La libre administration des collectivités territoriales
N°
402
SÉNAT
SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2001-2002
Rattaché pour ordre au procès-verbal de la séance du 3
août 2002
Enregistré à la Présidence du Sénat le 18
septembre 2002
PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE
relative à la
libre
administration
des
collectivités
territoriales
,
PRÉSENTÉE
Par MM. Christian PONCELET, Henri de RAINCOURT, Josselin de ROHAN, Daniel HOEFFEL, Gérard LONGUET, Jean PUECH, Jean-Pierre FOURCADE, Philippe ADNOT, Louis de BROISSIA, Paul GIROD, Michel MERCIER, Mme Lucette MICHAUX-CHEVRY, MM. Philippe RICHERT, Alex TÜRK et Jean-Paul VIRAPOULLÉ,
Sénateurs.
(Renvoyée à la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement).
Collectivités territoriales. |
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Le processus de décentralisation, initié dans les années
soixante-dix avec notamment l'allègement des tutelles et la
globalisation des concours financiers de l'État aux collectivités
territoriales, puis relancé et consacré, de manière
irréversible, par les lois Defferre de 1982 et 1983, a
été, à l'évidence, bénéfique pour
notre pays.
Oxygène de la République, la décentralisation a
libéré les initiatives et les énergies locales.
Elle a, par ailleurs, accru l'efficience de l'action publique grâce aux
bienfaits de la gestion de proximité. C'est ainsi, par exemple, que pour
l'entretien et la construction des collèges et des lycées, les
départements et les régions ont fait plus, mieux et plus vite que
l'État.
De même, c'est la saine et sage gestion financière des
collectivités locales qui, en dégageant des excédents
budgétaires, a permis à la France d'être dans les
«
clous de Maastricht »
et de se qualifier pour l'euro.
Enfin, la décentralisation a contribué, même si des
progrès restent à accomplir, à donner corps et âme
à la démocratie locale à un moment où les
inquiétudes suscitées par l'inéluctable mondialisation
exacerbent notre besoin d'enracinement.
Pourtant, force est de constater, vingt ans après les lois Defferre,
que la décentralisation, en dépit de son bilan globalement
positif, apparaît comme
« à bout de souffle »
,
« au milieu du gué »
et surtout
« à la croisée des chemins ».
Plusieurs phénomènes, qui conjuguent leurs effets, expliquent
cet essoufflement de la décentralisation.
Tout d'abord, le jardin à la française voulu par les lois de
dévolution de compétences aux collectivités territoriales
a été envahi par une végétation florissante et
luxuriante.
Le principe du transfert par blocs de compétences a cédé
progressivement le pas à un enchevêtrement de
responsabilités, à une profusion de partenariats contractuels et
à une multiplication de financements croisés. L'usager, le
citoyen, le contribuable ne sait plus qui fait quoi.
Par ailleurs, l'inflation législative et la floraison de la
réglementation européenne peuvent se traduire par une
prolifération de normes aux incidences financières parfois
lourdes qui obèrent d'autant l'autonomie locale.
En outre, le dynamisme et le volontarisme des collectivités
territoriales ont
« incité »
l'État
à leur transférer, sans compensation financière, des
charges inhérentes à l'exercice de ses compétences
(entretien des routes nationales, universités, construction de
gendarmeries, rénovation de commissariats de police...).
De plus, on assiste, depuis quelques années, à un
phénomène de recentralisation financière qui obère
l'autonomie fiscale des collectivités territoriales avec la disparition
de pans entiers de la fiscalité locale (suppression de la part
régionale de la taxe d'habitation, mise en extinction de la base
salariale de la taxe professionnelle, disparition de la
« vignette
automobile »
, réduction des droits de mutation...) et leur
remplacement par des dotations allouées et maîtrisées par
l'État. Véritable
« peau de
chagrin »
,
l'autonomie fiscale et financière des
collectivités locales tend à se réduire à la seule
liberté de dépenser.
Enfin, l'État n'a pas tiré pour ses structures et ses ressources
humaines toutes les conséquences, loin s'en faut, des transferts de
compétences aux collectivités territoriales.
Or, comme l'écrivait Michel Crozier en 1992,
« si
l'État central ne change pas, la décentralisation perd
l'essentiel de sa vertu »
.
Vingt ans après les lois Defferre, une évidence se fait jour,
celle de l'ardente obligation de relancer la décentralisation et de lui
donner un nouveau départ sur de nouvelles bases.
