N° 156
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2006-2007
Annexe au procès-verbal de la séance du 16 janvier 2007 |
PROPOSITION DE LOI
tendant à modifier certaines dispositions relatives au fonctionnement de la collectivité territoriale de Corse,
PRÉSENTÉE
Par M. Nicolas ALFONSI,
Sénateur.
(Renvoyée à la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement).
Corse. |
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La présente proposition de loi a pour objet de modifier le régime électoral applicable à l'élection des membres de l'Assemblée de Corse et d'apporter quelques modifications techniques s'agissant des membres du Conseil Exécutif et de la date d'élection des Présidents de l'Assemblée de Corse et du Conseil Exécutif.
Cette proposition est le fruit de l'expérience et tend à parfaire le fonctionnement de l'institution régionale.
Nous aurions pu élargir cette proposition et apporter des modifications plus substantielles pour améliorer le fonctionnement de la Collectivité Territoriale de Corse.
Nous rappelons que la loi du 13 mai 1991 (Statut Joxe), s'inspirant d'un parlementarisme rationalisé qui n'avait pas lieu d'être, a séparé les fonctions de Président du Conseil Exécutif de celles de Président de l'Assemblée de Corse, créant un bicéphalisme le plus souvent source de confusion.
Ainsi, les conseillers exécutifs, dès leur élection, cessent d'être membres de l'Assemblée de Corse, se bornent à présenter des projets de délibérations aux membres de l'Assemblée, n'interviennent, à l'occasion des réunions que sur les projets relevant de leurs compétences et appauvrissent par leur absence la richesse des débats.
Il est apparu que toute modification institutionnelle tendant à réintroduire au sein de l'Assemblée les membres du Conseil Exécutif pourrait porter atteinte à l'équilibre général et conduirait nécessairement à la suppression d'une présidence.
Cela pourrait donner le sentiment que la présente proposition de loi constituerait une nouvelle réforme institutionnelle non souhaitable. Dès lors, son objet se limite à modifier le mode de scrutin de l'élection des membres de l'Assemblée de Corse et à quelques dispositions techniques.
L'article 1 er modifie le code électoral dans certaines de ses dispositions concernant l'élection des membres de l'Assemblée de Corse.
Ainsi, dans son I il vise à modifier le seuil nécessaire pour qu'une liste puisse se maintenir au second tour en le portant de 5 à 7,5 % des suffrages exprimés au premier tour. D'autre part, il instaure un seuil, aujourd'hui inexistant de 5 % des suffrages exprimés au premier tour pour que des listes puissent fusionner entre les deux tours. Rappelons que le Statut Defferre de 1982 avait prévu, dans l'attente des textes sur la régionalisation, un scrutin régional à la proportionnelle à un tour.
Aucun seuil, sauf le quotient (1,68) n'était prévu pour l'élection des conseillers à l'Assemblée de Corse. Ainsi, des listes qui avaient recueilli des résultats homéopathiques (2 ou 3 %) avaient obtenu un élu à l'Assemblée de Corse. Le Conseil constitutionnel avait jugé cette disposition constitutionnelle dans l'attente de la loi de décentralisation concernant les régions. Par une décision interprétative, il obligeait le mode de scrutin prévu pour la Corse à s'adapter au futur mode de scrutin national.
Traduisant cette décision, le législateur avait modifié le texte du Statut Defferre de 1982 et le mode de scrutin départemental remplaçait le mode de scrutin régional, conformément au droit commun.
En 1991, le Statut Joxe, toujours dans le souci de manifester la volonté des Pouvoirs publics de vouloir représenter l'expression de sensibilités qui n'en étaient pas, avait substitué au droit commun un scrutin régional à la proportionnelle à deux tours, avec l'obligation, pour les listes d'obtenir au moins 5 % au premier tour pour pouvoir être présentes au second tour. Le Conseil constitutionnel avait validé cette proposition.
