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N° 515
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2009-2010
Enregistré à la Présidence du Sénat le 1 er juin 2010 |
PROPOSITION DE LOI
visant à modifier l'article 199 terdecies-0 A du code général des impôts en vue de favoriser la création et le développement des petites entreprises communautaires ,
PRÉSENTÉE
Par M. Philippe ADNOT,
Sénateur
(Envoyée à la commission des finances, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Le redressement de notre pays, pour être envisagé avec lucidité et efficacité, doit s'appuyer sur plusieurs constats :
- L'emploi marchand français devrait être de 25 millions de personnes à l'instar du niveau d'emploi de nos voisins anglais ou allemands. Il est pourtant de 18 millions seulement. Cet écart de 7 millions d'emplois marchands manquants rend impossible, à quelque gouvernement que ce soit, la mission d'équilibrer le budget et de couvrir les retraites, avec une base contributive aussi faible.
- Réduire la dépense publique ne peut, à soi seul, suffire car, pour un effet significatif, il faudrait diminuer de 40 % le nombre des fonctionnaires, pour passer d'environ 25 % de la population active fonctionnarisée à 15 %, moyenne européenne. Or, ce levier ne peut être actionné tant que le chômage est aussi élevé.
- La seule issue possible est de créer massivement des emplois, ce que ne peuvent faire les seules auto-entreprises (naissant avec zéro salarié). Ces créations d'emplois sont le fait des entreprises créées avec salariés où notre retard est dévastateur et ceci depuis longtemps : environ 40 000 sont créées par an, avec au moins un salarié, contre environ 110 000 en Allemagne, 180 000 en Grande-Bretagne et 600 000 aux États-Unis.
- Cette carence est imputable au « trou de financement » (« equity gap ») qui apparaît dès qu'une entreprise qui débute recherche plus de 50 000 ou 100 000 euros pour couvrir ses années de démarrage. 95 % des entreprises qui ont un potentiel de développement allant au-delà de l'objectif d'employer leur créateur, ont des besoins en fonds propres situés entre 100 000 et 1,5 millions d'euros, mais les fonds investissent peu sur ce segment 1 ( * ) , où seuls les individus aisés, les Investisseurs Providentiels ou « Business Angels » (BA) peuvent être efficaces.
Aux États-Unis, le comblement du trou de démarrage n'a été réussi qu'en multipliant les BA, à travers le Small Business Investment Act de 1958, et, en Grande-Bretagne à travers l' Enterprise Investment Scheme (EIS) qui visent essentiellement les gros BA, c'est-à-dire ceux qui investissent plus de 100 000 $ ou £.
Il est, en effet, essentiel que l'entreprenant qui veut créer une entreprise puisse trouver ses 500 000 euros avec 2 ou 3 actionnaires, sans passer par l'épreuve marathon consistant à en réunir 20 ou 50.
- Tous les pays ont compris que l'on ne pouvait pas diriger l'épargne vers les jeunes entreprises sans de puissantes incitations fiscales.
La France en a développé plusieurs, notamment l'ISF-TEPA et l'Avantage Madelin (article 199 terdecies -0 A) mais avec des plafonds trop réduits (66 666 pour l'un, 40 000 pour l'autre jusqu'en 2008), de sorte que ces dispositifs ne font émerger aucun gros BA. Par ailleurs, ces mesures servent, de préférence, à financer les PME plus grosses, jusqu'à 250 salariés, déjà bien établies et donc moins risquées, plutôt que les entreprises en amorçage qui n'ont pas encore prouvé leur modèle. Au total, on peut évaluer à 4 % de l'ensemble des fonds générés par l'ISF-TEPA et le 199 terdecies -0 A, les investissements directs de plus de 100 000 euros dans des Petites Entreprises Communautaires qui conditionnent la création de nos « gazelles » (entreprises de croissance).
- Les Anglais ont mieux encouragé l'amorçage : ils sont parvenus avec l'EIS à mobiliser autant d'argent que le « Madelin » tout en limitant les entreprises bénéficiaires aux Petites Entreprises Communautaires (PEC) avec un dispositif similaire (crédit d'IR de 20 % de l'investissement) mais avec un plafond de 1 million de £ pour un ménage. L'investissement médian était de 150 000£ en 2008.
- Nous devrions inciter nos « riches » à investir davantage dans les créations d'entreprises et moins dans les DOM-TOM (coût fiscal 1,2 milliard), les économies d'énergie (la niche « chaudière » : 2,4 milliards). Nous devrions les inciter à investir directement dans des PEC plus que dans les PME.