Cette nécessité, le Président de la République l'a
faite sienne dans son discours de Rouen où il nous a incité
à
« repenser hardiment l'architecture des pouvoirs dans un
projet global et cohérent, par la modification du Titre XII de la
Constitution »
.
Cet appel à plus d'efficacité, à plus de liberté
et à plus de démocratie, cette invitation
« à
lancer la révolution de la démocratie locale »
,
cette exhortation
« à construire la République
des proximités »
ont été entendus par les
signataires de la présente proposition de loi constitutionnelle qui
souhaitent apporter leur contribution à ce débat essentiel pour
l'avenir de notre pays.
*
* *
Quatre
raisons principales militent en faveur d'un
ancrage constitutionnel
de
la décentralisation qui est conçu par les auteurs de la
présente proposition de loi comme
le prélude
à
toute nouvelle avancée de la décentralisation et
le
préalable
à toute nouvelle dévolution de
compétences aux collectivités territoriales.
Première raison
: la décentralisation législative,
ou plutôt la décentralisation par voie législative, a
montré ses faiblesses et ses limites car une loi peut défaire ce
qu'a fait une loi.
C'est ainsi que nombre des principes fondateurs posés par les lois
Defferre de 1982 et 1983 ont été battus en brèche par des
lois subséquentes.
Il est donc proposé de conférer une valeur constitutionnelle
à certains des
principes fondateurs
de la décentralisation
comme le principe de l'interdiction d'une tutelle d'une collectivité
territoriale sur une autre ou le principe de la compensation intégrale
et concomitante des transferts de charges.
Enfin, il s'agit de permettre à la région de faire son
entrée dans notre Constitution.
Deuxième raison
: il s'avère indispensable au regard de
l'expérience, parfois amère, de ces vingt dernières
années et à la lumière de la jurisprudence, parfois
timide, du Conseil constitutionnel de renforcer la densité
constitutionnelle du principe de libre administration des collectivités
territoriales, énoncé par l'article 72 de notre loi fondamentale.
En effet, cette notion de libre administration s'est avérée plus
« prometteuse que précise. »
Pour
« muscler »
ce concept, la présente
proposition de loi tend, tout d'abord, à inscrire à l'orée
de notre Constitution, dès son article premier, l'affirmation selon
laquelle
« la République garantit la libre administration
de
ses
collectivités territoriales »
.
Par ailleurs, la proposition de loi confère une consistance accrue
à la libre administration des collectivités territoriales en
érigeant au rang de norme constitutionnelle le principe en vertu duquel
les collectivités territoriales
« s'administrent librement
par des conseils élus
qui règlent par leurs
délibérations les affaires de leur
compétence »
.
Ce titre de compétence générale reconnu aux
collectivités territoriales équivaut à une
consécration constitutionnelle du
principe de subsidiarité
.
Enfin, et surtout, la présente proposition de loi, qui reprend sur ce
point, la proposition de loi constitutionnelle cosignée par certains de
ses auteurs et adoptée par le Sénat le 26 octobre 2000
1(
*
)
, confère une
consistance fiscale
et
financière
au principe de libre administration des
collectivités territoriales.
C'est ainsi qu'il vous est proposé d'ériger au rang de norme
constitutionnelle le principe selon lequel la libre administration des
collectivités territoriales est
garantie
par la
perception de ressources fiscales dont elles votent les taux, dans les
conditions fixées par la loi
.
Loin d'être simplement évoquée ou invoquée, cette
autonomie fiscale, élément consubstantiel au principe de libre
administration des collectivités territoriales, deviendrait une
liberté réelle puisque le texte soumis à votre
appréciation pose le
principe de la prépondérance
de ces recettes fiscales propres au sein des recettes de fonctionnement des
collectivités territoriales.
Cette proportion, qui constitue un repère objectif pour le juge
constitutionnel, serait appréciée par
catégorie
de
collectivités territoriales, c'est-à-dire respectivement, pour
l'ensemble des communes, pour l'ensemble des départements, et pour
l'ensemble des régions.
Enfin, il vous est proposé, dans la perspective d'une réforme de
la fiscalité locale, d'introduire un
« verrou »
dans la Constitution en prohibant le
remplacement d'un impôt local, dont les collectivités
territoriales votent les taux, par une dotation allouée par
l'État.
