Disponible au format Acrobat (105 Koctets)
N° 4
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2008-2009
Annexe au procès-verbal de la séance du 7 octobre 2008 |
PROPOSITION DE LOI
tendant à porter de trois mois à un an le délai de prescription pour tout délit de diffamation ou d' injure lorsqu'il est commis par l'intermédiaire d' Internet ,
PRÉSENTÉE
Par M. Jean Louis MASSON,
Sénateur
(Renvoyée à la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Internet modifie en profondeur les méthodes de communication et leur portée. Nous constatons régulièrement que des pratiques abusives mal encadrées par la législation peuvent être à l'origine de dommages sérieux pour des concitoyens.
Ainsi, la gravité de la question de la diffamation par Internet mérite que le législateur s'en saisisse. En démultipliant sa diffusion, en la dispersant sur de multiples supports, la communication par Internet donne un poids énorme aux propos diffamatoires. Mais cette dispersion rend extrêmement difficile la découverte de ces propos par les principaux intéressés : les victimes diffamées.
Il en résulte que, bien souvent, protégée par le délai de prescription très court des délits de presse, applicable aux délits sur Internet, soit trois mois, la diffamation sur Internet peut prospérer sans que ses auteurs ne voient leur responsabilité engagée devant les tribunaux.
Ceux-ci ont pris conscience de cette difficulté. Dans un arrêt du 15 décembre 1995, la Cour d'appel de Paris a jugé que le délai de prescription devait courir à compter de la cessation de la diffusion du message. C'était là une façon d'allonger le délai mais aussi de faire supporter la charge de la preuve au diffuseur.
Cependant, dès 2001, la Cour de cassation s'est opposée à une telle interprétation et a estimé que le point de départ du délai de prescription courait à la date à laquelle le message incriminé avait été mis pour la première fois à la disposition des utilisateurs du réseau (arrêts des 30 janvier, 16 octobre et 27 novembre 2001). Elle a même accentué sa jurisprudence en refusant de considérer que la mise à jour d'un site Internet pouvait rouvrir le délai de prescription (arrêt du 19 septembre 2006).
Lors de l'examen du projet de loi pour la confiance dans l'économie numérique, un amendement voté par le Sénat a repris la jurisprudence de la Cour d'appel de Paris et fixé le point de départ du délai de prescription à la cessation de la mise en ligne du message contesté. Dans sa décision du 10 juin 2004, le Conseil constitutionnel a cependant censuré cette disposition.
Il a considéré que la différence de traitement qu'elle instituait entre presse écrite et communication sur Internet était excessive au regard de l'objectif de lutte contre les délits de presse. Mais le Conseil constitutionnel n'a pas écarté toute possibilité d'aménagement du délai de prescription pour les supports électroniques. Au contraire, il semble en avoir admis le principe dans son quatorzième considérant.
La présente proposition de loi vise à résoudre le problème de la diffamation et des injures sur Internet tout en prenant en compte la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Elle propose de maintenir le point de départ du délai de prescription à la date de la première mise en ligne mais d'allonger sa durée de trois mois à un an.
PROPOSITION DE LOI
Article unique
Le délai de prescription des infractions pour diffamation ou injure prévu par la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881 est porté à un an lorsque ces infractions ont été commises par l'intermédiaire d'un service de communication en ligne.