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N° 323
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2010-2011
Enregistré à la Présidence du Sénat le 25 février 2011 |
PROPOSITION DE LOI
visant à améliorer et sécuriser l'exercice du droit de préemption ,
PRÉSENTÉE
Par MM. Hervé MAUREY, Yves DÉTRAIGNE, Pierre JARLIER, Dominique BRAYE, Jean-Claude MERCERON, Daniel DUBOIS, Jean-Paul AMOUDRY, Mmes Valérie LÉTARD, Françoise FÉRAT, Gisèle GAUTIER, MM. François TRUCY, Jean-François MAYET, Rémy POINTEREAU, Joël BOURDIN, François PILLET, Marcel-Pierre CLÉACH, Bruno GILLES et Alain CHATILLON,
Sénateurs
(Envoyée à la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Comme le relevait le Conseil d'État en 2007, dans une étude consacrée au droit de préemption, celui-ci constitue aujourd'hui un outil utile, en complément de la procédure d'expropriation, pour les collectivités qui souhaitent mener à bien des projets d'aménagement. Toutefois, son utilisation a également généré un important contentieux et gagnerait à être améliorée sur un certain nombre de points. La présente proposition de loi ne vise pas à bouleverser le droit applicable en la matière, mais à l'améliorer en poursuivant un double objectif : apporter des garanties aux propriétaires et assurer un exercice efficace de ce droit par les collectivités et les opérateurs fonciers.
L'article 1 er vise à donner au titulaire du droit de préemption des éléments pour apprécier la consistance et l'état du bien faisant l'objet d'une déclaration d'intention d'aliéner (DIA), afin de lui permettre notamment de tenir compte d'éventuels travaux de dépollution et de remise en état qu'impliquerait l'acquisition de certains biens. Pour cela, il modifie l'article L. 213-2 du code de l'urbanisme en précisant que le propriétaire transmet ces éléments à la demande du titulaire du droit de préemption.
En outre, ce même article améliore la publicité des décisions de préemption en précisant qu'elles sont notifiées non seulement au propriétaire, mais aussi au notaire et, le cas échéant, à la personne qui avait l'intention d'acquérir le bien mentionnée dans la déclaration d'intention d'aliéner.
L'article 2 prévoit que, si le titulaire du droit de préemption a saisi le juge en vue d'une fixation du prix, il ne peut renoncer ultérieurement à l'exercice de son droit que si le prix fixé par le juge est supérieur de 10 % à l'estimation des Domaines.
L'article 3 précise que le transfert de propriété du bien préempté a lieu à la date où sont intervenus le paiement et l'acte authentique et ramène le délai de paiement à quatre mois. En effet, le Conseil d'État a critiqué, dans son rapport précité, le décalage dans le temps entre le transfert de propriété, effectif dès l'accord sur le prix, d'une part, et la signature de l'acte authentique et le paiement, d'autre part. Le défaut de paiement dans ce délai de six mois entraînait ainsi non pas l'empêchement de la vente, mais l'obligation de rétrocéder le bien.
L'article 4 modifie l'article L. 213-8 du code de l'urbanisme afin de faciliter la vente du bien par le propriétaire après renonciation de la collectivité. Cette vente pourra se faire à un prix révisé en fonction des variations du coût de la construction constatées par l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), alors que cette possibilité de révision n'existe pas aujourd'hui. En contrepartie, il est prévu que, si le propriétaire n'a pas réalisé la vente de son bien dans le délai de cinq ans à compter de la renonciation au droit de préemption, il doit déposer une nouvelle DIA.
L'article 5 prévoit que le bien préempté peut être affecté à un autre usage que celui mentionné dans la DIA, à condition qu'il soit visé à l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme. Il prévoit un droit de rétrocession au propriétaire dans un délai de cinq ans si le titulaire n'a pas été en mesure d'utiliser ou d'aliéner le bien à un usage visé à l'article L. 210-1.
L'article 6 crée, au profit de l'ancien propriétaire ou de l'acquéreur évincé, un droit de rétrocession en cas d'annulation ou de déclaration d'illégalité de la décision de préempter. Il prévoit que le prix proposé ne peut être supérieur à celui acquitté lors de la cession et, qu'à défaut d'accord amiable, le juge fixe le prix en prenant en compte le préjudice direct et matériel causé par la décision de préemption.
L'article 7 ouvre une action en dommages et intérêts au profit de l'ancien propriétaire ou de l'acquéreur évincé même en cas de renonciation à la rétrocession.
PROPOSITION DE LOI
Article 1 er
L'article L. 213-2 du code de l'urbanisme est ainsi modifié :
1° La deuxième phrase du premier alinéa est remplacée par trois phrases ainsi rédigées :
« Cette déclaration comporte obligatoirement l'indication du prix et des conditions de l'aliénation projetée ou, en cas d'adjudication, l'estimation du bien ou sa mise à prix. Le propriétaire transmet également, à la demande du titulaire du droit de préemption, les éléments, fixés par décret, permettant d'apprécier la consistance et l'état de l'immeuble. Dans ce cas, le délai visé au troisième alinéa est suspendu à compter de la notification de la demande au propriétaire, jusqu'à réception de ces éléments par le titulaire ».
