Système d'imposition des transmissions à titre gratuit des patrimoines des Français établis hors de France
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N° 62
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2003-2004
Annexe au procès-verbal de la séance du 12 novembre 2003
PROPOSITION DE LOI
relative au système d'
imposition
des
transmissions à titre gratuit
des patrimoines des
Français
établis
hors de France
,
PRÉSENTÉE
Par M. Robert del PICCHIA,
Sénateur.
(Renvoyée à la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement).
(1) Cette commission est composée de : M. Jean Arthuis, président ; MM. Jacques Oudin, Gérard Miquel, Claude Belot, Roland du Luart, Mme Marie-Claude Beaudeau, M. Aymeri de Montesquiou, vice-présidents ; MM. Yann Gaillard, Marc Massion, Michel Sergent, François Trucy, secrétaires ; M. Philippe Marini, rapporteur général ; MM. Philippe Adnot, Bernard Angels, Bertrand Auban, Denis Badré, Jacques Baudot, Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Gérard Braun, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Jean Clouet, Yvon Collin, Jean-Pierre Demerliat, Eric Doligé, Thierry Foucaud, Yves Fréville, Paul Girod, Adrien Gouteyron, Hubert Haenel, Claude Haut, Roger Karoutchi, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, François Marc, Michel Mercier, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, René Trégouët.
Successions et libéralités. |
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La France est un pays dans lequel la transmission des patrimoines, tant
personnels que professionnels, est taxée de manière
particulièrement lourde.
Si l'on compare le coût d'une transmission par décès d'un
patrimoine professionnel en France par rapport à celle d'autres pays
européens, les différences du taux effectif d'imposition sont
remarquables : 36,8% en France contre 10,2% en Allemagne, 0,7% en Espagne
et 0% en Italie et en Grande-Bretagne.
Compte tenu de l'importance des recettes que procurent les droits de mutation
à titre gratuit, environ 7 milliards d'euros, il n'est guère
possible de procéder à un allègement massif dans la
conjoncture économique et budgétaire actuelle.
Cependant, la structure et le poids des droits de mutation à titre
gratuit expriment la façon dont une société perçoit
les liens de solidarité entre les personnes. À travers ce
barème, on peut lire une certaine conception de la famille et une
certaine idée du partage des richesses.
Dans une économie libérale, les droits de mutation à titre
gratuit conditionnent également la structure de la
propriété des moyens de production et influe donc sur le tissu
industriel et commercial du pays.
En effet, le tissu des petites et moyennes entreprises, et plus
généralement des entreprises non cotées, est
particulièrement fragile, et une succession mal préparée
peut en entraîner leur disparition.
Par conséquent, de multiples recommandations des autorités de
Bruxelles engagent les Etats membres à faciliter la transmission des
entreprises, dans la mesure où 30% d'entre elles feront en Europe
l'objet d'une mutation avec, chaque fois, un risque de disparition de
l'entreprise.
Le rapport de notre collègue Philippe Marini n° 65 (2002-2003)
«
Successions et donations : des mutations
nécessaires
» et la proposition de loi n° 309
(2002-2003) présentée par MM. Jean-Jacques HYEST et Nicolas
ABOUT portant réforme du droit des successions, soulèvent les
imperfections du régime fiscal français. Ils proposent une
refonte dans le sens d'une meilleure lisibilité et de la facilitation de
la transmission des patrimoines.
Pourtant, il est un aspect oublié qu'il semble important de
signaler : les donations et successions faites par nos compatriotes
expatriés.
La présente proposition de loi a pour objet de permettre aux
Français établis hors de France de longue date de transmettre
leurs biens dans des conditions convenables.
En effet, les quelque deux millions de nos compatriotes qui résident
hors de nos frontières n'échappent pas à la loi fiscale
française, selon un principe de territorialité défini
à l'article 750
ter
du Code général des
impôts (CGI) qui soumet aux droits de mutation à titre
gratuit :
• Les biens meubles et immeubles situés en France ou à
l'étranger lorsque le donateur a son domicile en France ;
• Les biens meubles et immeubles situés en France lorsque le
donateur a son domicile fiscal à l'étranger ;
• Les biens meubles et immeubles situés en France ou à
l'étranger lorsque le donataire a eu son domicile fiscal en France
pendant au moins six années au cours des dix dernières
années précédant celle au cours de laquelle il
reçoit les biens.
C'est la loi de Finances pour 1999 qui a retenu ce dernier critère
territorial: celui du domicile fiscal du donataire. L'objectif fixé par
le législateur était de faire échec à la fuite des
capitaux. On avait constaté en effet que certains Français
n'hésitaient pas à installer leur domicile fiscal à
l'étranger afin que leurs donataires échappent aux droits de
mutation.
Cependant le critère du domicile fiscal du donataire a eu un effet
négatif dans certaines familles puisque deux enfants d'une même
personne établie à l'étranger peuvent ne plus être
soumis au même traitement fiscal, selon leur lieu de résidence. En
effet, dans l'hypothèse où un Français établi hors
de France lègue ses biens à l'étranger à ses deux
enfants, l'un étant aussi expatrié, tandis que l'autre a son
domicile fiscal en France, le premier sera exempté des droits de
mutation, le second non.
Le donateur établi hors de France ne pourra donc pas transmettre un bien
dans des conditions équivalentes et justes au sein de sa propre famille.
L'objectif du dernier alinéa de l'article 750
ter
du CGI
était de lutter contre les fuites de capitaux : dans ce cas de
figure, il semblerait que le donataire ait tout intérêt à
s'expatrier.
Il convient de mettre en place un régime qui facilite la transmission
des patrimoines dans une société vieillissante. Il en va de
l'adaptation de nos structures économiques. Le Gouvernement,
relayé par le Parlement, l'ont compris et une refonte complète du
système des transmissions de biens est en cours. Mais il en va
également de la subsistance du lien entre les Français
établis hors de France et la France.
Les Français durablement installés à l'étranger,
qui ont fait un vrai choix de vie en s'expatriant, ne doivent pas être
les oubliés de la réforme du régime des droits de mutation
à titre gratuit, car ils sont notre lien privilégié avec
leur pays d'accueil et par là-même, un réseau naturel dans
une perspective de mondialisation.
Et il est bien évident qu'une imposition trop lourde reviendrait
à distendre le lien qui les unit à la France. En effet, qui
transmettrait son entreprise ou son patrimoine à un Français
domicilié fiscalement en France, s'il peut le faire à moindre
frais à l'étranger ?
L'article unique de cette proposition de loi aménage donc, dans le
dernier alinéa de l'article 750
ter
du code général
des impôts, un régime dérogatoire pour les
expatriés, parallèle à celui des impatriés
visés dans ce même paragraphe
in fine
, en excluant de la
soumission aux droits de mutation à titre gratuit les transmissions de
biens dont le donateur a son domicile fiscal à l'étranger depuis
au moins six ans au cours des dix dernières années.
C'est pourquoi nous vous demandons de bien vouloir adopter la proposition de
loi suivante.
Proposition de loi
Article unique
I. - Le
dernier alinéa de l'article 750
ter
du code général
des impôts est complété par les mots :
« et lorsque le donateur ou le défunt a eu son domicile fiscal
hors de France pendant au moins six années au cours des dix
dernières années précédant celle au cours de
laquelle il transmet les biens »
II. - Les pertes de recettes résultant pour l'Etat du I ci-dessus sont
compensées à due concurrence par la création d'une taxe
additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code
général des impôts.