Autorité parentale
N°
172
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2000-2001
Annexe au procès-verbal de la séance du 21 décembre 2000
PROPOSITION DE LOI
portant réforme de diverses dispositions relatives à
l'
autorité
parentale
,
PRÉSENTÉE
par Mme Nelly OLIN, MM. Nicolas ABOUT, Louis ALTHAPÉ, Jean BERNARD, James BORDAS, Jean BOYER, Louis BOYER, Mme Paulette BRISEPIERRE, MM. Robert CALMEJANE, Auguste CAZALET, Gérard CORNU, Charles-Henri de COSSÉ-BRISSAC, Xavier DARCOS, Désiré DEBAVELAERE, Luc DEJOIE, Jean DELANEAU, Charles DESCOURS, Michel DOUBLET, Xavier DUGOIN, Daniel ECKENSPIELLER, Michel ESNEU, Alfred FOY, Serge FRANCHIS, Alain GÉRARD, Francis GIRAUD, Alain GOURNAC, Hubert HAENEL, Alain HETHENER, Alain JOYANDET, Patrick LASSOURD, René-Georges LAURIN, Henri LE BRETON, Jacques LEGENDRE, Jean-François LE GRAND, André MAMAN, Max MAREST, Paul MASSON, Serge MATHIEU, Georges MOULY, Philippe NOGRIX, Joseph OSTERMANN, Jacques OUDIN, Jacques PELLETIER, Jacques PEYRAT, Robert Del PICCHIA, Victor REUX et René TRÉGOUËT,
Sénateurs.
(Renvoyée à la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement).
Famille |
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La loi n° 93-22 du 8 janvier 1993 a introduit dans le droit familial
français deux anomalies juridiques qui constituent de dangereux
précédents pour les libertés fondamentales. Au moment
où la Commission des Droits de l'Enfant à l'ONU s'inquiète
du refus opposé par la Cour de cassation à l'application directe
de la Convention Internationale des Droits de l'Enfant, au moment où la
garde à vue d'un " enfant du divorce " âgé de
quatre ans donne de notre système judiciaire une image pour le moins
discutable, il importe que le législateur prenne les devants pour
corriger les erreurs les plus criantes de notre droit. Il ne nous faut plus
prêter le flanc aux critiques pas toujours bien intentionnées que
nous subissons. Et surtout, il nous faut corriger ce droit familial qui s'est
avéré, à l'usage, injuste et inapplicable.
Les anomalies que cherche à corriger la présente proposition de
loi résultent de la précipitation des débats qui, fin
décembre 1992, ont abouti à un compromis entre l'Assemblée
nationale et le Sénat. Huit ans ont passé depuis, avec pour
conséquence divers désordres, dont le moindre n'est pas la
coûteuse saturation de la justice par le contentieux familial, et dont le
plus grave est cette souffrance de si nombreux enfants, parents et
grands-parents.
La proposition de loi présentée ici vise également
à simplifier et à moderniser un code civil qui traite l'enfant
comme objet de propriété avec une nue-propriété
(autorité des deux parents, art. 371-2) et un usufruit (exercice trop
fréquemment monoparental de ladite autorité, art. 372, 374 et
coordonnés). Le même code contient une anormale présomption
d'incompétence de l'un des parents et surprotège l'autre au
détriment du droit de l'enfant à ses deux parents. De plus, est
bloqué le réexamen de situations acquises au même
détriment.
La présente proposition traite à la fois de la suppression
d'anomalies du droit et de la simplification du code civil.
La première grave anomalie de la loi du 8 janvier 1993 est son article
46 qui maintient environ deux millions d'enfants dans un statut purement
artificiel d'orphelinat. Divers textes anciens (contradictoires avec les textes
que constituent la Convention Internationale des Droits de l'Enfant en ses
articles 2 :
non-discrimination, 9 : droit à la famille et
18 : droit à l'éducation par les deux parents, et la
Convention Européenne de Sauvegarde des Libertés Fondamentales en
ses articles 8 : droit à la famille et
14 :
non-discrimination) éliminaient d'office l'un des parents de l'exercice
de l'autorité parentale. Dans de nombreuses familles issues du divorce
et/ou de la séparation cohabitent des enfants de statut
différent. Qu'il suffise de dire par exemple que, dans le cas des
enfants nés hors mariage, le croisement de trois critères
(âge de l'enfant, délai de reconnaissance et cohabitation des
parents) crée huit cas de figure, huit catégories d'enfants.
Il est donc particulièrement surprenant que cet article 46 ait maintenu,
voire aggravé, au titre de " mesures transitoires ", les
situations discriminatoires antérieures à la loi de 1993. Le
motif avancé pour voter un tel article a été celui de la
non-rétroactivité des lois.
