Scrutin proportionnel de liste dans le cadre de l'arrondissement pour l'élection des conseillers généraux
N° 401
SÉNAT
SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2001-2002
Rattaché pour ordre au procès-verbal de la séance du 3
août 2002
Enregistré à la Présidence du Sénat le 17
septembre 2002
PROPOSITION DE LOI
instituant l' élection des conseillers généraux au scrutin proportionnel de liste dans le cadre de l' arrondissement ,
PRÉSENTÉE
Par M. Jean Louis MASSON
Sénateur.
( Renvoyée à la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement ).
Élections et référendums. |
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Depuis des décennies, le mode d'élection des conseillers
généraux fait l'objet de critiques tenant à son
caractère à la fois anachronique, injuste et sexiste. Pour s'en
convaincre, il suffit de répertorier les multiples propositions de loi,
questions ou amendements déposés sur ce sujet, tant à
l'Assemblée Nationale qu'au Sénat.
• Un caractère anachronique dans la mesure où le mode actuel
de scrutin est figé depuis le 19
ème
siècle,
époque où les conseillers généraux n'avaient qu'une
fonction de notabilité figurative. De ce fait, les préoccupations
des élus sont étroitement limitées à leur canton,
sans aucune vue d'ensemble des problèmes du département ;
• Un caractère injuste puisque d'énormes écarts
existent entre cantons d'un même département, tel par exemple dans
le Var où le canton de Fréjus (50 356 habitants) a 46 fois plus
d'habitants que celui de Comps (1 109 habitants) ;
• Un caractère sexiste évident car le taux actuel de femmes
dans les conseils généraux n'est que de 9,7 %. A titre de
comparaison, il y a 25 % de femmes parmi les conseillers régionaux, 40 %
parmi les députés français au Parlement européen et
22 % parmi les 102 sénateurs renouvelés en septembre 2001.
Afin de remédier aux problèmes sus évoqués et de
privilégier la formation d'un véritable esprit de
solidarité départementale, la solution logique serait
d'élire les conseillers généraux par un scrutin
proportionnel de liste dans le cadre départemental. Une telle
réforme se heurterait cependant à la pesanteur des habitudes et
plus encore aux intérêts politiques personnels qu'engendrent les
situations acquises. De plus, certains ne manqueraient pas d'évoquer le
spectre de la marginalisation des zones rurales, ou l'hypothétique
absence de représentation de certains territoires.
Il convient donc de privilégier une solution intermédiaire
conciliant l'élargissement des préoccupations trop
étroitement cantonales des conseillers généraux, la
suppression des disparités liées aux énormes écarts
de population entre cantons et le maintien d'une représentation
équitable de chaque partie du département. Afin de
répondre à ces objectifs, la solution de synthèse pourrait
être d'organiser l'élection des conseillers généraux
au scrutin proportionnel de liste dans le cadre de l'arrondissement.
Cela garantirait à chaque partie d'un même département, une
représentation territoriale spécifique. De plus, eu égard
au nombre limité de candidats à élire dans chaque
arrondissement, l'effet de dispersion du scrutin proportionnel serait largement
tempéré en faveur des listes ayant le plus de voix, ce qui
faciliterait l'émergence de majorités politiques stables pour la
gestion départementale.
C'est l'objet de la présente proposition de loi, dont les principales
dispositions sont les suivantes :
• Election des conseillers généraux par renouvellement
intégral tous les cinq ans, en prévoyant une organisation
simultanée avec le premier tour des élections des conseillers
régionaux ;
• Election au scrutin proportionnel de liste à un tour dans le
cadre de l'arrondissement, chaque arrondissement désignant un nombre de
conseillers généraux directement proportionnel à sa
population ;
• Transposition à ce scrutin des règles de
dépôt de candidatures et de remplacement des élus en cours
de mandat qui existaient en 1998 pour les élections
régionales ;
• Obligation de parité sur les listes par une alternance stricte
homme-femme ;
• Organisation de la première élection de ce type en 2004,
le mandat de l'une des deux séries de conseillers généraux
étant raccourci en conséquence.
PROPOSITION DE LOI
Article 1
er
L'article L. 191 du code électoral est ainsi rédigé :
« Art. L. 191. - Les conseils généraux sont renouvelés intégralement tous les cinq ans. Les collèges électoraux sont convoqués le même jour que les collèges électoraux convoqués pour le premier tour de l'élection des conseillers régionaux ».
Article 2
L'article L. 192 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 192. - Un décret en Conseil d'Etat répartit le nombre actuel des conseillers généraux de chaque département entre les arrondissements, proportionnellement à leur population respective. Chaque arrondissement doit élire au moins un conseiller général. Au cours de l'année précédant chaque renouvellement, la répartition des sièges par arrondissement est révisée pour tenir compte des évolutions de la population ».
Article 3
L'article L. 193 du même code est ainsi
rédigé :
«
Art. L. 193. -
Les conseillers généraux
sont élus dans chaque arrondissement du département au scrutin de
liste à un tour, à la représentation proportionnelle
suivant la règle de la plus forte moyenne, sans panachage, ni vote
préférentiel.
