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N° 566
SÉNAT
SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2008-2009
Enregistré à la Présidence du Sénat le 20 juillet 2009 |
PROPOSITION DE LOI
portant création d'une Fondation pour la Légion étrangère ,
PRÉSENTÉE
Par Mme Joëlle GARRIAUD-MAYLAM,
Sénateur
(Envoyée à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Depuis sa création en 1831, la Légion étrangère joue un rôle actif et indispensable dans la mise en oeuvre de la politique étrangère française. Véritable troupe d'élite et de référence tant au niveau national qu'international, elle opère quasiment sur tous les théâtres d'opérations extérieures, souvent les plus délicats et meurtriers. Les légionnaires font indéniablement la force et la fierté de la France. Pour corroborer cette réalité, il suffit de reprendre les propos de Georges BLOND, journaliste et écrivain français : « La Légion étrangère fut à travers cent trente ans de guerre la troupe peut-être la plus efficace du monde, et elle le demeure. Son histoire est une aventure à nulle autre pareille ».
La Légion étrangère, c'est aujourd'hui 8 000 hommes venus des quatre coins du monde pour servir et défendre les intérêts de la France. Empreinte d'une identité spécifique marquée par des traditions très fortes, la Légion étrangère adhère à des valeurs dont la solidarité, l'entraide, l'abnégation et la fidélité sont parmi les plus importantes. La promotion de ces valeurs est notamment du ressort du Foyer d'entraide de la Légion étrangère (FELE), établissement créé en 1965 et mis à la disposition des légionnaires en activité ou rendus à la vie civile, et de leurs familles.
Les missions assignées au FELE poursuivent trois objectifs principaux :
- d'une part, répondre aux attentes des légionnaires, notamment du fait de leur statut d'étrangers ;
- d'autre part, orienter la solidarité, l'entraide et l'intégration des légionnaires, en fonction des besoins des régiments dans ce domaine ;
- enfin, apporter des soutiens financiers et une assistance administrative aux légionnaires en activité ou rendus à la vie civile. Les activités du FELE s'écartent ainsi du cadre traditionnel des cercles et foyers militaires de droit commun.
Or, force est de constater que le statut juridique actuel du FELE, établissement public administratif régi par les dispositions applicables aux cercles et foyers militaires, n'est aucunement adapté aux réalités et spécificités de ses missions. Ce statut ne permet pas au FELE de poursuivre efficacement son but de solidarité et d'entraide ce qui peut, à terme, constituer une menace pour l'institution. C'est la raison pour laquelle la Légion étrangère s'est engagée depuis 2000 dans la voie d'une réforme du statut du FELE, sans pour autant parvenir à un résultat probant, du fait de divers obstacles.
Parmi les nombreux régimes juridiques susceptibles de permettre au FELE de remplir ses missions, trois types de statuts ont été envisagés : le statut applicable aux associations régies par la loi 1901, le statut d'établissement public administratif et le statut des fondations. Le recours à une base associative semble peu opportun puisqu'il impliquerait d'octroyer à des personnes différentes tout ou partie de la maîtrise du FELE, initialement dévolue au commandement de la Légion étrangère. La formule associative n'est ainsi adaptée ni à la réalité du FELE aujourd'hui, ni à ses perspectives d'avenir. L'éventualité d'un établissement public administratif à statut particulier a montré ses limites et constitution d'une fondation semble répondre aux principaux objectifs assignés à la réforme par le commandement de la Légion étrangère : la pérennité des missions du FELE, le maintien des liens entre le FELE et le commandement de la Légion étrangère et la nécessité de doter le FELE des moyens humains et financiers nécessaires à son bon fonctionnement.
Il serait également opportun d'étudier la possibilité de créer un fonds de dotation tel qu'envisagé à l'article 140 de la loi de modernisation de l'économie mais le terme même de fonds de dotation peut être trop réducteur dans la mesure où il semblerait avoir pour seul but de collecter des fonds.
Le droit applicable aux fondations découle des dispositions de la loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat. En vertu de l'article 18 de cette loi, une fondation s'entend comme « l'acte par lequel une ou plusieurs personnes physiques ou morales décident l'affectation irrévocable de biens, droits ou ressources à la réalisation d'une oeuvre d'intérêt général à but non lucratif ». Une fondation a une vocation perpétuelle à exister tant que les missions qui lui ont été conférées ont une portée et un sens. En application de ces dispositions, nul ne peut nier la cohérence de l'objet et des missions du FELE avec une éventuelle transformation en fondation, principalement pour les raisons suivantes :
- tout d'abord, la forme juridique d'une fondation assure la stabilité et la pérennité de l'institution autour d'un capital lui conférant une très grande autonomie ;
- ensuite, la fondation constitue un statut plus favorable aux dons et legs, les donateurs bénéficiant d'un régime fiscal plus avantageux, tel que prescrit par la loi n° 2003-709 du 1 er août 2003 relative au mécénat, aux associations et aux fondations. Les donateurs sont également plus disposés à effectuer des dons à une personne morale de droit privé qu'à une personne morale de droit public fortement dépendante de l'État ;
- enfin, le recours à une loi, indispensable à la constitution d'une fondation, permettrait de prévoir la composition d'un conseil d'administration conférant, sur la durée, au commandement de la Légion étrangère une réelle maîtrise de la personne morale nouvellement constituée.
