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N° 646

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2010-2011

Enregistré à la Présidence du Sénat le 16 juin 2011

PROPOSITION DE LOI

sur la réforme et la modernisation de l' Assemblée des Français de l' étranger ,

PRÉSENTÉE

Par M. Robert del PICCHIA,

Sénateur

(Envoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Si nous devions dessiner aujourd'hui l'Assemblée des Français de l'étranger, elle ne se ressemblerait pas.

Il ne viendrait à l'idée d'aucun juriste, ni d'aucun politique, de créer ex nihilo une assemblée composée d'élus locaux, présidée par un ministre.

Il ne viendrait pas non plus à l'idée de qui que ce soit que ces représentants, choisis au suffrage universel direct, doivent cohabiter avec les représentants d'associations, nommés arbitrairement par le ministre présidant cette enceinte.

L'importance accordée en France à l'expression du suffrage, essence de la souveraineté populaire, interdirait également que le rôle de cette assemblée soit non seulement consultatif, mais également facultatif.

Enfin, le rôle de ces élus auprès des citoyens qui les ont choisis, ne se résumerait pas à celui qu'ils occupent aujourd'hui à l'ombre des postes diplomatiques et consulaires.

L'Assemblée des Français de l'étranger n'est pas ce qu'elle devrait être.

Son fonctionnement est celui d'une structure constituée il y a plus de 60 ans pour et autour du chef de la diplomatie, pour lui apporter une expertise sur la diaspora française.

Pratiquement, c'est bien le rôle qu'elle a joué depuis lors.

Juridiquement, c'est aujourd'hui une aberration.

Elle doit être réformée pour établir des fondations saines, solides et cohérentes.

Dessinons une nouvelle AFE.

I - UNE PRÉSIDENCE ÉLUE

L'exemple le plus frappant d'anomalie fragilisant la structure de l'édifice institutionnel est cette présidence qui, de droit, est confiée au ministre des affaires étrangères.

Pourquoi ? La raison en est simple : c'est un héritage ancien du Conseil supérieur des Français de l'étranger.

Ce Conseil, créé en 1948 par décret, était composé de membres élus par les « organismes français à l'étranger » selon des modalités originales de suffrage indirect ; de membres de droit représentant les grandes organisations françaises à l'étranger ; les sénateurs représentant les Français établis hors de France. Des personnalités qualifiées en raison de leur compétence particulière étaient également désignées par le ministre .

Ainsi, notre ancien et estimé collègue Charles de CUTTOLI avait-il eu l'occasion de souligner qu'« il est évident qu'à l'origine le conseil avait été conçu comme devant jouer un rôle purement consultatif et non pas pour être un collège électoral » . Encore moins pour constituer un organe représentatif.

La présidence de droit était cohérente avec la mission de conseil de cette institution. Depuis l'élection de ses membres au suffrage universel direct, c'est pour le moins un conflit d'intérêt.

Peut-on imaginer qu'un exécutif local soit présidé par le ministre de l'intérieur ?

Une assemblée d'élus doit être présidée par un élu. L'Assemblée des Français de l'étranger doit pouvoir choisir en son sein la tête de son exécutif.

II - UNE SAISINE POUR AVIS OBLIGATOIRE

Avec l'instauration de l'élection au suffrage universel des délégués au CSFE en 1982, les conséquences de cette nouvelle légitimité avaient été tirées. L'article 1 er du décret de 1984, qui définissait les compétences de la chambre, prévoyait bien que « le conseil supérieur des Français de l'étranger est consulté par le ministre chargé des relations extérieures sur les problèmes intéressant les Français établis hors de France » .

La loi de 1982 n'était pas la réforme d'une institution ancienne, mais bien la création d'un organe inédit de représentation des Français à l'étranger. Dès lors, l'avis du Conseil supérieur, même s'il n'a jamais été contraignant, n'était plus facultatif. Cela révélait une volonté politique de donner une voix aux élus, en rupture par rapport à l'institution facultative.

Pourtant, il semble que par la suite, la volonté politique ait failli. Progressivement, l'avis obligatoire mais non contraignant du CSFE a été remplacé par un rôle facultatif .