Autrement dit, la suppression d'une recette fiscale propre des
collectivités territoriales ne pourra être
« compensée »
que par la création d'un
nouvel impôt local, le transfert d'un impôt d'État ou le
partage de son produit, avec la possibilité pour les
collectivités territoriales de voter des
« centimes
additionnels »
.
Toutes ces garanties sont destinées à enrayer le processus de
démantèlement de la fiscalité locale qui porte gravement
atteinte à l'autonomie locale et altère le contrat de confiance
entre l'État et les collectivités territoriales.
Troisième raison
: il est nécessaire de modifier la
Constitution pour rompre avec une certaine conception de
« l'uniformité égalisatrice »
et
reconnaître un certain droit à la différence au sein de
notre République sans altérer son caractère unitaire.
Comme l'a dit le Président de la République dans son discours de
Rouen,
« l'égalité ne doit pas entraîner le
refoulement de notre diversité »
.
Il vous est donc proposé de favoriser l'éclosion d'initiatives
locales en autorisant, par notre Constitution, les collectivités
territoriales à exercer, à titre expérimental, des
compétences relevant de l'État ou dévolues à
d'autres catégories de collectivités.
Une loi organique précisera les modalités d'exercice de ce droit
à l'expérimentation qui devra notamment être fondé
sur le procédé contractuel afin d'éviter
l'établissement d'une tutelle d'une collectivité territoriale sur
une autre.
En outre, le périmètre de ce droit à
l'expérimentation, cantonné par la présente proposition de
loi aux seules compétences des collectivités territoriales
pourrait être étendu, lors de la discussion de ce texte, à
leur organisation et à leurs ressources.
Par ailleurs, le droit à la différence est également
consacré par la reconnaissance aux collectivités territoriales
d'un pouvoir d'adaptation de la réglementation nationale aux
spécificités locales.
Ce pouvoir d'adaptation, dont l'exercice serait subordonné à une
autorisation du législateur, loi par loi, s'inscrirait dans le cadre des
compétences exercées par les collectivités territoriales.
Là encore, une loi organique précisera la nature des titulaires
de ce pouvoir réglementaire territorial ou décentralisé
ainsi que ses modalités d'exercice.
Enfin, dernière terre d'élection du droit à la
différence,
l'outre-mer français
qui n'est pas un, mais
pluriel. C'est pourquoi la présente proposition de loi tend à
insérer à l'article 72 de notre Constitution, aux
côtés de la commune, du département et de la région,
la notion générique de
collectivités d'outre-mer
pour consacrer un droit à la
différence statutaire
couvrant tout le champ des possibles, du département d'outre-mer au
pays d'outre-mer.
Mais pour ne pas anticiper sur d'autres réflexions en cours dans
d'autres enceintes, le texte qui vous est soumis reste, pour l'instant, muet
sur une éventuelle réécriture des articles 73 et 74 de
notre Constitution.
Quatrième et dernière raison
: l'ancrage constitutionnel
de la décentralisation, qui est le prélude à la relance de
ce processus sur des bases saines, doit s'accompagner d'un renforcement du
rôle du Sénat, représentant des collectivités
territoriales de la République.
Cette démarche s'inscrit dans le droit fil des propositions du Chef de
l'État qui a appelé
« à conforter le
rôle du Sénat dans la représentation des
collectivités territoriales »,
tout en souhaitant qu'il
puisse
« jouer un rôle particulier pour garantir l'autonomie
financière des collectivités territoriales et pour évaluer
les expériences conduites par celles-ci au titre du droit à
l'expérimentation ».
Il ne s'agit bien évidemment pas de transformer le Sénat en
chambre spécialisée dans les affaires locales ni de le
réduire à un rôle de
« Bundesrat à la
française »
.
Bien au contraire, il s'agit de préserver le rôle
d'assemblée à part entière du Sénat et sa
compétence législative générale, qui
représentent un gage d'amélioration de notre législation,
tout en lui permettant de vivre pleinement son bonus constitutionnel de
représentant des collectivités territoriales, dans le respect
d'un bicamérisme équilibré.
Dans cette perspective, il vous est proposé, pour permettre au
Sénat d'exercer son rôle de
vigie
et de
veilleur
de
la décentralisation, de créer, aux côtés des lois de
finances et des lois de financement de la sécurité sociale, une
nouvelle catégorie spécifique de lois, les
lois relatives
à la libre administration des collectivités territoriales
.
