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N° 77
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2011-2012
Enregistré à la Présidence du Sénat le 3 novembre 2011 |
PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE
modifiant le livre III de la sixième partie du code général des collectivités territoriales relatif à Saint-Martin ,
PRÉSENTÉE
Par M. Louis-Constant FLEMING, Mmes Catherine PROCACCIA, Jacqueline FARREYROL, MM Robert LAUFOAULU et Michel FONTAINE,
Sénateurs.
(Envoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La présente proposition de loi organique modifiant le livre III de la sixième partie du code général des collectivités territoriales relatif à Saint-Martin a pour objet de clarifier certaines des dispositions de la loi organique n° 2007-223 du 21 février 2007 modifiée portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l'outre-mer, relatives au statut de Saint-Martin, et d'y apporter des aménagements de nature à améliorer les conditions de fonctionnement de la collectivité.
Chapitre I er
COMPÉTENCE EN MATIÈRE D'ENVIRONNEMENT
La proposition a d'abord pour objet d'étendre les compétences transférées à la collectivité au domaine de l'environnement.
L'article L.O. 6314-3 du code général des collectivités territoriales prévoit en effet que, à compter de sa première réunion suivant son renouvellement postérieurement au 1er janvier 2012, la compétence de fixation des règles transférée à la collectivité est étendue aux matières suivantes :
1° Urbanisme ; construction ; habitation ; logement ;
2° Énergie.
L'objectif de cohérence des politiques publiques conduit à prévoir l'extension de la compétence de la collectivité au domaine de l'environnement, dont la protection ne peut être envisagée indépendamment des dispositions prises dans les matières ci-dessus visées, dont la législation organique prévoit d'ores et déjà qu'elles devront être régies par les décisions de la collectivité.
Il est rappelé que le législateur organique a déjà prévu, dans le cadre de la loi n° 2010-92 du 25 janvier 2010, que le conseil économique, social et culturel de la collectivité comprend des représentants d'associations et fondations agissant dans le domaine de la protection de l'environnement et des personnalités qualifiées choisies en raison de leur compétence en matière d'environnement et de développement durable (CGCT, article LO 6323-1), et qu'avant l'examen du projet de budget de la collectivité, le président du conseil territorial présente au conseil territorial le rapport du conseil exécutif sur la situation de Saint-Martin en matière de développement durable et sur les orientations et programmes visant à améliorer cette situation (CGCT, article LO 6351-11-1).
Ces dernières dispositions trouveront tout leur sens avec l'extension au domaine de l'environnement de la compétence de fixation des règles transférée à la collectivité.
Chapitre 2
COMPÉTENCE EN MATIÈRE FISCALE
La proposition a ensuite pour objet d'apporter aux conditions d'exercice de la compétence de fixation des règles transférée à la collectivité en matière d'impôts, droits et taxes les aménagements permettant d'en assurer la pleine efficacité. Elle tend :
- en premier lieu, à supprimer la condition spéciale mise à la reconnaissance d'un domicile fiscal à Saint-Martin dite « règle des cinq ans » ;
- en second lieu, à prévoir l'extension à la collectivité de la compétence en matière d'assiette, de contrôle et de recouvrement des impôts, tout en maintenant la possibilité d'un accomplissement de ces opérations par des agents de l'État, dans le cadre d'une convention conclue entre l'État et la collectivité.
