Accord euro-méditerranéen avec la Jordanie
N°
484
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1999-2000
Rattaché pour ordre au procès-verbal de la séance du 29
juin 2000
Enregistré à la Présidence du Sénat le 27 septembre
2000
PROJET DE LOI
autorisant la ratification de l' accord euro-méditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et le Royaume hachémite de Jordanie , d'autre part (ensemble sept annexes, quatre protocoles, un acte final, douze déclarations communes et un échange de lettres),
PRÉSENTÉ
au nom de M. LIONEL JOSPIN,
Premier ministre,
par M. HUBERT VÉDRINE,
Ministre des affaires étrangères.
( Renvoyé à la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement ).
Traités et conventions. |
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La signature de l'accord euro-méditerranéen établissant
une association entre les Communautés européennes et leurs Etats
membres, d'une part, et le Royaume hachémite de Jordanie, d'autre part,
s'est déroulée le
24 novembre 1997 à Bruxelles. A son
entrée en vigueur, l'accord d'association se substituera à
l'accord de coopération signé le 18 janvier 1977 entre la
Communauté européenne et la Jordanie.
*
* *
L'accord
d'association s'inscrit dans le cadre du renforcement de la politique
méditerranéenne de l'Union, qui s'est traduit par le lancement,
lors de la Conférence de Barcelone en novembre 1995, du partenariat
euro-méditerranéen rassemblant vingt-sept pays des deux rives de
la Méditerranée.
Ce partenariat global s'articule autour de trois grands volets : politique et
sécurité ; économique et financier ; social, culturel et
humain. La négociation d'accords d'association avec chaque partenaire de
la rive sud constitue un élément essentiel de ce partenariat dans
la perspective, arrêtée à Barcelone, de la création
d'une zone de libre-échange euro-méditerranéenne à
l'horizon 2010.
Cette nouvelle donne concerne neuf des douze partenaires
méditerranéens, dont la Jordanie ; pour leur part, la Turquie,
Chypre et Malte avaient conclu dès les années soixante et
soixante-dix des accords d'association prévoyant la mise en place
d'unions douanières avec la Communauté. Les nouveaux accords ne
sont pas seulement destinés à remplacer les accords de
coopération (dont le champ d'application était limité aux
dispositions commerciales et à l'assistance financière), mais
aussi à adapter les relations contractuelles
euro-méditerranéennes à l'évolution des
règles commerciales multilatérales en vigueur depuis l'Uruguay
Round (obligation de réciprocité des concessions et de prise en
compte du secteur des services, notamment). Par ailleurs, la perspective
d'élargissement de l'Union aux pays d'Europe centrale et orientale
(PECO) rendait urgent un rééquilibrage de la politique
extérieure de l'Union vers la Méditerranée. Enfin,
l'entrée en vigueur du Traité de Maastricht, qui a notamment
instauré une politique étrangère et de
sécurité commune, a fait ressortir la nécessité
d'étendre les nouveaux accords aux questions politiques - comprenant
notamment la référence au respect des Droits de l'homme,
considéré comme un « élément
essentiel » de chaque accord.
A la suite de l'adoption par le Conseil des ministres de l'Union
européenne d'un mandat de négociations le 12 juin 1995, la
Commission a pu engager les discussions avec les autorités jordaniennes.
Le processus de négociation s'est déroulé rapidement ; les
aspects les plus délicats de la négociation ont concerné
le démantèlement tarifaire, le volet services, les contingents
agricoles et les dispositions sociales (réadmission et droits des
travailleurs).
L'accord a été paraphé en marge de la Conférence
ministérielle euro-méditerranéenne de Malte (Barcelone II,
15-16 avril 1997). Toutefois, il est apparu que la Commission avait pris
l'initiative d'introduire une « clause évolutive »
sur les contingents agricoles, outrepassant ainsi les termes du mandat qui lui
avait été donné par le Conseil. Ce dernier a alors
chargé la Commission de proposer à la Jordanie le retrait de
cette clause, moyennant une concession améliorée sur le
concentré de tomates, produit intéressant le plus la Jordanie ;
un accord a été trouvé sur la base d'un contingent de 4
000 tonnes de concentré de tomates et l'accord a pu être
signé le 24 novembre 1997.
