Création du registre international français
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N° 47
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2003-2004
Annexe au procès-verbal de la séance du 30 octobre 2003
PROPOSITION DE LOI
relative à la
création
du
registre
international
français
,
PRÉSENTÉE
Par M. Henri de RICHEMONT, Josselin de ROHAN, Jacques OUDIN,
Patrice GÉLARD et Lucien LANIER,
Sénateurs.
(Renvoyée à la commission des Affaires économiques et du Plan, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement).
Mer. |
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Il y a vingt ans la France occupait la 4
ème
place mondiale en
matière maritime.
En 2003, certes la France occupe le 5
ème
rang pour le
commerce international mais ne se situe plus qu'à la
29
ème
place pour les navires de plus de 300 tonneaux de jauge
brute (soit le 8
ème
rang des flottes européennes) ce
qui ne représente plus que 0,5 % du tonnage mondial.
Le pavillon français ne représente donc plus rien et le registre
Kerguelen n'existe plus que grâce à deux mesures qui le
maintiennent artificiellement en vie : le GIE fiscal et l'obligation faite
aux sociétés pétrolières d'enregistrer 5% de leurs
navires sous pavillon français.
Tous les autres pays européens ont connu un déclin comparable
à celui que la France connaît depuis les années 70. Ils ont
cependant réagi et réussi à rapatrier des navires sous
pavillon national en créant des registres internationaux
compétitifs et attractifs.
L'objet de la présente proposition de loi est de créer un
registre qui puisse être aussi attractif que les autres registres
internationaux européens de telle sorte que les
« registres bis » des États de l'Union
Européenne puissent constituer un véritable registre
européen par une harmonisation des règles applicables.
En effet, le projet de registre européen appelé
« euros », qui a constitué une piste de travail il y
a quelques années n'est plus aujourd'hui à l'ordre du jour des
services de la Commission. Cet abandon du projet est regrettable dans la mesure
où il aurait pu constituer, pour la France, une éventuelle
opportunité de s'engager dans une réforme exemplaire, permettant
de proposer, par un nouveau pavillon, un modèle de registre à
l'échelle communautaire.
Si le registre « euros » n'existe pas juridiquement, les
différentes réformes introduites dans la plupart des États
membres ont abouti à un socle commun de mesures jugées
indispensables au maintien des pavillons nationaux. Les États
européens à l'origine de ce socle commun ont eu non seulement
comme objectif le maintien, mais aussi le développement de leur pavillon
national, afin de récupérer les navires qui étaient partis
sous des pavillons de libre immatriculation.
Les mesures préconisées dans cette proposition de loi sont celles
adoptées par les autres États européens de façon
à ce qu'elles puissent former un tout, faute de quoi la France sera dans
l'incapacité de développer son pavillon et de redevenir une
puissance maritime internationale, et de faire ainsi entendre sa voix au sein
de l'Organisation Maritime Internationale ainsi qu'au sein de l'Union
européenne.
PROPOSITION DE LOI
TITRE I
DISPOSITIONS GÉNÉRALES
Article 1
er
Peuvent
être immatriculés au registre dénommé :
« registre international français » les navires
armés au commerce au long cours ou au cabotage international, et les
navires armés à la plaisance de plus de 24 mètres hors
tout.
Sont exclus de ces dispositions les navires transporteurs de passagers assurant
des lignes régulières intracommunautaires.
Article 2
À bord des navires immatriculés au registre international français, le capitaine et l'officier chargé de sa suppléance doivent être Français.
Article 3
En matière de droit du travail, de droit syndical et de sécurité sociale, les navigants employés à bord des navires immatriculés au registre international français sont soumis aux seules dispositions qui leur sont expressément applicables de par la présente loi, dans le respect des engagements internationaux et communautaires de la France.
TITRE
II
DISPOSITIONS RELATIVES AU DROIT DU TRAVAIL
Article 4
Au sens
de la présente loi :
- Est navigant, toute personne employée quelle que soit sa fonction
à bord d'un navire immatriculé au registre international
français ;
- Est entreprise de travail maritime, toute personne physique ou morale dont
l'activité est de mettre à disposition d'un armateur des
navigants, qu'en fonction d'une qualification convenue elle embauche et
rémunère à cet effet.
