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N° 63
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2012-2013
Enregistré à la Présidence du Sénat le 18 octobre 2012 |
PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE
tendant à ce qu'une décision prise par référendum ne puisse être remise en cause par voie parlementaire pendant les dix années qui suivent,
PRÉSENTÉE
Par M. Jean Louis MASSON,
Sénateur
(Envoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
En démocratie, le Parlement détient sa légitimité par délégation de la souveraineté du peuple. Pour le vote d'une loi, la souveraineté nationale peut donc s'exprimer, soit directement par un référendum, soit indirectement par un vote au Parlement.
Il n'en reste pas moins qu'une décision exprimée directement par le peuple dans le cadre d'un référendum a une plus forte valeur morale qu'une décision prise par le Parlement au nom du peuple. C'est d'ailleurs ce qu'avait reconnu implicitement le Conseil constitutionnel en 1962 lorsqu'il avait été saisi de la validité du référendum modifiant la Constitution pour instaurer l'élection du Président de la République au suffrage universel.
Ce constat est d'autant plus vrai que, quel que soit le mode de scrutin pour les députés ou pour les sénateurs, des distorsions de représentativité sont inévitables. Ainsi, lors des élections présidentielles de 2012, le Front National, le Modem et les Verts ont obtenu respectivement 17,90 %, 9,13 % et 2,31 % des suffrages exprimés. Toutefois, le résultat en nombre de sièges lors des élections législatives qui ont suivi a été complètement inversé puisqu'ils ont obtenu respectivement 2,2 et 17 députés. C'est dire si de ce fait, les votes à l'Assemblée nationale peuvent être radicalement opposés au résultat que donnerait une consultation directe du peuple par référendum.
Un exemple en a été fourni par le projet de « traité établissant une Constitution pour l'Europe », lequel avait été signé à Rome par les représentants des 25 pays membres de l'Union européenne le 29 octobre 2004. Or ce projet a été massivement rejeté par les Français lors du référendum du 29 mai 2005 (54,68 % de non). Cela n'a pas empêché le nouveau Président de la République, M. SARKOZY, de faire adopter par voie parlementaire, une réforme constitutionnelle puis l'adoption du traité de Lisbonne (loi constitutionnelle n° 2008-103 du 4 février 2008 et loi de ratification du traité de Lisbonne n° 2008-125 du 13 février 2008). Pourtant celui-ci reprenait quasiment à l'identique le texte initial qui avait été rejeté par référendum.
Les modalités d'adoption du traité de Lisbonne constituent un véritable désaveu pour la majorité des Français qui se sont exprimés en votant non lors du référendum du 29 mai 2005 ; elles bafouent les principes de la démocratie. En effet, est-il acceptable de demander l'avis des Français puis si celui-ci est négatif, de passer outre en faisant voter exactement le contraire par le Parlement ?
Afin qu'un tel artifice ne puisse plus être réédité, la présente proposition de loi constitutionnelle impose un parallélisme des formes. Plus précisément, elle prévoit que lorsque les Français se sont exprimés par référendum, toute nouvelle disposition qui serait en contradiction avec le résultat de ce vote ne puisse être adoptée que par voie référendaire pendant les dix ans qui suivent.
PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE
Article 1 er
L'article 11 de la Constitution est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Avant l'expiration d'un délai de dix ans suivant la date du scrutin, tout projet ou proposition de loi contraire au vote exprimé par le peuple français lors d'un référendum doit être approuvé par référendum. »
Article 2
Au deuxième alinéa de l'article 88-5 de la Constitution, après les mots : « l'article 89 » sont insérés les mots suivants : « à condition qu'un projet de loi ayant le même objet n'ait pas été rejeté par référendum au cours des dix années précédentes ».
Article 3
Après le troisième alinéa de l'article 89 de la Constitution, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Avant l'expiration d'un délai de dix ans suivant la date du scrutin, aucun projet de révision de la Constitution ne peut faire l'objet d'une ratification par le Congrès s'il est contraire au vote exprimé par le peuple français lors d'un référendum. »