- Nous avons assez d'investisseurs potentiels en France. Une enquête de Capgemini (« State of the World Wealth »), recoupant des comparaisons faites en 2005 à partir des chiffres de l'ISF, montre que nous avions en 2008 346 000 « riches » avec une fortune supérieure à 1 million d'euros contre 362 000 en Grande-Bretagne et 2 460 000 aux États-Unis (ce qui est conforme à leur PIB). Nous avons environ 10 000 contribuables dont le revenu annuel dépasse le million d'euros, contre 14 000 gagnant plus d'un million de £ en Grande-Bretagne.
La proposition :
Une politique de reconstruction de notre économie doit s'appuyer sur la mobilisation vers la création d'entreprise de tous les contribuables capables de mettre individuellement plus de 100 000 euros dans une même entreprise, les « Gros Business Angels ».
Le présent texte propose de quadrupler le plafond de l'Avantage Madelin en le portant à 200 000 euros pour un individu (400 000 pour un couple). Ceci rend l'investissement aussi attractif qu'une détaxation à 50 % mais avec une réduction de moitié du coût fiscal au départ.
L'avantage fiscal nécessaire pour créer cette mobilisation doit être contrebalancé par une réelle prise de risque pour l'investisseur et ne serait accordé qu'aux investissements directs, effectués dans des PEC âgées de moins de 5 ans et dont certaines activités sans risque ou peu risquées seraient explicitement exclues.
Ce texte propose également de renforcer l'efficacité des FCPI et des holdings bénéficiant de l'avantage fiscal déjà existant en les recentrant sur les PEC de moins de 5 ans et en excluant les activités peu ou pas risquées.
Les FIP ne sont pas inclus car ils sont trop récents, plus proches du tissu local et mieux ancrés dans l'économie réelle. Ils aident souvent à faire démarrer des entreprises fondées sur des projets innovants mais non nécessairement technologiques où la France a pris beaucoup de retard.
Ce projet devrait être à coût nul ou même positif pour le Trésor, l'accroissement du coût fiscal vers les gros Business Angels étant largement compensé par les réductions de coût fiscal obtenues en recentrant et rendant plus efficace l'intervention des FCPI et des holdings. Ce transfert devrait permettre de plus que doubler les investissements en amorçage en les augmentant d'environ 280 millions.
PROPOSITION DE LOI
Article 1 er
L'article 199 terdecies -0 A du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le b du 3° du I est complété par les mots : « et qui satisfont les critères du II quater ».
2° Après le paragraphe II ter , il est inséré un paragraphe II quater ainsi rédigé :
« II quater . - Les limites mentionnées au premier alinéa du II sont portées respectivement à 200 000 € pour les contribuables célibataires, veufs ou divorcés et à 400 000 € pour les contribuables mariés soumis à imposition commune pour les souscriptions, ouvrant droit à la réduction d'impôt mentionnée au I au capital initial ou aux augmentations de capital des sociétés, vérifiant les conditions mentionnées au 2° du I, aux 2° et 3° du II de l'article 239 bis AB, aux f et g du 1 du I de l'article 885-0 V bis . Sont exclues du bénéfice de ces déductions les activités de location ou crédit-bail mobilier ou immobilier, les activités d'extraction de pétrole, les activités de production d'énergie avec revente à un prix garanti, les activités de perception ou de gestion de revenus passifs, les activités de fourniture de services juridiques ou comptables, toute activité dans tout domaine lié à la forêt et à la gestion de propriétés hôtelières, de résidence de tourisme ou de maisons de retraite. »
3° Le VI est complété par un 4 ainsi rédigé :
« 4° La réduction d'impôt visée au 1 est limitée aux souscriptions en numéraire aux entreprises qui satisfont les critères du II quater. ».
Article 2
La première année de mise en application du dispositif introduit par l'article 1 er , la perte éventuelle de recettes pour l'État, est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
* 1 Les fonds, qu'ils regroupent l'épargne de dizaines, centaines ou milliers de participants, qu'ils soient des holdings ou des fonds de capital-risque, ont souvent besoin d'investir au moins un million d'euros par projet - en une ou plusieurs fois- car, en-dessous de ces montants, l'investissement est le plus souvent peu rentable et trop risqué comme l'ont découvert à leurs dépens les premiers FCPI.