Aux articles L. 2142-8, L. 2313-12, L. 2325-26, L. 2325-34, L. 2326-1, L. 2232-21, L. 3142-88, L. 3142-89, L. 3142-94, L. 3142-97, L. 6322-7, L. 6322-8-8, L. 6322-54 et L. 6322-55 du code du travail, le nombre : « deux cents » est remplacé par le nombre : « sept cent cinquante ».

Article 10

Aux articles L. 3312-3, L. 3324-2 et L. 4631-1 du code du travail, le nombre : « deux cent cinquante » est remplacé par le nombre : « sept cent cinquante ».

Article 11

À l'article L. 4612-18 du code du travail, le nombre : « deux cent quatre-vingt-dix-neuf » est remplacé par le nombre « sept cent quarante-neuf ».

Article 12

Aux articles L. 1222-12, L. 2143-22, L. 2242-15, L. 2242-19, L. 2242-20, L. 2323-7-2, L. 2323-46, L. 2323-47, L. 2323-50, L. 2323-51, L. 2323-55, L. 2323-56, L. 2323-57, L. 2323-61, L. 2323-68, L. 2323-69, L. 2324-2, L. 2325-27, L. 2325-38, L. 2328-2, L. 4614-15, L. 5121-8 et L. 5121-9 du code du travail, le nombre : « trois cents » est remplacé par le nombre : « sept cent cinquante ».

Article 13

Au quatrième alinéa de l'article L. 2143-13 du code du travail, le nombre : « quatre cent quatre-vingt-dix-neuf » est remplacé par le nombre : « sept cent quarante-neuf ».

Article 14

Aux articles L. 2143-4, L. 2143-13, L. 2143-16, L. 2327-5, L. 2372-1, L. 3332-20 et L. 4613-4 du code du travail, le nombre : « cinq cents » est remplacé par le nombre : « sept cent cinquante ».

Article 15

Aux articles L. 2324-11, L. 2325-6 et L. 2325-9 du code du travail, le nombre : « cinq cent un » est remplacé par le nombre : « sept cent cinquante et un ».

Article 16

Aux articles L. 1233-71, L. 2142-8, L. 2143-5, L. 2143-16, L. 2323-78, L. 2325-23 et L. 2341-1 du code du travail, le nombre : « mille » est remplacé par le nombre : « cinq mille ».


* 1 Rapport de la commission pour la libération de la croissance française sous la présidence de Jacques ATTALI, 23 janvier 2008, p. 48.

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