Aussi, il ne fixait aucun seuil aux listes qui n'avaient pas obtenu 5 % pour fusionner avec d'autres listes. Ainsi, une liste qui avait obtenu 2 % pouvait fusionner avec une liste qui avait la possibilité d'être présente au second tour. Ce dispositif, spécifique à la Corse, n'a pas été modifié par la loi du 11 avril 2003 relative à l'élection des conseillers régionaux qui a porté, pour les régions, à 10 % pour le maintien et à 5 % pour la fusion les seuils nécessaires.
En conséquence, le maintien du dispositif permettant la fusion des listes ayant obtenu moins de 5 % avec des listes ayant dépassé ce seuil, génère toutes les perversions, la dernière élection de mars 2004 en étant la parfaite illustration.
En effet, la faiblesse numérique du corps électoral (200 000 électeurs environ), l'existence d'une micro société où l'on ne mesure pas toujours le prix du suffrage et dans laquelle les relations personnelles jouent un rôle important et dépassent les considérations idéologiques, constituent autant de raisons conduisant à la multiplication des listes.
Initialement prévue pour permettre l'expression de toutes les sensibilités politiques, même les plus faibles, l'absence de seuil pour fusionner au second tour, a permis à des petites listes de fusionner - hors de toute expression politique - avec des listes ayant obtenu le seuil de 5 %.
Un tel dispositif empêche la formation de majorités cohérentes et constitue un élément d'instabilité permanente ; qui plus est le citoyen a le sentiment que sa volonté exprimée à travers le suffrage est ainsi détournée, souvent pour des considérations obscures.
Si l'absence de seuil pour fusionner pouvait se justifier il y a 20 ans pour voir émerger des sensibilités politiques nouvelles, cette cause a aujourd'hui disparu et il est, dès lors, indispensable de porter à 5 % la possibilité offerte à des listes pour pouvoir fusionner.
Le seuil de fusion est, en effet, plus important que le seuil du maintien. Sans rejoindre le seuil de 10 % du droit commun, il est proposé de fixer à 7,5 % le seuil des suffrages obtenus permettant à des listes de se maintenir au second tour. Il s'agit d'un simple effet mécanique, les deux seuils (de fusion et de maintien) ne pouvant être identiques.
Le nouveau dispositif ne constituent en rien une révolution institutionnelle - nous rappelons que le régime électoral a déjà été modifié en 1984 pour s'adapter au droit commun - et permettrait de concilier la nécessité de dégager des majorités stables avec le souci de conserver au dispositif sa propre originalité.
Dans son II l'article 1 er modifie le mode de scrutin pour l'Assemblée de Corse par une élévation de la prime accordée à la liste arrivée en tête.
Le Statut Joxe avait prévu une prime... de trois sièges afin de permettre de dégager des majorités stables. Depuis lors, le régime électoral de droit commun a adopté une prime de 25 % à la liste arrivée en tête. Ainsi, les citoyens résidant en Corse ne bénéficient pas des mêmes conditions de stabilité institutionnelle que ceux des autres régions françaises.
La prime actuelle de trois sièges (soit moins de 6 %), sans être portée à 25 % pourrait être sensiblement augmentée. Il est ici proposé de la porter à six sièges, soit moins de 12 % des 51 sièges de l'Assemblée de Corse.
L'expérience montre, en effet, que les majorités relatives des précédents scrutins sont généralement très proches de la majorité absolue, sans pour autant l'atteindre. Cette modification de l'article L. 366 du code électoral compléterait utilement le dispositif concernant les seuils de fusion et de maintien, contenu à l'article 1 er de la présente proposition de loi.
L'article 2 modifie le code général des collectivités territoriales.