2° Après le troisième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu'il envisage d'acquérir le bien, le titulaire du droit de préemption transmet sans délai copie de la déclaration d'intention d'aliéner au responsable départemental des services fiscaux. La décision dudit titulaire est notifiée au vendeur, au notaire et, le cas échéant, à la personne qui avait l'intention d'acquérir le bien mentionnée dans la déclaration d'intention d'aliéner. Le notaire la transmet aux fermiers, locataires, titulaires de droits d'emphytéose, d'habitation ou d'usage et aux personnes bénéficiaires de servitudes mentionnés dans la déclaration d'intention d'aliéner ».
Article 2
Le premier alinéa de l'article L. 213-7 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Toutefois, s'il a saisi le juge de l'expropriation, il ne peut renoncer à l'exercice de son droit que si le prix fixé par le juge est supérieur de 10 % à l'estimation des services fiscaux. »
Article 3
Après l'article L. 213-7 du même code, il est inséré un article L. 213-7-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 213-7-1. - Le transfert de propriété intervient à la date à laquelle sont intervenus le paiement et l'acte authentique. Le prix d'acquisition est payé ou, en cas d'obstacle au paiement, consigné dans les quatre mois qui suivent soit la décision d'acquérir le bien au prix indiqué par le vendeur ou accepté par lui, soit la décision définitive de la juridiction compétente en matière d'expropriation, soit la date de l'acte ou du jugement d'adjudication. En cas de non-respect du délai prévu au deuxième alinéa, la vente est annulée à la demande du vendeur. Celui-ci peut alors aliéner librement son bien. »
Article 4
Le premier alinéa de l'article L. 213-8 du même code est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Si le titulaire du droit de préemption a renoncé à l'acquisition, le propriétaire peut réaliser la vente de son bien au prix indiqué dans sa déclaration révisé, s'il y a lieu, en fonction des variations du coût de la construction constatées par l'Institut national de la statistique et des études économiques depuis la date de cette déclaration.
« Si le propriétaire n'a pas réalisé la vente de son bien sous forme authentique dans le délai de cinq ans à compter de la renonciation au droit de préemption, il doit déposer une nouvelle déclaration préalable mentionnée à l'article L. 213-2. »
Article 5
L'article L. 213-11 du même code est ainsi modifié :
1° La première phrase du premier alinéa est ainsi rédigée :
« Les biens acquis par l'exercice du droit de préemption doivent être utilisés ou aliénés à un usage visé à l'article L. 210-1 qui peut être différent de celui mentionné dans la décision de préemption ».
2° Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« Si le titulaire du droit de préemption n'est plus en mesure d'affecter à un usage visé à l'article L. 210-1 un bien acquis par l'exercice de ce droit depuis moins de cinq ans, il en informe les anciens propriétaires ou leurs ayants droit à titre universel et leur en propose la rétrocession ».
Article 6
Après l'article L. 213-11 du même code, il est inséré un article L. 213-11-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 213-11-1. - Lorsque, après que le transfert de propriété a été effectué, la décision de préemption est annulée ou déclarée illégale par la juridiction administrative, le titulaire du droit de préemption propose la rétrocession du bien à l'ancien propriétaire.
« Le prix proposé pour la rétrocession ne peut être supérieur au prix acquitté lors de la cession. A défaut d'accord amiable, l'ancien propriétaire peut saisir le juge de l'expropriation aux fins de fixer un prix qui prend en copte le préjudice direct et matériel causé par la décision de préemption.
« À défaut de réponse de l'ancien propriétaire dans un délai de trois mois à compter de la notification de la proposition de rétrocession, celui-ci est réputé avoir renoncé à la rétrocession.
« Lorsque la rétrocession du bien à l'ancien propriétaire est impossible, le titulaire du droit de préemption en propose la rétrocession aux ayants droits de l'ancien propriétaire ou à la personne qui avait l'intention d'acquérir le bien. »
Article 7
L'article L. 213-12 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 213-12. - En cas de non-respect des obligations définies au deuxième alinéa de l'article L. 213-11 ou au premier alinéa de l'article L. 213-1-1, les anciens propriétaires ou leurs ayants cause universels ou à titre universel peuvent saisir le tribunal de l'ordre judiciaire d'une action en dommages-intérêts contre le titulaire du droit de préemption.
« En cas de non-respect des obligations définies au cinquième alinéa de l'article L. 213-11 ou au dernier alinéa de l'article L. 213-11-1, la personne qui avait l'intention d'acquérir ce bien peut saisir le tribunal de l'ordre judiciaire d'une action en dommages-intérêts contre le titulaire du droit de préemption.
« Dans les cas prévus aux articles L. 213-11 et L. 213-11-1, la renonciation à la rétrocession n'interdit pas de saisir le tribunal de l'ordre judiciaire d'une action en dommages-intérêts contre le titulaire du droit de préemption.
« L'action en dommages-intérêts visée au présent article se prescrit par cinq ans :
« a) Dans le cas prévu à l'article L. 213-11, à compter de la mention de l'affectation ou de l'aliénation du bien au registre mentionné à l'article L. 213-13 ;
« b) Dans le cas prévu à l'article L. 213-11-1, à compter de la décision de la juridiction administrative. »