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N° 339
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2009-2010
Enregistré à la Présidence du Sénat le 26 février 2010 |
PROPOSITION DE LOI
tendant à supprimer l' interdiction de propagande pour les élections des conseillers à l' Assemblée des Français de l' étranger ,
PRÉSENTÉE
Par M. Robert del PICCHIA,
Sénateur
(Envoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La propagande électorale à l'étranger est interdite.
Ce principe général a été instauré en 1982 avec l'instauration du suffrage universel direct pour les élections des conseillers des Français établis hors de France.
Il n'a pas de fondement en droit international. La lecture des débats lors de l'examen de la loi du 7 juin 1982 au Parlement confirme qu'il s'agit bien d'une sorte de compromis, instauré pour rassurer le monde diplomatique d'une part, et les autorités politiques françaises d'autre part.
En effet, il n'était pas envisageable pour le Quai d'Orsay que des élections locales puissent avoir une résonnance au-delà des communautés françaises. L'unité de l'image de la France ou la crainte que des propos trop polémiques n'entachent les relations diplomatiques avec le pays de résidence, ont conduit à interdire toute parole publique lors des élections françaises à l'étranger.
D'autre part, les autorités françaises ne voulaient pas que l'application d'un principe de réciprocité autorise les communautés étrangères en France à organiser des scrutins étrangers sur le territoire national.
Or, on sait que les média français se font régulièrement l'écho d'élections organisées en France pour des ressortissants étrangers (italiens et algériens par exemple) - bien plus que pour les élections françaises à l'étranger d'ailleurs. Cela ne crée pas de problème.
On sait également que ce principe n'est plus également respecté. Ainsi, certains se souviennent des discours prononcés en territoire étranger par des candidats à l'élection présidentielle. Il faut également savoir que le Conseil d'État n'a annulé que deux scrutins à l'étranger en raison d'une violation de l'interdiction de propagande, alors que c'est le moyen invoqué le plus fréquemment pour demander l'annulation d'un scrutin. Si la valeur d'une règle s'évalue en fonction de la sanction de sa violation, le principe d'interdiction n'est plus qu'indicatif...
Enfin, il faut encore noter que ce principe d'interdiction n'a plus rien de général. C'est devenu l'exception en matière électorale.
Ainsi, s'agissant des élections à l'Assemblée des Français de l'étranger, il ne s'applique plus que pour les élections organisées hors de l'Union européenne. En effet, le droit européen résultant des traités sur la Communauté européenne et sur l'Union européenne consacre la liberté d'expression politique dans les États de l'Union. Cette liberté d'expression a également été consacrée par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, avec l'arrêt Piermont contre la France, du 20 mars 1995. La loi n° 2005-822 du 20 juillet 2005 en a tiré les conséquences et modifié l'article 5 de la loi n° 82-471 du 7 juin 1982 relative à l'Assemblée des français de l'étranger.
Cette limitation du droit d'expression politique de 79 élus des zones Afrique et Amérique pourrait soulever quelques questions sur le plan juridique : ces élections sont un droit politique français, organisé et protégé par le droit français, lequel est soumis au droit européen. On peut donc se demander si des élections françaises, même si elles sont organisées en dehors de l'UE, peuvent ne pas respecter la liberté d'expression politique garantie par la Convention européenne des Droits de l'Homme, lesquels doivent être offerts à tous les ressortissants français, sans considération de leur lieu de résidence. La question de la constitutionnalité, ou du moins de la conventionalité, de cette disposition parait pour le moins se poser.
Le fait qu'un État étranger puisse éventuellement refuser cette liberté d'expression à nos ressortissants ne devrait pas avoir pour conséquence que toute propagande soit interdite, par la France, et a priori. La propagande devrait être autorisée par principe, sauf si ce droit est en conflit avec celui du pays de résidence.
S'agissant des prochaines élections législatives, l'article L. 330-6 du code électoral ne reprend pas l'interdiction de la propagande de la loi de 1982 pour les conseillers à l'AFE. Il n'est naturellement pas envisageable que des députés ne puissent pas faire campagne, ni même qu'ils soient élus avec les taux de participation très bas observés pour les élections à l'AFE.
Le Gouvernement a donc choisi d'autoriser la propagande à l'étranger pour les élections législatives.
Dès lors, si le principe devient l'exception, deux questions se posent : y a-t-il encore une raison au maintien de l'interdiction, et comment pourrait- elle être mise en oeuvre ?
Il faut en effet savoir que les élections des conseillers à l'Assemblée des Français de l'étranger pourraient être concomitantes des élections législatives. Ainsi, présent à une même manifestation, un candidat aura le droit de s'exprimer, et l'autre l'interdiction de le faire ?
Le bon sens même suffit, hors toute argumentation juridique : il faut harmoniser la législation des campagnes électorales à l'étranger.
La présente proposition de loi supprime l'interdiction de propagande pour les élections des conseillers à l'Assemblée des Français de l'étranger.
L'article unique prévoit que les dispositions relatives aux campagnes lors des élections législatives à l'étranger sont applicables aux élections des conseillers à l'Assemblée des Français de l'étranger.
PROPOSITION DE LOI
Article unique
L'article 5 de la loi n° 82-471 du 7 juin 1982 relative à l'Assemblée des Français de l'étranger est ainsi rédigé :
« Art. 5. - Les dispositions spécifiques aux députés élus par les Français établis hors de France de l'article L. 330-6 du code électoral sont applicables aux élections des membres de l'Assemblée des Français de l'étranger. »