Il faut souligner que ce rôle pouvait s'exercer dans des domaines plus étendus, comme à l'occasion des négociations des traités et conventions internationales portant sur la situation des Français à l'étranger.

C'est en 1990 que la compétence du CSFE est pour la première fois définie par la loi . Il est « l'assemblée représentative des Français établis hors de France ».

Mais dans le même article, son avis n'est plus systématique, comme au temps de la désignation des membres élus par le ministre . Il « peut » être saisi. En parallèle, comme en compensation, le CSFE acquiert une compétence d'initiative et peut s'exprimer sur tout sujet qui concerne les Français établis hors de France.

En réalité, la véritable nouveauté du texte est que le gouvernement n'est plus tenu de consulter le CSFE sur tous les textes qui concernent les Français établis hors de France.

Cette assemblée représentative élue mais non délibérante, de plus en plus présente mais facultative, politique mais ignorée, ne peut plus se satisfaire de ce déficit de compétence.

III - LA MISSION DES ÉLUS DES FRANÇAIS DE L'ÉTRANGER

Autre fondement à renforcer pour bâtir une représentation solide : il nous faut affirmer que les élus ont le monopole de la représentation, à l'exclusion de toutes les associations, fussent-elles d'utilité publique, mais aussi du réseau diplomatique et consulaire.

Les conseillers à l'Assemblée des Français de l'étranger regrettent de ne pas avoir un statut suffisamment défini pour pouvoir asseoir leur légitimité face aux autorités consulaires. À défaut, l'accomplissement de leur mission est tributaire des relations personnelles entretenues avec le chef du poste diplomatique et consulaire.

Ainsi en est-il du traitement réservé aux élus lors des visites officielles, ou de la collaboration effectivement développée avec les postes par exemple lors de négociation de conventions intéressant directement nos ressortissants.

Le réseau français à l'étranger est le deuxième au monde : 160 ambassades, 21 représentations multilatérales et 98 postes consulaires.

Cette administration ne peut pas être plus déconcentrée. À ses côtés, en complément, mais aussi face à elle, en contrepoids, il faut des élus forts.

L'élu devrait être l'interlocuteur compétent de l'administration consulaire. Il devrait être incontournable. Or il n'est que toléré. La plupart du temps, les concessions qui lui sont faites sont présentées comme des faveurs.

Or, on continue de confondre l'AFE et l'UFE ou l'ADFE, en conférant souvent à ces associations une fonction représentative qu'on refuse la plupart du temps aux élus. Malgré l'ancienneté de ces associations et pour utiles qu'elles soient, leur fonction légale n'est pas la représentation de nos ressortissants à l'étranger. Rappelons que l'appartenance à une association est soumise à l'acquittement d'une cotisation. Un maire peut-il être associé à un collectif de riverains ?

Quant aux consulats, il faut également bien circonscrire leur mission : ils gèrent et administrent les communautés françaises à l'étranger. Or, on peut lire sur les circulaires comme sur les sites Internet, que le consul « représente la communauté française ».

C'est dire que le préfet représente les administrés d'un département... Or c'est bien l'État qu'il représente.

Les postes consulaires et diplomatiques sont chargés d'administrer la communauté française. Les élus représentent cette même communauté.

Nous souhaitons que le rôle essentiel de l'élu de proximité soit défini par la loi. Nous proposons que la fonction représentative des conseillers élus de l'Assemblée des Français de l'étranger dans leur circonscription y soit inscrite.

IV - UNE ASSEMBLÉE COMPOSÉE EXCLUSIVEMENT DE MEMBRES ÉLUS

Enfin, la dernière incohérence institutionnelle : la désignation de personnalités qualifiées.

Si dans les premiers temps du CSFE, une telle qualification devait être motivée par des compétences ou des fonctions spécifiques, très rapidement ces désignations sont devenues des moyens de récompenser des personnes dont la connaissance de la France à l'étranger était loin d'être avérée. Plus encore, certains candidats malheureux aux élections ont trouvé là le moyen de siéger à l'Assemblée, malgré la désapprobation des électeurs. De cinq au départ, leur nombre a atteint vingt-et-un avec la nomination d'un représentant des Français résidant en Andorre.