L'accord signé avec la Jordanie respecte l'épure des accords
euro-méditerranéens déjà conclus avec la Tunisie et
le Maroc. Il s'articule autour de huit titres répondant aux objectifs
suivants :
- établir un dialogue politique ;
- fixer les conditions de la libéralisation progressive des
échanges de biens, de services et de capitaux ;
- assurer le développement de relations économiques et sociales
équilibrées entre les deux Parties ;
- améliorer les conditions de vie et de travail tout en favorisant la
productivité et la stabilité financière ;
- encourager la coopération régionale ;
- mettre en place une coopération dans divers domaines
d'intérêt mutuel.
De même que tous les accords conclus par la Communauté avec les
pays tiers, cet accord dispose (article 2) que le respect des principes
démocratiques et des Droits de l'homme constitue un
élément essentiel de l'accord, dont la violation peut aller
jusqu'à la suspension de ce dernier.
Le titre Ier
prévoit qu'un dialogue politique régulier est
instauré entre les Parties. Il porte sur tous les sujets
présentant un intérêt commun et, plus
particulièrement, sur les conditions propres à garantir la paix,
la sécurité, le respect des Droits de l'homme et le
développement régional. Il se déroule au niveau
ministériel (principalement dans le cadre du Conseil d'association) et
au niveau des hauts fonctionnaires. Un dialogue est également
établi entre le Parlement européen et le Parlement jordanien.
Le titre II
porte sur la libre circulation des marchandises.
L'objectif général est l'établissement d'une zone de
libre-échange, dont la réalisation progressive doit
s'étager sur une période de transition de douze ans au maximum
après l'entrée en vigueur de l'accord, en conformité avec
les règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC).
La Jordanie, qui jusqu'à présent n'accordait aucune concession
à la Communauté, éliminera progressivement les droits sur
ses importations de biens industriels et appliquera des droits réduits
à ses importations de produits agricoles.
De son côté, la Communauté accorde le régime
préférentiel aux exportations jordaniennes ; il convient
cependant de distinguer le régime accordé aux produits
industriels (libre accès au marché communautaire) de celui qui
s'applique aux produits agricoles (concessions). Pour ces derniers, une clause
de rendez-vous est prévue en 2002, année au cours de laquelle les
deux Parties pourront prendre des mesures de libéralisation de leurs
échanges agricoles.
Des clauses de sauvegarde et d'anti-dumping sont également comprises
dans l'accord.
Dans
le titre III
, les Parties conviennent d'élargir le champ
d'application de l'accord au droit d'établissement et à la
libéralisation des prestations de services, selon des modalités
à définir ultérieurement. L'accord prévoit en effet
(article 40) que les Parties examineront, au plus tard cinq ans après
l'entrée en vigueur de l'accord, la possibilité d'étendre
ces dispositions dans le cadre d'un « accord d'intégration
économique » (conformément à l'article V de
l'accord général sur le commerce des services : GATS).
D'ores et déjà, les Parties réaffirment leurs obligations
respectives en vertu du GATS, et notamment l'octroi du traitement de la nation
la plus favorisée.
Le
titre IV
prévoit la libéralisation des paiements
relatifs à des transactions courantes ainsi que la libre circulation des
capitaux concernant les investissements directs.
Des règles de concurrence s'inspirant de celles qui sont en vigueur dans
la Communauté (interdiction de toute pratique susceptible d'affecter le
jeu de la concurrence : accords entre entreprises, abus de position dominante,
aides publiques, monopoles) sont incluses dans l'accord.
Les Parties s'engagent également à protéger, de
manière adéquate et effective, les droits de
propriété intellectuelle, industrielle et commerciale.
Enfin, elles conviennent de libéraliser progressivement les
marchés publics.
La coopération économique
(titre V)
sera renforcée
de manière à accompagner la libéralisation des
échanges en général et la mise en place d'un
libre-échange industriel avec la Communauté en particulier.