Ces lois détermineront l'organisation, les compétences ou les
ressources des collectivités territoriales ainsi que celles de leurs
établissements publics de coopération.
Les projets de loi relatifs à la libre administration des
collectivités territoriales, sur lesquels l'urgence ne pourra être
déclarée, seront déposés en premier sur le Bureau
du Sénat.
Enfin, en cas de désaccord avec le Sénat, l'Assemblée
nationale ne pourra prononcer le
« dernier mot »
qu'à
la majorité absolue de ses membres, comme pour les lois organiques.
Telles sont, Mesdames, Messieurs, les principaux apports de la présente
proposition de loi constitutionnelle relative à la libre administration
des collectivités territoriales dont la finalité est double.
Il s'agit, en premier lieu, d'offrir des garanties, notamment
financières et fiscales, aux élus locaux car
l'acte II
de
la décentralisation doit se jouer avec ses principaux acteurs et non
sans
ou
contre
eux.
Il s'agit, en second lieu, par un ancrage constitutionnel solide, de donner
à la décentralisation des fondements stables et pérennes
pour bâtir une véritable
République territoriale
qui
laisserait s'exprimer les énergies vitales de la France de demain.
Mais aussi indispensable soit-elle, la décentralisation, même
revue, corrigée et consolidée, ne saurait, à elle seule,
tenir lieu de réforme de l'État.
Un nouveau transfert de compétences vers les collectivités
territoriales devrait donner à l'État l'occasion d'accomplir
enfin sa mue.
L'État doit cesser de se disperser pour se recentrer sur ses fonctions
régaliennes, sa mission de stratège et son rôle de garant
de l'égalité des chances entre les citoyens mais aussi entre les
territoires.
Un État fort, c'est-à-dire un État allégé,
et donc performant dans son périmètre d'action, doit se conjuguer
avec des collectivités territoriales fortes.
C'est à ce prix que notre pays retrouvera le chemin d'un
développement économique et social, harmonieux et durable.
*
* *
L'
article 1
er
a pour objet de consacrer, à
l'orée de notre Constitution, parmi les principes fondamentaux de la
République affirmés par son article premier, le principe de libre
administration des collectivités territoriales.
Il serait précisé, après la phrase relative au
caractère indivisible de notre République, que celle-ci
« garantit la libre administration de
ses
collectivités territoriales »
.
L'
article 2
tire, par anticipation, les conséquences de la
reconnaissance aux collectivités territoriales d'un pouvoir
réglementaire qui est opérée par l'article 8 de la
présente proposition de loi.
L'
article 3
a pour objet de créer, aux côtés des
lois de finances et des lois de financement de la sécurité
sociale, une nouvelle catégorie de lois spécifiques, les
«
lois relatives à la libre administration des
collectivités territoriales
» qui déterminent
l'organisation, les compétences et les ressources des
collectivités territoriales et de leurs établissements publics de
coopération. La procédure d'adoption des projets de loi relatifs
à la libre administration des collectivités territoriales est
précisée par les articles 4 et 5 de la présente
proposition de loi.
L'
article 4
complète l'article 39 de la Constitution, pour
préciser que les projets de loi relatifs à la libre
administration des collectivités territoriales sont soumis, en premier
lieu, au Sénat.
L'
article 5
détermine les conditions d'examen et d'adoption des
projets de loi relatifs à la libre administration des
collectivités territoriales.
Ces textes, qui ne pourront faire l'objet d'une déclaration d'urgence,
seront assimilés, au regard de leur procédure d'adoption,
à des lois organiques. Ainsi, l'Assemblée nationale
conservera le bénéfice du «
dernier
mot
», mais ne pourra surmonter un désaccord avec le
Sénat que par un vote à la majorité absolue de ses membres.
L'
article 6
propose une
« réécriture » de l'article 72 de la
Constitution, socle du principe de libre administration, afin de
conférer à ce principe une plus grande densité juridique.