I. Abrogation de la « règle des cinq ans ».
Le I de l'article LO 6314-4 du code général des collectivités territoriales, précisant les conditions d'exercice de la compétence de la collectivité en matière d'impôts, droits et taxes, dispose en son 1° que :
- « Les personnes physiques dont le domicile fiscal était, dans les cinq ans précédant leur établissement à Saint-Martin, établi dans un département de métropole ou d'outre-mer ne peuvent être considérées comme ayant leur domicile fiscal à Saint-Martin qu'après y avoir résidé pendant cinq ans au moins. »
- et que : « Les personnes morales dont le domicile fiscal était, dans les cinq ans précédant leur établissement à Saint-Martin, établi dans un département de métropole ou d'outre-mer ne peuvent être considérées comme ayant leur domicile fiscal à Saint-Martin qu'après y avoir installé le siège de leur direction effective depuis cinq ans au moins ou lorsqu'elles y ont installé le siège de leur direction effective et qu'elles sont contrôlées, directement ou indirectement, par des personnes physiques résidant à Saint-Martin depuis cinq ans au moins. »
Le 1° bis du même I ajoute que :
« Les personnes physiques ou morales ayant leur domicile fiscal dans un département de métropole ou d'outre-mer, ou étant réputées l'avoir en vertu du 1°, sont soumises aux impositions en vigueur dans ces départements.
« Sans préjudice des dispositions de l'alinéa précédent, les personnes physiques ou morales ayant leur domicile fiscal dans un département de métropole ou d'outre-mer, ou étant réputées l'avoir en vertu du 1°, sont soumises aux impositions définies par la collectivité de Saint-Martin pour les revenus ou la fortune trouvant leur source sur le territoire de cette collectivité. »
La portée financière, initialement préjudiciable à la collectivité de Saint-Martin, du critère spécial de résidence défini par ces dispositions, et concernant les seules personnes précédemment domiciliées dans un département de métropole ou d'outre-mer, a été largement réduite par la pleine reconnaissance en faveur de la collectivité d'une compétence d'imposition vis-à-vis des revenus ou bénéfices trouvant leur source sur son territoire, y compris lorsqu'ils sont acquis par des personnes y exerçant leur activité ou y résidant depuis moins de cinq ans.
La convention contre la double imposition conclue entre l'État et la collectivité sanctionne cette pleine compétence de « juridiction fiscale de source » de la collectivité et prévoit, dans le protocole (point 7) qui s'y trouve annexé, la renonciation par l'État du droit d'imposition qui lui est en principe conféré par le 1° alinéa du 1° bis du I de l'article LO 6314-4 du code général des collectivités territoriales à l'égard des bénéfices d'établissements à Saint-Martin de sociétés domiciliées dans un département de métropole ou d'outre-mer, ou considérées comme telles en vertu de la « règle des cinq ans ».
En pratique, ladite règle est de ce fait sans portée en ce qui concerne les bénéfices d'entreprises.
La même règle conduit toutefois, en vue de l'application de l'impôt sur le revenu, à des obligations déclaratives et de gestion sensiblement alourdies : les salariés de la fonction publique ou du secteur privé qui, venant d'un département de métropole ou d'outre-mer et exerçant leur activité à Saint-Martin sans satisfaire à la condition d'une résidence dans la collectivité d'au moins cinq années, sont ainsi conduits à déclarer leur revenu salarial à la collectivité en vue de l'application de l'impôt sur le revenu propre à celle-ci, puis à déclarer à l'État leur revenu d'ensemble, incluant les salaires saint-martinois, en vue de l'application de l'impôt sur le revenu de l'État. L'administration fiscale doit ensuite gérer ce double flux de déclarations, en vue de l'application de deux impositions assises et liquidées sur la base de règles distinctes
La double imposition est en principe évitée par les dispositions de la convention fiscale, et celles prises par les autorités compétentes de la collectivité et de l'État, sans que puissent être toutefois évitées toutes les difficultés d'articulation entre les deux dispositifs d'imposition. Regardés comme non résidents compte tenu des dispositions de la législation organique, les salariés considérés sont inévitablement assujettis, en particulier, aux dispositions de la règlementation fiscale saint-martinoise propres aux non-résidents.
Il résulte du dispositif juridique en vigueur que des personnes se trouvant dans la même situation factuelle sont exposées à des traitements fiscaux différents, dans des conditions qui pourraient être discutées au regard des principes constitutionnels et des règles du droit de l'Union européenne.