À bord des navires immatriculés au registre international
français, les navigants sont engagés par l'armateur ou mis
à sa disposition par une ou plusieurs entreprises de travail maritime.
Article 5
Les
conditions d'engagement, d'emploi, de travail et de vie à bord d'un
navire immatriculé au registre international français ne peuvent
être moins favorables que celles résultant des conventions de
l'Organisation Internationale du Travail applicables aux navigants
ratifiées par la France.
Les rémunérations à bord d'un navire immatriculé au
registre international français ne peuvent être inférieures
aux accords conclus dans le cadre de la commission paritaire maritime du Bureau
international du Travail entre les représentants des organisations
internationales d'employeurs et de salariés mentionnées à
l'article 12 de la constitution de l'Organisation Internationale du Travail. Un
arrêté du ministre chargé de la marine marchande rend
applicable les rémunérations minimales ainsi établies.
Article 6
En cas
de mise à disposition de navigant, un contrat écrit doit
être conclu entre l'armateur et l'entreprise de travail maritime
préalablement à l'embarquement.
Ce contrat doit pour chaque emploi :
- fixer la durée de la mise à disposition ;
- définir l'emploi occupé à bord, la qualification
professionnelle exigée et, le cas échéant, le nom du
navire, le numéro d'identification internationale, le port et la date
d'embarquement ;
- préciser le montant de la rémunération avec ses
différentes composantes ;
- indiquer les conditions de la protection sociale requise aux articles 14 et
15 de la présente loi, ainsi que le ou les organismes gérant les
risques mentionnés dans ces articles.
La copie du contrat de mise à disposition doit se trouver à bord
du navire.
Les conditions générales d'engagement, d'emploi, de travail, de
protection sociale et de vie à bord du navire sont annexées
à ce contrat.
Article 7
Le
contrat d'engagement conclu entre l'entreprise de travail maritime et chacun
des navigants mis à la disposition de l'armateur utilisateur doit
comporter les mentions figurant à l'article 6 de la présente loi
ainsi que la raison sociale de l'employeur. Un exemplaire écrit est
remis au navigant avant son embarquement.
Lorsque le contrat d'engagement est conclu entre l'armateur et le navigant,
celui-ci doit comporter les mêmes mentions. Un exemplaire écrit
est remis au navigant avant son embarquement.
Les dispositions non déterminées par la présente loi
relèvent du contrat d'engagement.
Article 8
Le
travail est organisé sur la base de 8 heures par jour, 48 heures
par semaine et 208 heures par mois.
Les durées minimales de repos sont fixées ainsi qu'il suit :
- les durées minimales de repos quotidien ne peuvent être
inférieures à 10 heures par période de 24 heures et 77
heures par période de 7 jours ;
- Le repos quotidien peut être fractionné en deux périodes
sous réserve qu'une des périodes ne soit pas inférieure
à 6 heures consécutives et que l'intervalle entre deux
périodes consécutives n'excède pas 14 heures.
Chaque heure de travail effectuée au-delà de 48 heures
hebdomadaires est une heure supplémentaire majorée d'au moins
25%.
Les parties au contrat d'engagement conviennent que chaque heure
supplémentaire fait l'objet d'un repos équivalent ou d'une
rémunération.
Un tableau affiché à un endroit accessible précise
l'organisation du travail et indique, pour chaque fonction, le programme du
service à la mer et au port.
Ce tableau est établi selon un modèle normalisé
rédigé en langue française et en langue anglaise.
Article 9
La
durée des congés payés est de 3 jours par mois de travail
effectif.
Le navigant a droit à une journée de repos hebdomadaire.
Lorsqu'un jour férié coïncide avec la journée de
repos hebdomadaire, le repos hebdomadaire est réputé acquis.
Lorsque le navigant n'a pu, pour des motifs liés à l'exploitation
du navire bénéficier de son repos hebdomadaire, les parties au
contrat d'engagement conviennent que ce repos est reporté à
l'issue de l'embarquement ou rémunéré en heures
supplémentaires.