Cette coopération a pour objet de favoriser le rapprochement des
économies, le développement des secteurs créateurs
d'emplois et l'intégration régionale, tout en tenant compte de la
nécessité de préserver l'environnement. Une vaste gamme de
domaines de coopération est couverte par l'accord (coopération
régionale, éducation, transports,
télécommunications, énergie, lutte contre la drogue...).
Cette coopération s'organise dans le cadre d'un dialogue
économique régulier entre les Parties, de réunions
d'informations et de programmes d'assistance technique. La création de
coentreprises est également encouragée.
Le
titre VI
concerne la coopération sociale et culturelle.
Les Parties conviennent d'instaurer un dialogue sur les questions sociales,
comprenant les conditions de vie et de travail des travailleurs employés
légalement, les migrations et l'immigration clandestine,
l'égalité de traitement entre ressortissants jordaniens et
communautaires. De manière plus générale, un dialogue
étendu et des actions de coopération en matière sociale
sont prévus, notamment dans le cadre d'un groupe de travail devant
être créé par le Conseil d'association avant la fin de la
première année suivant la date d'entrée en vigueur de
l'accord.
En matière culturelle, les Parties s'engagent à favoriser la mise
en place d'un dialogue. Les activités de coopération dans ce
domaine porteront en particulier sur les programmes en faveur de la jeunesse,
des moyens de communication écrits et audiovisuels et la protection du
patrimoine. Certains programmes communautaires pourront être
étendus à la Jordanie.
Les dispositions du
titre VII
(coopération financière)
restent générales sur les instruments et les moyens qui seront
mis en oeuvre, ceux-ci étant prélevés sur l'enveloppe
globale arrêtée par le Conseil européen pour la
Méditerranée et utilisés dans les conditions fixées
par le règlement financier MEDA.
Des domaines d'application prioritaires sont énumérés :
modernisation de l'économie et des infrastructures, promotion de
l'investissement privé et des activités créatrices
d'emploi, accompagnement des politiques sociales et prise en compte des
conséquences du libre-échange sur l'économie jordanienne.
Par ailleurs, il est précisé que la Communauté pourra,
sous certaines conditions, appuyer les politiques structurelles jordaniennes,
aider à la préservation des grands équilibres financiers
et favoriser la création d'un environnement économique favorable
à l'accélération de la croissance et au bien-être de
la population.
Enfin, un
titre VIII
fixe les dispositions institutionnelles,
générales et finales.
Un Conseil d'association se réunit annuellement au niveau
ministériel. Un Comité d'association est chargé de la
gestion de l'accord au niveau des fonctionnaires.
Les dispositions finales sont traditionnelles : clauses de dénonciation,
de protection des intérêts essentiels de sécurité
territoriale, de non-discrimination et d'arbitrage.
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Telles sont les principales observations qu'appelle l'accord euro-méditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et le Royaume hachémite de Jordanie, d'autre part (ensemble sept annexes, quatre protocoles, un acte final, douze déclarations communes et un échange de lettres), qui est soumis au Parlement en vertu de l'article 53 de la Constitution.
PROJET DE LOI
Le
Premier ministre,
Sur le rapport du ministre des affaires étrangères,
Vu l'article 39 de la Constitution,
Décrète :
Le présent projet de loi autorisant la ratification de l'accord
euro-méditerranéen établissant une association entre les
Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et le
Royaume hachémite de Jordanie, d'autre part (ensemble sept annexes,
quatre protocoles, un acte final, douze déclarations communes et un
échange de lettres), délibéré en Conseil des
ministres après avis du Conseil d'Etat, sera présenté au
Sénat par le ministre des affaires étrangères, qui sera
chargé d'en exposer les motifs et d'en soutenir la discussion.
Article unique
Est
autorisée la ratification de l'accord euro-méditerranéen
établissant une association entre les Communautés
européennes et leurs Etats membres, d'une part, et le Royaume
hachémite de Jordanie, d'autre part (ensemble sept annexes, quatre
protocoles, un acte final, douze déclarations communes et un
échange de lettres) fait à Bruxelles le 24 novembre 1997, et dont
le texte est annexé à la présente loi.
Fait à Paris, le 27 septembre 2000
Signé : LIONEL JOSPIN
Par le Premier ministre :
Le ministre des affaires étrangères,
Signé : Hubert VÉDRINE