« Les sièges sont attribués aux candidats
d'après l'ordre de présentation sur chaque liste. Toutefois, les
listes qui n'ont pas obtenu un nombre de voix au moins égal à 10
% des suffrages exprimés ne sont pas admises à la
répartition des sièges.
« Si plusieurs listes ont la même moyenne pour l'attribution du
dernier siège, celui-ci revient à la liste qui a obtenu le plus
grand nombre de suffrages. En cas d'égalité des suffrages, le
siège est attribué au moins âgé des candidats
susceptibles d'être proclamés élus ».
Article 4
L'article L. 210-1 du même code est ainsi
rédigé :
« Art. L. 210-1. -
Une déclaration de candidature est
obligatoire pour chaque liste de candidats. Elle résulte du
dépôt à la préfecture d'une liste comportant autant
de candidats qu'il y a de sièges à pourvoir dans
l'arrondissement. Sur chacune des listes, l'écart entre le nombre de
candidats de chaque sexe ne peut être supérieur à un.
Chaque liste est composée alternativement d'un candidat de chaque
sexe ».
Article 5
L'article L. 210-2 du même code est ainsi
rédigé :
« Art. L. 210-2. -
La déclaration de candidature est
faite collectivement pour chaque liste par le candidat tête de liste ou
par un mandataire porteur d'un mandat écrit établi par ce
candidat. Elle comporte la signature de chaque candidat et indique
expressément : 1° Le titre de la liste ; 2° Les
nom, prénom, sexe, date et lieu de naissance, domicile et profession de
chaque candidat ».
Article 6
Après l'article L. 210-2 du même code, il est
inséré quatre articles ainsi rédigés :
« Art. L. 210-3. -
Nul ne peut être candidat sur plus
d'une liste. Est nul et non avenu l'enregistrement de listes portant le nom
d'un ou plusieurs personnes figurant sur une autre liste de candidats.
« Art. L. 210-4. -
Les déclarations de candidature sont
déposées au plus tard le quatrième lundi qui
précède le jour du scrutin, à midi. Il en est donné
récépissé provisoire. Elles sont enregistrées si
les conditions prévues aux articles L. 194 à L. 196 et L. 210-1
à L. 210-3 sont remplies. Le refus d'enregistrement est
motivé. Un récépissé définitif est
délivré par le représentant de l'Etat dans le
département, après enregistrement, au plus tard le
quatrième vendredi qui précède le jour du scrutin,
à midi ».
« Art. L. 210-5. -
Le candidat placé en tête de
liste, ou son mandataire, dispose d'un délai de 48 heures pour contester
le refus d'enregistrement devant le tribunal administratif dans le ressort
duquel se trouve le chef-lieu du département, qui statue dans les trois
jours. La décision du tribunal administratif ne peut être
contestée qu'à l'occasion d'un recours contre l'élection.
« Lorsque le refus d'enregistrement est motivé par
l'inobservation des dispositions des articles L. 194 à L. 196 ou
L. 210-3, la liste dispose de 48 heures pour se compléter, à
compter de ce refus ou de la décision du tribunal administratif
confirmant le refus.
« Dans le cas prévu à l'alinéa
précédent, la candidature est enregistrée si le tribunal
administratif, saisi par le candidat tête de liste ou son mandataire, n'a
pas statué dans le délai prévu au premier
alinéa ».
« Art. L.210.6 -
Aucun retrait volontaire ou remplacement de
candidat n'est accepté après le dépôt de la liste.
Les listes complètes peuvent être retirées au plus tard le
quatrième samedi précédant le scrutin, à midi. La
déclaration de retrait est signée par la majorité des
candidats de la liste. Il est donné récépissé des
déclarations de retrait ».
Article 7
L'article L. 221 du même code est ainsi
rédigé :
« Art. L. 221. -
Le candidat venant sur une liste
immédiatement après le dernier élu est appelé
à remplacer le conseiller général élu sur cette
liste dont le siège devient vacant pour quelque cause que ce soit.
« Le représentant de l'Etat dans le département notifie
le nom de ce remplaçant au président du conseil
général. Le mandat de la personne ayant remplacé un
conseiller général dont le siège était devenu
vacant expire lors du renouvellement du conseil général qui suit
son entrée en fonction.
« Lorsque les dispositions du premier alinéa du présent
article ne peuvent être appliquées, le siège demeure vacant
jusqu'au prochain renouvellement du conseil général. Toutefois,
si le tiers des sièges d'un conseil général vient à
être vacant par suite du décès de leurs titulaires, il est
procédé au renouvellement intégral du conseil
général dans les trois mois qui suivent la dernière
vacance pour cause de décès, sauf le cas où le
renouvellement général des conseils généraux doit
intervenir dans les trois mois suivant ladite vacance ».
Article 8
I. - A
la fin de l'article L. 216 du même code, les mots :
« à l'un des deux tours de scrutin » sont
supprimés.
II. - Les articles L. 209, L. 219 et L. 220 du même code sont
abrogés.
III. - Dans le premier alinéa de l'article L. 222 du même code,
les mots : « du canton » sont remplacés par les
mots : « de l'arrondissement ».
Article 9
Les dispositions de la présente loi entreront en vigueur pour l'élection des conseillers généraux qui se déroulera en 2004. Le mandat des deux séries de conseillers généraux actuellement en cours d'exercice prendra fin à cette date.