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N° 485

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2012-2013

Enregistré à la Présidence du Sénat le 9 avril 2013

PROPOSITION DE LOI

visant au rétablissement de la confiance et à l' amélioration du dialogue social dans les entreprises de transports ,

PRÉSENTÉE

Par Mmes Mireille SCHURCH, Isabelle PASQUET, Laurence COHEN, Annie DAVID, MM. Guy FISCHER, Dominique WATRIN, Mmes Éliane ASSASSI, Marie-France BEAUFILS, MM. Michel BILLOUT, Éric BOCQUET, Mmes Cécile CUKIERMAN, Michelle DEMESSINE, Évelyne DIDIER, MM. Christian FAVIER, Thierry FOUCAUD, Mme Brigitte GONTHIER-MAURIN, MM. Pierre LAURENT, Gérard LE CAM, Michel LE SCOUARNEC et Paul VERGÈS,

Sénateurs

(Envoyée à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Le Président Nicolas SARKOZY a entamé son mandat présidentiel, en 2007, en faisant adopter de manière très symbolique, à l'Assemblée nationale et au Sénat, un projet de loi relatif au « service minimum » dans les transports terrestres. Il a clôturé ce même mandat en faisant adopter une proposition de loi relative au « service minimum » dans les transports aériens en mars 2012.

Ces deux textes de loi qui bornent ce mandat présidentiel sont très représentatifs de l'esprit qui a animé l'ancien Président de la République : un mépris inébranlable des corps intermédiaires, dont les syndicats, ainsi que la volonté de casser toute action collective. Le droit de grève, moyen d'expression ultime des salariés, était donc légitimement dans son viseur.

Tellement sûr d'avoir réussi, il se vantait dès 2009 que « désormais quand il y a une grève en France, personne ne s'en aperçoit. »

Pourtant, en décembre 2011, un mouvement social dans le secteur aérien a conduit à l'annulation de plusieurs vols durant les vacances scolaires. Il n'en a pas fallu plus, pour que la volonté présidentielle s'exprime pour parachever l'encadrement du droit de grève en élargissant son périmètre aux agents de l'aérien et encadrer plus encore son exercice dans le secteur des transports terrestres. Ceci dans la plus grande précipitation et sans qu'aucune concertation n'ait lieu avec les organisations syndicales.

Durant les débats parlementaires sur chacune de ses lois, les parlementaires du groupe communiste, républicain et citoyen, comme l'ensemble des groupes parlementaires de la gauche ont soutenu que loin de vouloir renforcer le dialogue social et le service public, ces lois constituaient par ailleurs une atteinte inadmissible aux droits fondamentaux des salariés, dont celui de faire grève. Ils ont d'ailleurs déposé un recours, signé par l'actuel chef du gouvernement, devant le Conseil constitutionnel sur la loi du 21 août 2007 mais également sur celle de 2012.

Les élections présidentielles et législatives de 2012 ont mis un terme à cette orientation politique, plaçant à la tête de l'État une nouvelle majorité, censée renouer un dialogue respectueux et constructif avec les organisations syndicales.

Le nouveau Président de la République a notamment proposé dans son discours d'ouverture de la conférence sociale le 10 et 11 juillet dernier, d'inscrire dans la Constitution, si le Parlement y consent et si les partenaires sociaux y adhèrent, le rôle du dialogue social et la place des grandes organisations représentatives. Le premier ministre a pour sa part indiqué que la marque de fabrique de ce nouveau gouvernement serait le dialogue social.

Pour ce faire et afin de rétablir la confiance, les sénateurs du groupe Communiste, républicain et citoyen estiment qu'il convient de revenir sur les lois iniques du mandat de Nicolas Sarkozy qui portent une atteinte disproportionnée au droit de grève.

Il s'agit à leurs yeux d'un préalable à toute refondation du dialogue social, aux travaux conséquents qui devront être menés avec les partenaires sociaux pour permettre une démocratisation du fonctionnement des entreprises par l'octroi de nouveaux droits aux salariés et à leurs organisations représentatives.

Le nouveau gouvernement devra, à leur sens, parallèlement se pencher de manière urgence sur la véritable cause de mécontentement des usagers des transports : la libéralisation à tout crin de ces secteurs d'activité.