Il y a lieu d'ajouter que la différence de traitement fiscal évoquée peut s'avérer favorable aux contribuables considérés comme non domiciliés à Saint-Martin, éloignant ainsi l'effet pratique de la « règle des cinq ans » de l'objectif recherché lors de son institution, savoir l'évitement de localisations dans la collectivité pour des raisons fiscales.
Compte tenu de l'absence, désormais démontrée et admise, dans le dispositif fiscal de la collectivité de Saint-Martin, d'un quelconque caractère de « paradis fiscal », la « règle des cinq ans », dont ne subsistent qu'une inutile complexité de gestion et certaines discriminations sans rapport avec l'objectif initialement poursuivi par le législateur organique, n'a plus lieu d'être maintenue.
II. Compétence en matière d'assiette, de contrôle et de recouvrement des impôts .
Le II de l'article LO 6324-4 du code général des collectivités territoriales dispose :
« II. - Les opérations d'assiette, de contrôle et de recouvrement des impôts, droits et taxes et autres prélèvements sont assurées par des agents de l'État dans les conditions prévues par une convention entre l'État et la collectivité. Cette convention définit les modalités de rétribution des agents de l'État.
« Les impôts directs et les taxes assimilées de la collectivité sont recouvrés en vertu de rôles rendus exécutoires par le représentant de l'État dans la collectivité. Celui-ci peut déléguer ses pouvoirs au directeur des services fiscaux compétent pour l'application de l'impôt dans la collectivité de Saint-Martin.
« Des personnels de la collectivité de Saint-Martin, placés sous l'autorité de l'administration de l'État, peuvent apporter leur concours à l'exécution des opérations visées au premier alinéa. »
Le dernier alinéa ayant été introduit par la loi organique 2010-92 du 25 janvier 2010, le législateur ayant par là marqué un premier intérêt pour un rapprochement des compétences nécessaires à la fixation des règles et fiscales et à leur mise en oeuvre.
L'expérience établit que l'efficacité des opérations d'assiette individuelle, de contrôle et de recouvrement des impositions définies par la collectivité ne pourra véritablement s'obtenir qu'en prenant appui sur des ressources humaines durablement établies dans la collectivité et ayant une bonne connaissance du terrain contributif. La bonne application de l'impôt requiert en outre unité et cohérence entre la définition des règles et leur application, dans le cadre d'une chaîne hiérarchique clarifiée.
Il convient donc de prévoir l'extension de la compétence fiscale de la collectivité de Saint-Martin aux opérations d'application individuelle de l'impôt (assiette, contrôle, recouvrement), sans bien entendu en précipiter l'exercice effectif, compte tenu du temps et des moyens que requièrent le recrutement, la formation et l'organisation d'une administration fiscale territoriale.
La proposition est donc celle d'un transfert de la compétence concernée à la collectivité, assorti d'une possibilité, pour celle-ci, de demander, pour son exercice, l'intervention d'agents de l'État dans les conditions prévues par une convention conclue entre l'État et la collectivité.
PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE
CHAPITRE I ER
COMPÉTENCE EN MATIÈRE D'ENVIRONNEMENT
Article 1 er
Après le 3° du II de l'article L.O. 6314-3 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un 3° bis ainsi rédigé :
« 3° bis Environnement, y compris la protection des espaces boisés ; ».
CHAPITRE 2
COMPÉTENCE EN MATIÈRE FISCALE
Article 2
I. - L'article L.O. 6314-4 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Le I est ainsi modifié :
a) Les 1° et 1° bis sont supprimés ;
b) Les 2° et 3° deviennent, respectivement, les 1° et 2°.
2° Le II est ainsi rédigé :
« II. - Les opérations d'assiette, de contrôle et de recouvrement des impôts, droits, taxes et autres prélèvements peuvent être assurées par des agents de l'État dans les conditions prévues par une convention conclue entre l'État et la collectivité. »