Il s'agit :
- en premier lieu, de compléter la liste des collectivités
territoriales reconnues par la Constitution, d'une part, en consacrant
l'existence de la région et, d'autre part, en retenant la notion
générique de
« collectivités
d'outre-mer »
pour permettre la prise en compte de la
diversité de leurs situations et favoriser une évolution
statutaire
« à la carte » ;
- en deuxième lieu, de consacrer, au-delà de l'actuelle formule
de l'article 72 (
« les collectivités locales
s'administrent librement par des conseils élus »
), un
titre de compétence générale des collectivités
locales ;
- en troisième lieu, de conférer une valeur constitutionnelle au
principe énoncé par la loi du 7 janvier 1983, qui prohibe toute
forme de tutelle d'une collectivité territoriale sur une autre ;
- en quatrième lieu, de reconnaître un droit à
l'expérimentation dans deux directions : l'une ouvrant aux
collectivités locales la faculté d'exercer des compétences
relevant de l'État ; l'autre permettant à une
collectivité locale d'exercer une compétence dévolue
à une autre catégorie de collectivités locales ;
- enfin, de tirer les conséquences du remplacement de la tutelle
a priori
par un contrôle juridictionnel
a posteriori
, opéré par la « loi
mère » du 2 mars 1984, en supprimant la
référence au
« contrôle
administratif »
dans l'énumération des
compétences du représentant de l'État. Ce dernier ne
conserve donc plus explicitement que la
« charge des
intérêts nationaux et du respect des lois »
.
L'ensemble de cet article renvoie, pour son application, à une loi
organique.
L'
article 7
a pour but de conférer une
«
consistance
» fiscale et financière au
principe de libre administration des collectivités territoriales.
Il s'agit :
- en premier lieu, de consacrer l'attribution de recettes fiscales, dont les
collectivités locales maîtrisent les taux, comme un
élément substantiel, pour ne pas dire essentiel, de leur libre
administration ;
- en deuxième lieu, et pour enrayer le processus de
démantèlement de la fiscalité locale, de conférer
une valeur constitutionnelle au principe de
prépondérance
des recettes fiscales propres au sein des recettes de fonctionnement de chaque
catégorie de collectivités territoriales ;
- en troisième lieu, de «
préserver
»
l'existence des impôts dont les collectivités locales
maîtrisent les taux, en prévoyant leur inscription dans une loi
organique spécifique qui serait soumise à un vote en termes
identiques par les deux assemblées. Cette suppression, ponctuelle, du
«
dernier mot
» de l'Assemblée nationale ne
constitue pas un précédent puisqu'elle reprend la formule de la
dernière phrase de l'article 88-3 de la Constitution relatif à la
mise en oeuvre de la reconnaissance du droit de vote et
d'éligibilité aux élections municipales des citoyens de
l'Union européenne résidant en France ;
- en quatrième lieu, de permettre, dans la perspective de la
réforme de la fiscalité locale, aux collectivités
territoriales de percevoir le produit de contributions de toute nature, qu'il
s'agisse de ressources fiscales ou sociales transférées ou
partagées avec l'État ou de nouvelles impositions ;
- en cinquième lieu, d'enrayer le processus de
démantèlement de la fiscalité locale, en posant le
principe du remplacement de toute recette fiscale locale supprimée par
une recette fiscale d'un produit équivalent ;
- enfin, de conférer une valeur constitutionnelle et une portée
plus générale au principe, posé par la loi du 2 mars 1982,
de compensation concomitante et intégrale des transferts de
compétences.
L'
article 8
a pour objet de reconnaître aux collectivités
locales un pouvoir réglementaire d'adaptation de la
réglementation nationale aux spécificités locales.
L'exercice de ce pouvoir d'adaptation sera subordonné à une
autorisation du législateur, donnée le cas échéant
loi par loi, et cantonné à la sphère de compétences
des collectivités territoriales. Une loi organique précisera les
modalités d'application du présent article.
Enfin, l'
article 9
propose d'insérer, dans le titre XV de la
Constitution, relatif aux Communautés européennes et à
l'Union européenne, une référence à l'article 299-2
du Traité d'Amsterdam. En effet, cette disposition qui reconnaît
les handicaps spécifiques des régions
ultra-périphériques, handicaps liés à leur
situation économique et sociale
« aggravée »
par
« leur
éloignement, leur insularité, leur faible superficie, le relief
et le climat difficiles et leur dépendance
économique »
, fonde le droit de ces collectivités
à bénéficier de mesures dérogatoires ou de
« discriminations positives »
.
PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE
Article 1er
L'article 1
er
de la Constitution est ainsi
rédigé :
«
Art.1
er
.-
La France est une République
indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle garantit la
libre administration de ses collectivités territoriales.