Le statut actuel considère comme démissionnaire, dès son élection, le conseiller à l'Assemblée de Corse élu au Conseil exécutif. Le 1 ° de cet article propose de repousser le délai et de le considérer comme démissionnaire seulement à l'expiration d'un délai d'un mois. En effet, le mode de scrutin actuel de l'élection des conseillers à l'Assemblée de Corse conduit à un éparpillement de candidatures et rend difficile la formation de toute majorité cohérente. Une « mort subite » frappe tout conseiller devenu membre du Conseil exécutif dès la proclamation de l'élection des conseillers exécutifs. Cela peut conduire, dans le cadre d'une majorité fragile, à rendre difficile la formation du Conseil exécutif. La qualité, durant un mois, d'un double statut, par analogie avec les dispositions de la loi organique concernant les Ministres, peut inciter les membres de l'Assemblée à être plus facilement candidats au Conseil exécutif.
En cas de vacance d'un conseiller exécutif, le 2 ° de cet article fixe un délai maximum pour son remplacement. Le statut Joxe (loi du 13 mai 1991) prévoyait que sept membres formaient le Conseil exécutif. La « loi Jospin » du 22 janvier 2002 a porté de sept à neuf le nombre de conseillers exécutifs. Contrairement aux dispositions de droit commun qui laissent aux exécutifs régionaux la liberté de fixer par la loi dans certaines limites le nombre de Vice-présidents le nombre de conseillers exécutifs est fixé par la loi dans le statut de la Corse. En cas de vacance, ce texte rappelle les conditions du remplacement d'un conseiller exécutif mais ne fixe aucun délai. En rappelant que ce remplacement doit intervenir dans un délai d'un mois, cette proposition de loi comble cette lacune.
Le 3 ° de l'article 2 entend modifier le jour de la première réunion de l'Assemblée de Corse, en remplaçant le jeudi par le vendredi qui suit son élection. La loi du 11 avril 2003 a fixé au second jeudi qui suit le premier tour de scrutin l'élection des exécutifs départementaux. Il s'en suit que cette élection et celle de l'exécutif régional ont lieu en Corse le même jour. En effet, pour tenter de justifier une originalité qui n'en est pas une, le statut Joxe avait précisé que l'élection de l'Exécutif et du Président de l'Assemblée de Corse avait lieu le premier jeudi suivant l'élection de l'Assemblée. L'élection des Présidents des conseils généraux était fixée à l'époque le deuxième vendredi suivant le premier tour. Dans le cadre du droit commun, cette date est désormais fixée au jeudi, afin d'éviter la concomitance des élections des exécutifs départementaux et régionaux. Il s'agit donc d'adapter ces dispositions concernant la collectivité territoriale de Corse.
PROPOSITION DE LOI
Article 1 er
I. Les deux premiers alinéas de l'article L. 373 du code électoral sont ainsi rédigés :
« Seules peuvent se présenter au second tour de scrutin les listes ayant obtenu au premier tour un nombre de suffrages au moins égal à 7,5 % du total des suffrages exprimés. »
« Ces listes peuvent être modifiées dans leur composition pour comprendre des candidats ayant figuré au premier tour sur d'autres listes, sous réserve que celles-ci aient obtenu au premier tour au moins 5 % des suffrages exprimés et ne se présentent pas au second tour. En cas de modification de la composition d'une liste, le titre et l'ordre de présentation des candidats peuvent également être modifiés. »
II. Dans la première phrase du premier alinéa de l'article L. 366 du code électoral, le mot : « trois » est remplacé par le mot : « six ».
Article 2
1° Après la première phrase du dernier alinéa de l'article L. 4422-18, sont insérées deux phrases ainsi rédigées : « Cette démission prend effet à l'expiration du délai d'un mois, à compter de son élection au Conseil exécutif. Il peut prendre part au scrutin. »
2° Au second alinéa de l'article L. 4422-20, après les mots : « l'élection a lieu », sont insérés les mots : « dans un délai maximum d'un mois ».
3° Au second alinéa de l'article L. 4422-3, le mot : « jeudi » est remplacé par le mot : « vendredi ».