Le nombre de jours fériés auquel a droit le navigant est
fixé par le contrat d'engagement.
Les jours fériés sont choisis parmi les jours de fêtes
légales des pays dont les navigants sont ressortissants.
Les parties au contrat d'engagement conviennent que chaque jour
férié travaillé fait l'objet d'un repos équivalent
ou d'une rémunération.
Un registre, conforme aux conventions internationales, tenu à jour
à bord du navire, précise les heures quotidiennes de travail et
de repos des navigants.
Article 10
Les
trois premiers mois de service, à compter du premier jour
d'embarquement, peuvent être considérés comme une
période d'essai. Au cours de cette période, les parties peuvent
avant l'échéance prévue rompre le contrat d'engagement ou
interrompre la mise à disposition.
La durée maximale d'embarquement est de 9 mois. Cette durée peut
être prolongée au plus d'un mois pour des motifs liés
à l'exploitation du navire.
Le contrat d'engagement ou la mise à disposition prennent fin :
a) à l'échéance prévue ;
b) au débarquement du navigant pour maladie ou blessure ;
c) par perte de navigabilité ou désarmement du navire ;
d) si le navire fait route vers une zone de guerre ;
e) par décision motivée et notifiée de l'armateur en cas
de faute du navigant.
Le délai de préavis réciproque en cas de rupture du
contrat d'engagement est de un mois. Il n'est pas dû en cas de perte de
navigabilité, de désarmement du navire, de faute grave ou lourde
ou lorsque le navire fait route vers une zone de guerre.
Les indemnités pour rupture du contrat d'engagement ne peuvent
être inférieures à deux mois de salaire. Les
indemnités ne sont pas dues au navigant lorsque la rupture ou
l'interruption résulte de sa décision ou en cas de faute grave ou
lourde ni au cours de la période d'essai.
Le navigant est rapatrié au lieu stipulé par le contrat aux frais
de l'armateur, dans les cas prévus au troisième paragraphe
à l'exception de la rupture du contrat d'engagement à
l'initiative du navigant ou en cas de faute grave ou lourde.
Le lieu prévu à l'alinéa précédent peut
être, au choix du navigant :
- le lieu d'engagement ;
- le lieu stipulé par convention collective ;
- le pays de résidence du navigant ;
- tout autre lieu convenu par les parties.
Article 11
L'armateur doit souscrire un contrat d'assurance couvrant le
paiement des sommes dues aux navigants et aux organismes d'assurance sociale en
cas de défaillance de l'entreprise de travail maritime. Une attestation
d'assurance doit se trouver à bord.
Pendant la mise à disposition du navigant, l'armateur est responsable
des conditions de travail et de vie à bord.
Article 12
Une liste du personnel présent à bord, tenue à jour sur le navire par le capitaine, est à la disposition des autorités compétentes.
Article 13
L'inspection du travail maritime sur les navires
immatriculés
au registre international français est confiée aux fonctionnaires
et agents visés au deuxième alinéa de l'article L. 742-1
du code du travail.
Ces fonctionnaires et agents sont compétents pour contrôler les
conditions d'engagement, d'emploi, de travail, de protection sociale et de vie
à bord et constater les infractions à la présente loi et
aux textes pris pour son application.
Ils interviennent dans les conditions fixées par le décret
visé au deuxième alinéa de l'article L. 742-1 du code du
travail.
TITRE
III
DISPOSITIONS RELATIVES À LA PROTECTION SOCIALE
Article 14
Lorsqu'ils sont embarqués sur les navires
immatriculés
au registre international français, les navigants français
affectés à la marche, à la conduite, à l'entretien
du navire et à son exploitation nautique, relèvent du
régime spécial de sécurité sociale des marins.
Lorsque les navigants sont ressortissants de l'Espace économique
européen ou d'un État lié à la France par une
convention bilatérale de sécurité sociale, ils
bénéficient d'une couverture sociale dans les conditions
prévues par les règlements communautaires ou la convention
bilatérale qui leur sont applicables.