Le véritable motif du dispositif d'exclusion gelé par l'article
46 de la loi du 8 janvier 1993 était double :
- d'une part, la pression de ceux qui, confondant monoparentalité et
droit de propriété exclusive, s'accrochent à l'enfant
comme à une chose acquise,
- d'autre part, la gêne de ceux qui refusent de faire repentance pour de
telles injustices et craignent une marée de recours en justice pour la
remise en cause de décisions concernant le passé de
l'enfant ; il est facile de les rassurer en spécifiant que la
réhabilitation des parents exclus ne leur permettra d'intervenir que
pour l'avenir de leur enfant.
Cet article 46 de la loi n° 93-22 est un précédent
extrêmement dangereux pour l'avenir de notre société car il
consiste à annoncer qu'aucune injustice ne peut être
réparée par la loi, aucun nouveau droit conféré.
Il y a donc lieu d'abroger l'article 46, de réhabiliter de plein droit
les parents méritants, par application immédiate des droits
ouverts à tous parents, " anciens " comme
" nouveaux ".
La seconde anomalie de droit est l'introduction, dans un article 372-1 du code
civil, d'un précédent aussi dangereux : la suppression du
droit d'appel. Il s'agit en l'occurrence d'interdire les contestations de la
décision par le juge d'accorder ou de refuser un " certificat de
cohabitation ". Ainsi est sacrifié un principe fondamental, le
droit d'appel.
Il s'agit en second lieu de simplifier le code civil. La responsabilité
parentale est démantelée en " autorité ", d'une
part, et en " exercice de l'autorité ", d'autre part.
Les articles 371-2 et 372-1-1 du code civil suffisent largement à
définir les devoirs et droits des parents et le rôle d'arbitre du
juge en cas de conflit. En effet, l'article 371-2 définit
l'autorité des deux parents pratiquement comme un devoir plus qu'un
droit : cette autorité est destinée au bien de l'enfant.
Quant à l'article
372-1-1, il exprime que l'enfant a un besoin de
stabilité en cas de désaccord entre ses parents et rend le juge
garant de cette stabilité.
L'article 372, qui introduit " l'exercice " de l'autorité
parentale et pose des conditions à cet " exercice ", vide
partiellement de son sens l'article 371-2. Son abrogation supprimerait ainsi
l'ambiguïté entre " l'autorité " et " son
exercice ".
Par coordination, l'article 372-1, qui vise l'impraticable critère de
cohabitation dont se plaignent magistrats et juristes, mérite
également abrogation, d'autant qu'il crée ce dangereux
précédent de refus du droit d'appel.
De même, l'article 374, discriminatoire par sa distinction entre enfants
naturels et légitimes, et discriminatoire contre les pères,
affaiblit gravement l'article 371-2. Il viole aussi l'article 2 de la
Convention Internationale des Droits de l'Enfant qui interdit toute
discrimination. Il n'y a donc que des avantages à abroger cet article
374 et à identifier les statuts des enfants naturels et légitimes.
Ces abrogations présentent l'avantage de supprimer la présomption
d'incompétence du père. Une demande d'exercice d'autorité
parentale par le père est souvent vécue comme un
" procès contre la mère ". Ce préjugé
sera supprimé.
De plus, l'accès à l'âge majeur des enfants de parents
divorcés ne met pas fin aux " monoparentalités "
discriminatoires décrites ci-dessus, puisque l'article 295 du code civil
permet de retirer à ces enfants leur pleine capacité juridique
d'adultes. En effet, cet article permet de confier leur gestion
financière au parent historiquement gardien, et il pourrait
également être abrogé.
Il convient, enfin, vu toutes ces discriminations inscrites dans le droit
antérieur, d'insister auprès du juge sur la stricte
égalité entre enfant naturel, enfant adultérin et enfant
légitime. Un additif à l'article 372-1-1 du code est
proposé.
PROPOSITION DE LOI
Article 1
er
Sont
abrogés l'article 46 de la loi n° 93-22 du
8 janvier 1993
modifiant le code civil relatif à l'état civil, à la
famille et aux droits de l'enfant et instituant le juge aux affaires familiales
et les articles 295, 372, 372-1 et 374 du code civil.
Article 2
Les droits et devoirs ainsi ouverts aux parents sont d'effet immédiat et s'appliquent quelles que soient leurs situations antérieures, sauf déchéance pour mauvais traitement à l'enfant. Ne concernant que le présent et l'avenir de l'enfant, ils ne permettent pas de revenir sur des décisions n'impliquant que son passé.
Article 3
L'article 372-1-1 du code civil est complété par
un
alinéa ainsi rédigé :
" Quel que soit le statut de l'enfant, adultérin, naturel ou
légitime, et de ses parents, le juge aux affaires familiales, en cas de
désaccord entre les parents, applique des règles de droit
identiques, en particulier celles définies par les articles 371-2, 287,
288 et 208 du code civil ".