Elle
assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans
distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les
croyances. »
Article 2
Dans la dernière phrase du premier alinéa de l'article 21 de la Constitution, après les mots : « Sous réserve des dispositions de l'article 13 », sont insérés les mots : « et de l'article 72-2 ».
Article 3
Il est
inséré, après le dix-septième alinéa de
l'article 34 de la Constitution, un alinéa ainsi
rédigé :
« Les lois relatives à la libre administration des
collectivités territoriales déterminent leur organisation, leurs
compétences, leurs ressources et celles de leurs établissements
publics de coopération. »
Article 4
L'article 39 de la Constitution est complété
in fine
par un alinéa ainsi rédigé :
« Les projets de loi relatifs à la libre administration des
collectivités territoriales sont soumis en premier lieu au
Sénat. »
Article 5
Il est
inséré, après l'article 47-1 de la Constitution, un
article 47-2 ainsi rédigé :
«
Art. 47-2.-
Le Parlement vote les projets de loi relatifs
à la libre administration des collectivités territoriales dans
les conditions prévues par une loi organique.
« Ces projets de loi ne peuvent faire l'objet d'une
déclaration d'urgence.
« La procédure prévue au troisième alinéa
de l'article 46 est applicable à ces textes. »
Article 6
L'article 72 de la Constitution est ainsi
rédigé :
«
Art. 72.-
Les collectivités territoriales de la
République sont les communes, les départements, les
régions et les collectivités d'outre-mer. Toute autre
collectivité territoriale est créée par la loi dans les
conditions prévues à l'article 47-2.
« Ces collectivités s'administrent librement par des conseils
élus qui règlent par leurs délibérations les
affaires de leur compétence.
« Aucune collectivité territoriale ne peut exercer une tutelle
sur une autre collectivité territoriale.
« Une collectivité territoriale peut exercer une ou plusieurs
compétences relevant de l'État. Une collectivité
territoriale peut exercer une ou plusieurs compétences dévolues
à une autre catégorie de collectivités territoriales.
« Dans les départements et les collectivités
d'outre-mer, le délégué du gouvernement a la charge des
intérêts nationaux et du respect des lois.
« Une loi organique détermine les conditions d'application du
présent article. »
Article 7
Il est
inséré, au titre XII de la Constitution, un article 72-1 ainsi
rédigé :
« Art 72-1
.
-
La libre administration des
collectivités territoriales est garantie par la perception de recettes
fiscales dont elles votent les taux dans les conditions prévues par la
loi.
« Ces recettes fiscales représentent, pour chaque
catégorie de collectivités territoriales, la moitié au
moins de leurs recettes de fonctionnement.
« Une loi organique, votée dans les mêmes termes par les
deux assemblées, fixe la liste, l'assiette et les modalités de
recouvrement de ces recettes fiscales.
« Les collectivités territoriales peuvent percevoir le produit
des contributions de toutes natures.
« Toute suppression d'une recette fiscale perçue par les
collectivités territoriales donne lieu à l'attribution de
recettes fiscales d'un produit équivalent.
« Tout transfert de compétences entre l'État et les
collectivités territoriales et toute charge imposée aux
collectivités territoriales par des décisions de l'État
sont accompagnés du transfert concomitant de ressources garantissant la
compensation intégrale et permanente de ces charges.
« Une loi organique détermine les conditions d'application du
présent article. »
Article 8
Il est
inséré, au titre XII de la Constitution, un article 72-2 ainsi
rédigé :
«
Art 72-2
.
-
Les collectivités
territoriales peuvent, sur autorisation du Parlement, exercer le pouvoir
réglementaire dans le cadre de leurs compétences.
« Une loi organique détermine les conditions d'application du
présent article. »
Article 9
Il est
inséré, au titre XV de la Constitution, un article 88-5 ainsi
rédigé :
«
Art. 88-5.-
La République reconnaît
les spécificités des régions
ultra-périphériques françaises telles que définies
par les dispositions de l'article 299-2 du traité signé le 2
octobre 1997. »
1 Proposition de loi constitutionnelle relative à la libre administration des collectivités territoriales et à ses implications fiscales et financières présentée par MM. Christian Poncelet, Jean-Paul Delevoye, Jean-Pierre Fourcade, Jean Puech et Jean-Pierre Raffarin (n° 432 - Sénat 1999-2000).