L'Assemblée des Français de l'étranger a déjà eu l'occasion de se saisir de cette question. En 2000 a été créée la Commission temporaire de la réforme de ce qui était encore le CSFE, dont j'ai eu l'honneur d'être le rapporteur. En décembre 2003, je déposais une proposition de loi pour tirer les conséquences législatives des propositions de la Commission. Un article concernait particulièrement la désignation de membres dans l'assemblée réformée.

Par consensus, les anciens « membres désignés » sont devenus des « personnalités qualifiées », nommées en raison des fonctions qu'elles occupent au sein d'organismes français importants à l'étranger. De vingt, leur nombre est passé à douze. Il s'agissait, comme cela a été souligné, d'une logique de « démocratisation », pour rapprocher la composition de l'assemblée de celle d'un exécutif local.

Il nous semble désormais qu'il est temps de poursuivre la logique jusqu'au bout. Il ne s'agit pas de remettre en cause ni les compétences des personnalités désignées à l'AFE, ni l'importance des organismes français à l'étranger ainsi représentés.

Mais il est temps de rompre avec la représentation des organismes français à l'étranger, comme elle était organisée en 1948.

En revanche, elles pourraient être invitées à participer aux travaux de l'AFE, en étant auditionnées en commission ou en assemblée plénière.

Une assemblée d'élus doit être composée d'élus.

***

La présente proposition de loi tend à ce que d'une part les membres élus de l'AFE procèdent après chaque renouvellement partiel à l'élection de leur président, au scrutin majoritaire uninominal à deux tours.

D'autre part, elle rétablit l'avis obligatoire de l'assemblée représentative des Français de l'étranger sur les textes législatifs et règlementaires intéressant directement les Français établis hors de France.

Elle réaffirme que les membres élus de l'Assemblée représentent, dans leur circonscription électorale, les ressortissants français qui y résident.

Enfin, la présente proposition de loi supprime les dispositions de la loi n° 82-471 relatives à la nomination de personnalités qualifiées à l'Assemblée des Français de l'étranger.

PROPOSITION DE LOI

Article 1 er

L'article I er A de la loi n° 82-471 du 7 juin 1982 relative à l'Assemblée des Français de l'étranger est ainsi modifié :

I. - Le premier paragraphe est ainsi modifié :

1° La deuxième phrase est supprimée ;

2° A la troisième phrase, les mots : « chargée de donner au Gouvernement des avis » sont remplacés par les mots : « saisie pour avis par le Gouvernement, en temps utiles, » ;

II. - A la première phrase du deuxième paragraphe, les mots : « peut être », sont remplacés par le mot : « est ».

Article 2

L'article I er de la loi n° 82-471 du 7 juin 1982 relative à l'Assemblée des Français de l'étranger est ainsi modifié :

I. - Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé : « Le Président de l'Assemblée des Français de l'étranger est élu en son sein, au scrutin uninominal majoritaire à deux tours, par les membres élus de l'assemblée, pour une durée de trois ans.

II. - Au deuxième alinéa, le mot « Elle » est remplacé par les mots « L'Assemblée des Français de l'étranger ».

III. - Le quatrième alinéa est supprimé.

Article 3

L'article I er bis de la loi n° 82-471 du 7 juin 1982 relative à l'Assemblée des Français de l'étranger est ainsi rédigé :

« Art. I er bis. - Les membres élus de l'assemblée représentent dans leur circonscription électorale les ressortissants français qui y résident.

« Ils collaborent avec les ambassadeurs et chefs de postes consulaires pour toute question intéressant directement la communauté française.

« Ils sont membres de droit des organismes consulaires compétents en matière d'emploi et de formation professionnelle, en matière de protection et d'action sociale et en matière de bourses.

« Ils représentent la communauté française lors des manifestations organisées à l'occasion des visites officielles du Président de la République ou des membres du Gouvernement français ainsi que des missions d'information des délégations parlementaires.

« La mise en oeuvre de ces prérogatives est déterminée par décret, après avis de l'Assemblée des Français de l'étranger. »

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