Ainsi, les grèves constituent, encore aujourd'hui, la partie infime des dysfonctionnements entraînant des retards. Ce qui détériore la qualité du service ferroviaire comme du service aérien, c'est l'application du dogme de la concurrence, le manque de moyens humains et la faiblesse des investissements publics, le renoncement même à toute idée de service public.

Particulièrement concernant le service ferroviaire, la dégradation de l'offre de service est bien la conséquence de la politique de l'entreprise SNCF ne s'adressant plus à des usagers mais à des clients dans un objectif de rentabilité du service rendu. La qualité de service est également amoindrie par la faiblesse de l'investissement public dans les réseaux de transports, de plus en plus vétuste. Le dévouement des agents du transport public étant, par ailleurs, le principal gage de la qualité du service public.

Loin de répondre aux enjeux de développement de l'offre de transport, à la modernisation du service public, aux attentes légitimes des usagers, ces lois sont donc inutiles, inefficaces et dangereuses en portant dangereusement atteintes aux droits des salariés et en renversant les rapports de force au sein des entreprises au profit du patronat.

Nous l'avons désigné dès le début comme l'objectif essentiel du gouvernement, le seul but de ces lois est bien de porter une atteinte décisive au droit de grève, pourtant constitutionnellement reconnu.

Notamment, ces lois ont introduit une obligation individuelle de grève. Ainsi, le salarié doit désormais se déclarer quarante-huit heures en amont de tout mouvement social, et surtout ne pas y renoncer moins de vingt-quatre heures avant, sous peine de sanction disciplinaire en cas de manquements répétés à cette obligation.

D'autre part, le salarié qui souhaite mettre fin à son action de grève, doit également attendre vingt-quatre heures avant de pouvoir reprendre effectivement le travail, ce qui l'oblige ainsi à une journée supplémentaire de perte de salaire, sauf en cas de fin de mouvement.

Ces dispositifs sont bien plus subtil que l'interdiction pure et simple de la grève : en rendant son exercice plus difficile et en l'individualisant, l'ancien gouvernement et la majorité parlementaire de l'époque, ont permis que s'exercent sur les salariés des pressions inacceptables alors même que l'exercice du droit de grève est par essence collectif.

Certes, le Conseil constitutionnel a estimé que ces lois n'étaient pas contraires à la Constitution. Cependant nous considérons que de telles décisions sont de nature purement politique (ce qui pose naturellement la question de la composition du Conseil constitutionnel, mais tel n'est pas l'objet de la présente proposition de loi). En effet, cette jurisprudence du Conseil constitutionnel se place en contradiction totale avec les jurisprudences des autres cours de justice.

Ainsi, dans l'arrêt Air France de 2003, la Cour de cassation a reconnu de manière très claire « qu'il ne pouvait être imposé à un salarié d'indiquer à son employeur son intention de participer à la grève avant le déclenchement de celle-ci ».

Dans l'affaire de la société Rhodia Chimie, la cour d'appel de Grenoble a également jugé, le 29 avril 2002, que « la société ne pouvait interroger chaque salarié sur ses motivations sans exercer une pression inacceptable sur chaque salarié pris individuellement. »

Nous continuons donc légitimement d'affirmer que la déclaration préalable de grève quarante-huit heures à l'avance et, pire encore, celle de vingt-quatre heures porte une atteinte caractérisée au droit de grève, pour l'ensemble des salariés du secteur des transports, qu'ils soient terrestres ou aériens.

En outre, alors qu'il est proscrit de recourir à l'intérim pour remplacer des salariés grévistes, de nombreuses entreprises ont détourné la vocation initiale de cette déclaration individuelle de grève, pour contourner cette règle.

Le Gouvernement avait argué, pour justifier de telles atteintes au droit constitutionnel de grève, de la contribution de ces lois à l'amélioration du dialogue social. Nous considérons pour notre part que loin de le renforcer, elle risque au contraire de cristalliser la conflictualité existante.

En effet, nous ne pouvons que constater que l'instauration d'une sorte de « préavis du préavis » par le dispositif d'alarme sociale dans le secteur terrestre n'a pas permis d'enrayer la conflictualité puisque, si les demandes de consultation immédiate ont significativement augmenté, les dirigeants des entreprises continuent d'attendre de constater l'état réel des rapports de force avant d'engager toute négociation.