Concernant les ressources financières de la fondation, il serait envisageable de recourir à des dons, legs et subventions tant privés que publics. Ces fonds propres pourraient également être abondés grâce à une fraction du produit des successions appréhendées par l'État à titre de déshérence à l'image de ce qui a pu être réalisé au profit de la Fondation du Patrimoine (cf. art. 13 de la loi de finances pour 2003 n° 2002-1575 du 30 décembre 2002).
Tel est l'objet de la présente proposition de loi qu'il vous est demandé d'adopter.
PROPOSITION DE LOI
Article 1 er
Il est créé une « Fondation pour la Légion étrangère », personne morale de droit privé à but non lucratif soumise aux règles relatives aux fondations reconnues d'utilité publique dans les conditions fixées par la loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat, sous réserve des dispositions de la présente loi.
Article 2
La « Fondation pour la Légion étrangère » constitue l'outil spécifique de solidarité et d'entraide de la Légion étrangère au bénéfice des légionnaires en activité ou rendus à la vie civile, et de leurs familles.
Elle a pour but de :
- promouvoir l'intégration du légionnaire, tant vis-à-vis de la Légion que de la France, en lui apportant des réponses spécifiques, du fait notamment de son statut d'étranger ;
- permettre au commandement de la Légion étrangère d'orienter la solidarité légionnaire en fonction des besoins des régiments en ce domaine ;
- accueillir et héberger les blessés et les anciens légionnaires ;
- rééduquer les invalides dans des ateliers de réinsertion ;
- réinsérer les légionnaires rendus à la vie civile ;
- apporter un soutien financier à la maison de retraite d'Auriol.
Article 3
La « Fondation pour la Légion étrangère » est administrée par un directoire sous la surveillance d'un conseil.
Le conseil est composé de représentants de l'État, de représentants du corps de la Légion étrangère ainsi que de personnalités qualifiées, dans des conditions définies par un décret en Conseil d'État. Les membres du conseil élisent leur président.
Article 4
La « Fondation pour la Légion étrangère » est constituée initialement par des apports numéraires ou en nature dont les montants figurent dans les statuts approuvés par un décret en Conseil d'État.
Elle entre en possession des biens immobiliers qui lui sont apportés par le Foyer d'entraide de la Légion étrangère, en pleine propriété ou à titre de droit d'usage ou de jouissance, à la date fixée par ledit décret.
Article 5
Les ressources de la « Fondation pour la Légion étrangère » comprennent les produits de placement de ses fonds, les subventions de l'État et de toute collectivité publique, les dons et legs et, généralement, toutes recettes provenant de son activité, ainsi qu'un prélèvement sur le produit des successions en déshérence dans des conditions fixées par la loi de finances dont le montant est décidé par décret en Conseil d'État.
L'État, les collectivités publiques et les forces armées peuvent également mettre à disposition les personnels et les biens nécessaires à l'accomplissement de son objet. Les services accomplis par les fonctionnaires de l'État mis à la disposition de la « Fondation pour la Légion étrangère » sont pris en compte pour la constitution de leur droit à pension dans les conditions prévues à l'article L. 5 du code des pensions civiles et militaires de retraite.
Article 6
La « Fondation pour la Légion étrangère » peut recevoir, en vue de la réalisation d'une oeuvre d'intérêt général à but non lucratif se rattachant à ces missions, l'affectation irrévocable de biens, droits ou ressources qu'elle gère directement sans que soit créée une personne morale nouvelle. Cette affectation peut être dénommée fondation.
Article 7
Après l'article L. 111-8-3 du code des juridictions financières, il est inséré un article L. 111-8-4 ainsi rédigé :
« La « Fondation pour la Légion Etrangère » est soumise au contrôle de la Cour des comptes ».
Article 8
Les dispositions du code général des impôts relatives aux fondations reconnues d'utilité publique sont applicables à la « Fondation pour la Légion étrangère ».
Article 9
Un décret en Conseil d'État fixe les règles d'organisation et de fonctionnement de la « Fondation pour la Légion étrangère » et en approuve les statuts. La « Fondation pour la Légion étrangère » jouit de la personnalité morale à compter de la date de publication au Journal officiel de ce décret.
Article 10
Les conséquences financières résultant pour l'État de l'application de la présente loi sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575A du code général des impôts.