Article 15
Lorsque
les navigants ne sont pas ressortissants de l'Espace économique
européen ou d'un État lié à la France par une
convention bilatérale de sécurité sociale, ils doivent
être assurés contre les risques de maladie, d'accident du travail,
de maternité, d'invalidité et de vieillesse.
Cette protection sociale, à laquelle l'employeur contribue, ne peut
être moins favorable que celle résultant des conventions de
l'Organisation Internationale du Travail applicables aux navigants.
TITRE
IV
DISPOSITIONS D'ORDRE FISCAL ET ÉCONOMIQUE
Article 16
Le II de
l'article 81A du code général des impôts est
complété par un alinéa rédigé comme
suit :
« c) navigation pour les navires immatriculés au registre
international français. »
Article 17
L'article 1
er
de la loi du 15 juin 1905
réglementant le jeu dans les cercles et casinos des stations
balnéaires, thermales ou climatiques est complété par un
alinéa rédigé comme suit : « L'autorisation
définie par les dispositions du présent article peut être
étendue, dans les mêmes conditions, aux casinos et salles de jeux
de hasard installés à bord des navires transporteurs de passagers
immatriculés au registre international français, assurant une
prestation de transport international, sous réserve que l'accès
aux dites installations de jeux soit limité aux passagers titulaires
d'un titre régulier de transport, et que les jeux soient ouverts dans
les eaux internationales ».
Dans les mêmes conditions, les dispositions de la
loi n° 87-306 du 5 mai 1987, modifiant certaines dispositions
relatives aux casinos autorisés sont applicables aux installations de
jeux autorisées à bord desdits navires.
TITRE
V
SANCTIONS
Article 18
Le fait
pour tout armateur d'avoir recours à un navigant mis à
disposition par une entreprise de main-d'oeuvre maritime sans avoir conclu avec
celle-ci, dans les conditions prévues à l' article 6 de la
présente loi, un contrat écrit conforme aux prescriptions de cet
article est puni d'une amende de 3750 euros et, en cas de récidive,
d'une amende de 7500 euros et d'une peine d'emprisonnement de six mois.
Le fait pour tout entreprise de travail maritime ou pour tout armateur de ne
pas établir un contrat d'engagement écrit dans les conditions
prévues à l'article 7 de la présente loi, ou d'avoir
contrevenu à son exécution, est puni d'une amende de 3750 euros.
TITRE
VI
APPLICATION DU CODE DISCIPLINAIRE ET PÉNAL
DE LA MARINE MARCHANDE
Article 19
La loi du 17 décembre 1926 portant code disciplinaire et pénal de la marine marchande, à l'exclusion du troisième alinéa de l'article 39 et des articles 54, 68, 69 et 75, est applicable à toute personne embarquée à bord d'un navire immatriculé au registre international français ainsi qu'à l'armateur ou son représentant.
TITRE
VII
DISPOSITIONS DIVERSES
Article 20
La première phrase de l'article 5 de la loi du 13 décembre 1926 portant code du travail maritime est complétée par les mots suivants : « à l'exception des navires immatriculés au registre international français ».
Article 21
Deux ans à compter de la publication de la présente loi, les dispositions de l'article 26 de la loi n° 96-151 du 26 février 1996 relative aux transports ne sont plus applicables aux navires de commerce.
Article 22
En cas
de litige né des contrats d'engagement conclus dans le cadre de la
présente loi :
- L'action de l'employeur ne peut être portée que devant les
tribunaux de l'État sur le territoire duquel le navigant a son domicile.
- L'employeur peut être attrait devant les tribunaux de l'État
où il a son domicile, ou devant le tribunal du lieu où se trouve
ou se trouvait l'établissement qui a embauché le navigant.
En France, ces litiges sont portés devant le tribunal d'instance
compétent après tentative de conciliation devant
l'autorité maritime compétente, à l'exception des litiges
opposant l'armateur au capitaine qui sont portés devant le tribunal de
commerce.
Il ne peut être dérogé aux dispositions du présent
article que par des conventions attributives de juridiction postérieures
à la naissance du différend, ou qui permettent au navigant de
saisir d'autres tribunaux que ceux indiqués dans le présent
article.