Or, si l'article L. 521-3 du code du travail précise d'ores et déjà que « pendant la durée du préavis, les parties intéressées sont tenues de négocier », cette obligation est souvent méconnue par les dirigeants d'entreprise. Allonger la durée du temps de négociation, dans les transports terrestres comme dans les transports aériens, apparaît donc inutile si rien ne contraint ces mêmes chefs d'entreprises à se présenter à la table de négociation avec des propositions.

Ces dispositions sont, en outre, totalement inopérantes et inutiles lorsque la grève répond à un appel national ou européen interprofessionnel.

D'autre part, alors que les promoteurs de cette loi ont argué également, pour justifier cette atteinte au droit de grève, de l'instauration d'une information précise et fiable sur l'activité assurée aux usagers, cette mesure n'est assortie d'aucune sanction légale. Force est alors de constater qu'aucun progrès en la matière n'a été réalisé. Il est par ailleurs particulièrement étonnant que l'ancien gouvernement ne retrouve de sens aux mots continuité de service et usagers qu'en période de grève !

Le gouvernement de l'époque et sa majorité parlementaire se sont en réalité placés comme les plus fidèles serviteurs des intérêts du MEDEF. C'est d'ailleurs un fait hautement symbolique que le PDG d'Air France, n'ait pas hésité dans la foulée de l'adoption de la loi de mars 2012 à dénoncer les accords d'entreprise à seule fin d'améliorer la rentabilité pour les actionnaires en demandant aux salariés des sacrifices supplémentaires.

Parce que les sénateurs du groupe CRC estiment que la gauche doit réussir et permettre un véritable changement pour nos concitoyens, ils souhaitent que des signes très forts soient donnés en direction des forces sociales de notre pays.

C'est cette volonté et cette exigence du changement que la présente proposition de loi se propose de traduire.

Elle permet dans un titre premier de relancer la confiance avec les partenaires syndicaux, en abrogeant les mesures attentatoires au droit de grève telles que définies dans les lois de 2007 et 2012. Il en est ainsi des déclarations individuelles de grève mais également de l'instauration d'une sorte de préavis du préavis qui conduit à bloquer un certain nombre de mouvements sociaux sans avoir d'efficacité en termes de dialogue social.

Par ailleurs, dans un titre deux, la proposition de loi supprime la reconduction tacite des conventions et accords collectifs de travail, jugeant cette disposition contraire à toute avancée sociale. Ils renforcent également dans un article 3, la seule disposition positive de la loi de 2007, issue du vote d'un de leur amendement, sur l'incorporation de critères sociaux et environnementaux dans les appels d'offre par les autorités organisatrices de transport, en indiquant qu'un rapport est remis annuellement sur la mise en oeuvre de ces critères.

PROPOSITION DE LOI

TITRE PREMIER

RENOUER LA CONFIANCE AVEC LES ORGANISATIONS SYNDICALES DANS LE SECTEUR DES TRANSPORTS

Article 1 er

Le code des transports est ainsi modifié :

1°) Après la première phrase du premier alinéa de l'article L. 1114-2 du code des transports, le reste de l'article est supprimé ;

2°) L'article L. 1114-3 du code des transports est abrogé ;

3°) L'article L. 1114-4 du code des transports est abrogé ;

4°) La dernière phrase de l'article L. 1114-5 est supprimée ;

5°) L'article L. 114-6 du code des transports est abrogé ;

6°) Après la première phrase du premier alinéa de l'article L. 1324-2 du code des transports, le reste de l'article est supprimé ;

7°) Après la première phrase de l'article L. 1324-3 du code des transports, le reste de l'article est supprimé ;

8°) l'article L. 1324-4 est abrogé ;

9°) L'article L. 1324-5 est abrogé ;

10°) L'article L. 1324-6 est abrogé ;

11°) L'article L. 1324-7 est abrogé ;

12°) L'article L. 1324-8 est abrogé ;

13°) L'article L. 1324-10 est abrogé.

TITRE II

ENGAGER L'AMÉLIORATION DU DIALOGUE SOCIAL ET DE LA PERFORMANCE DU SERVICE PUBLIC DE TRANSPORT

Article 2

L'article L. 2222-4 du code du travail est abrogé.

Article 3

L'article 12 de la loi n° 2007-1224 du 21 août 2007 sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Un rapport annuel obligatoire sur les critères sociaux et environnementaux est remis par les entreprises aux autorités organisatrices des transports. »

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