Améliorer les règles de présentation des candidats
N°
339
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2001-2002
Rattaché pour ordre au procès-verbal de la séance du 21
février 2002
Enregistré à la Présidence du Sénat le 26 juin
2002
PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE
tendant à
améliorer
les règles de
présentation
des
candidats
à
l'
élection
présidentielle
,
PRÉSENTÉE
par M. Jean-Louis MASSON
Sénateur.
( Renvoyée à la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement ).
Élections et référendums. |
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
En même temps qu'elle a institué le principe de l'élection
du Président de la République au suffrage universel direct, la
loi référendaire du 6 novembre 1962 a prévu que les
candidats devraient recueillir au préalable un nombre minimum de
«
présentations
» signées par des
élus (maires, conseillers généraux...). Dans le but
d'écarter les candidatures marginales, une loi organique de 1976 a
porté de 100 à 500 le nombre de parrainages requis et de dix
à trente le nombre minimal de départements dont ils doivent
relever. De surcroît, elle a posé le principe de la publication
officielle des parrainages «
dans la limite du nombre requis pour
la validité de la candidature
».
Or, plus encore que celle de 1995, l'élection présidentielle de
2002 a illustré, jusqu'à la caricature, le risque de
dévoiement de la procédure : certains candidats
représentant des courants politiques depuis longtemps présents
dans la vie publique ont éprouvé jusqu'au dernier moment des
difficultés à recueillir le nombre suffisant de signatures,
tandis que d'autres candidats, issus des mouvements politiques très
marginaux comme en témoignent les résultats du premier tour de
scrutin, ont rassemblé leurs parrainages avec facilité. En fait,
la publication des parrainages n'empêche pas la multiplication des
candidatures. Par contre, elle permet des pressions et des menaces de
représailles sur les parrains potentiels, ce qui peut conduire à
éliminer des candidats comptant parmi les plus représentatifs.
Ainsi en 2002 et malgré le filtre des parrainages, il y a eu
16 candidats. M. GLUCKSTEIN est arrivé bon dernier avec seulement
0,47 % des suffrages exprimés (132 686 voix sur 28 498 471). Bien
que sa représentativité ait été quasiment nulle, il
a rassemblé sans problème et très rapidement les
parrainages requis ; il en avait même beaucoup plus que le nombre
nécessaire. M. Jean-Marie LE PEN est lui, arrivé deuxième
au premier tour avec 4 804 713 voix, soit 16,86 % des exprimés (36
fois plus que M. GLUCKSTEIN). Malgré sa représentativité
forte, il n'a rassemblé qu'in extremis le nombre de parrainages requis
et a failli être empêché de se présenter.
Le parrainage n'est pas un soutien électoral au candidat qui en est
bénéficiaire ; toutefois, en raison de la publicité
qui lui est donnée, il est perçu comme tel par l'opinion
publique. De ce fait, des élus qui estimeraient normal de permettre
à un candidat de défendre ses idées dans le débat
démocratique - même s'ils ne les partagent pas - sont
amenés à refuser leur signature. C'est d'autant plus
fréquent que la publication des parrainages est à l'origine de
pression ou de représailles sur les parrains potentiels. Ainsi, à
l'issue de la publication des listes de parrainages, des maires ont
été contraints de démissionner par leur conseil municipal
et les délégations d'un conseiller général ont
été retirées (cf. question écrite n° 39754,
J.O du Sénat du 2 mai 2002). Enfin, d'autres maires ont vu leur commune
privée de subventions départementales ou régionales.
Le vote secret est un des fondements de la démocratie. Il est donc
hypocrite d'exiger des parrainages publics... avec toutes les pressions
politiques, médiatiques ou autres qui s'exercent alors
sélectivement au détriment de ceux des candidats qui sont
victimes de l'ostracisme du microcosme politique. Afin de remédier
à de telles dérives, une proposition de loi a déjà
été déposée en mai 1995 à l'Assemblée
nationale par douze députés, dont l'auteur de la présente
proposition de loi siégeant alors au Palais Bourbon.
Dans la même logique, la présente proposition de loi propose trois
mesures répondant chacune à un objectif précis :
- supprimer la publicité des parrainages. L'objectif est de
réduire les risques de pression ou de menaces de représailles sur
les parrains potentiels,
- exiger pour les candidats bénéficiant de 500 parrainages que
parmi ceux-ci, cinquante au moins émanent d'élus autres que des
maires. L'objectif est d'écarter une partie plus importante des
candidatures fantaisistes, corporatistes ou thématiques,
- ajouter un critère alternatif de représentativité au
profit des candidats ayant obtenu au moins 5 % des suffrages lors de la
précédente élection présidentielle ou étant
présentés par un parti politique ayant obtenu au moins 5 %
des suffrages lors des précédentes élections
législatives. L'objectif est d'éviter qu'un candidat ou un
courant de pensée représentatif et déjà
enraciné puisse être écarté du scrutin par une
manoeuvre ou des pressions auprès des parrains potentiels.
PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE
Article unique
Le
paragraphe I de l'article 3 de la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962
relative à l'élection du Président de la République
au suffrage universel est ainsi modifié :
I - Le deuxième alinéa est remplacé par les dispositions
suivantes :
« Peuvent être candidats à l'élection
présidentielle :
« - les personnes ayant recueilli au moins 5 % des suffrages
exprimés au premier tour de scrutin ouvert pour la
précédente élection du Président de la
République ;
« - les personnes présentées par un parti politique
ayant recueilli au moins 5 % des suffrages exprimés lors du plus
récent renouvellement de l'Assemblée nationale ;
« - les personnes présentées par au moins cinq cents
citoyens membres du Parlement, des conseils régionaux de
l'Assemblée de Corse, des conseils généraux, des
départements de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon, du Conseil de
Paris, de l'assemblée de la Polynésie française, du
congrès et des assemblées de province de la
Nouvelle-Calédonie, de l'assemblée territoriale des îles
Wallis-et-Futuna, maires, maires délégués des communes
associées, maires des arrondissements de Lyon et de Marseille ou membres
élus du Conseil supérieur des Français de
l'étranger. Les présidents des organes délibérants
des communautés urbaines, des communautés d'agglomération
ou des communautés de communes et les ressortissants français
membres du Parlement européen élus en France peuvent
également, dans les mêmes conditions, présenter un candidat
à l'élection présidentielle. Une candidature ne peut
être retenue que si, parmi les signataires de la présentation,
figurent des élus d'au moins trente départements ou territoires
d'outre-mer, sans que plus d'un dixième d'entre eux puissent être
les élus d'un même département ou territoire d'outre-mer.
Une candidature ne peut être retenue que si parmi les signataires de la
présentation, figurent au moins cinquante élus qui assurent la
présentation au titre d'un mandat autre que celui de maire ».
II - Après le troisième alinéa, il est
inséré un nouvel alinéa ainsi rédigé :
« La liste des candidats est établie, préalablement
à sa publication, par le Conseil constitutionnel au vu des demandes
présentées par les candidats au scrutin présidentiel le
plus récent, des désignations opérées par les
partis politiques et des présentations adressées au moins
dix-huit jours avant le premier tour du scrutin ».
III - Le dernier alinéa est supprimé.