N° 560
SÉNAT
PREMIÈRE SESSION EXTRAORDINAIRE DE 1997-1998
Rattaché pour ordre au procès-verbal de la séance du 8 juillet 1998
Enregistré à la Présidence du Sénat le 26 août 1998
PROJET DE LOI
autorisant l'approbation de la convention d'établissement entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République togolaise
PRÉSENTÉ
au nom de M. LIONEL JOSPIN,
Premier ministre,
par M. HUBERT VÉDRINE,
ministre des affaires étrangères.
(Renvoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces années, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)
Traités et conventions. - Togo.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Signée en même temps, le 13 juin 1996, que la convention relative à la circulation et au séjour des personnes dont la procédure d'approbation est achevée en France, la convention d'établissement franco-togolaise précise les droits des nationaux de chacune des parties contractantes établis sur le territoire de l'autre. Elle en est le complément et, à ce titre, en est indissociable.
Le nouveau texte ne s'écarte pas du projet type élaboré en 1991 par les ministères des affaires étrangères, de l'intérieur, des affaires sociales et de la coopération avec le souci de ne reprendre, autant que possible, que les dispositions pertinentes des accords antérieurs sur le même objet, en éliminant ou en modifiant les stipulations qui suscitaient des difficultés, en raison soit de l'évolution de la législation interne respective (tes deux Etats, soit de l'existence d'autres engagements internationaux (clauses sur la fiscalité, émergence du droit communautaire)* La partie française souhaitait ainsi assurer ce partenaire africain de sa volonté de conforter les droits de ses ressortissants en France tout en procédant à l'indispensable actualisation d'un accord vieux de trente ans. L'accord précédent datait du 10 juillet 1963 et avait été signé en même temps que les textes concernant la coopération culturelle, la coopération technique, la coopération économique, monétaire et financière.
L'article 1 er garantit aux ressortissants d'une partie contractante sur le territoire de l'autre le libre exercice des libertés publiques dans les mêmes conditions que les nationaux.
L'article 2 reconnaît aux ressortissants de chaque Etat contractant, sur le territoire de l'autre, le droit d'entrer et de sortir librement, de se déplacer et de s'installer, dans le respect des dispositions de la convention relative à la circulation et au séjour du 13 juin 19%. Il contient la réserve habituelle concernant le maintien de l'ordre public et la protection de la santé et de la sécurité publiques dont la mise en oeuvre doit résulter de l'application de la règle de droit.
L'article 3 traite de l'égalité de traitement en matière d'accès aux juridictions et d'exercice des droits civils à caractère patrimonial sauf, dans ce dernier domaine, dérogation imposée par des motifs impérieux d'intérêt national, restriction justifiée par la volonté de maintenir, par exception au principe général d'assimilation au national figurant dans cet article, l'application du droit interne français dans certains cas tels que l'interdiction faite aux étrangers d'exercer des activités commerciales touchant des intérêts vitaux pour notre pays (fabrication d'armes et de munitions, exploration et exploitation des fonds marins, activités minières et pétrolières, etc.) ou le plafonnement de la participation de capitaux étrangers dans la constitution de certaines sociétés (radiodiffusion et télévision, presse, banque).
L'article 4 concerne la protection accordée aux biens, droits et intérêts des ressortissants d'un Etat contractant sur le territoire de l'autre.
L'article 5 autorise l'accès à toutes les professions salariées et non salariées, sauf - comme dans l'accord de 1974 - dérogation justifiée par la situation économique et sociale de l'Etat d'accueil. Il renvoie purement et simplement l'exercice des professions libérales à la réglementation nationale, sans reprendre la réserve contenue dans la convention du 10 juillet 1963.
L'article 6 interdit toute mesure arbitraire ou discriminatoire à rencontre des biens et intérêts d'un ressortissant d'un Etat contractant établi dans l'autre Etat, y compris en cas d'expropriation ou de nationalisation, cas dans lesquels une indemnité juste et préalable doit être accordée, ce qui constitue une amélioration par rapport à la situation antérieure (article 7 de la convention de 1963).
L'article 7 fixe la procédure en matière d'expulsion et d'éloignement qui tient compte des nécessités d'ordre pratique qui s'imposent dans ce type de situation. Elle supprime l'obligation qui existait dans le texte antérieur (article 12), et qui était particulièrement contraignante, d'un décret du Premier ministre.
L'article 8 règle les questions liées au départ définitif volontaire.
L'article 9 étend aux personnes morales les droits reconnus par la convention aux personnes physiques.
L'article 10 renvoie à la législation interne de l'Etat d'accueil pour les points non traités par l'accord. Cette disposition définit clairement la loi applicable en cas de contentieux sur un sujet touchant l'établissement, mais qui ne relèverait pas du champ d'application matériel de la convention.
L'article 11 propose des mécanismes adaptés pour résoudre les difficultés qui pourraient surgir à propos de l'interprétation ou de l'application de la convention: règlement amiable par la voie diplomatique ou, si les problèmes persistent, réunion d'une commission ad hoc à l'initiative de l'une ou l'autre partie contractante.
L'article 12 règle le champ territorial d'application, limité, en ce qui nous concerne, aux départements métropolitains et d'outre-mer.
L'article 13 contient les clauses finales qui, d'une part, abrogent la convention d'établissement franco-togolaise du 10 juillet 1963 et, d'autre part, précisent les modalités d'entrée en vigueur, la durée de validité et, le cas échéant, les conditions de dénonciation.
Telles sont les principales observations qu'appelle la convention franco-togolaise d'établissement qui est soumise au Parlement en vertu de l'article 53 de la Constitution.
PROJET DE LOI
Le Premier ministre,
Sur le rapport du ministre des affaires étrangères,
Vu l'article 39 de la Constitution,
Décrète :
Le présent projet de loi autorisant l'approbation de la convention d'établissement entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République togolaise, délibéré en Conseil des ministres après avis du Conseil d'Etat, sera présenté au Sénat par le ministre des affaires étrangères, qui sera chargé d'en exposer les motifs et d'en soutenir la discussion.
Article unique
Est autorisée l'approbation de la convention d'établissement entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République togolaise, signée à Lomé le 13 juin 1996 et dont le texte est annexé à la présente loi.
Fait à Paris, le 26 août 1998.
Par le Premier ministre :
Signé: LIONEL JOSPIN
Le ministre des affaires étrangères,
Signé: HUBERT VÉDRINE
CONVENTION D'ÉTABLISSEMENT
entre le Gouvernement de la République française
et le Gouvernement de la République togolaise,
signée à Lomé le 13 juin 1996
Le Gouvernement de la République
française, d'une part, et
Le Gouvernement de
la République togolaise, d'autre
part,
Considérant les liens d'amitié
entre les deux pays,
Désireux d'assurer
à leurs nationaux respectifs, sur le territoire de l'autre Etat, un
statut conforme aux rapports entre les deux pays sur la base de la
réciprocité, de l'égalité et de
l'intérêt mutuel,
sont convenus des dispositions
suivantes :
Article 1 er
Les nationaux de chacune des Parties
contractantes jouissent, sur le territoire de l'autre Partie, des
libertés publiques dans les mêmes conditions que les nationaux de
cette dernière.
Sont notamment garantis,
conformément aux principes énoncés par la
Déclaration universelle des droits de l'homme, le libre exercice des
activités culturelles, religieuses, économiques,
professionnelles, sociales, et les libertés individuelles et publiques
telles que la liberté de pensée, de conscience, de religion et de
culte, d'opinion, d'expression, de réunion, d'association, ainsi que la
liberté syndicale.
Ces droits et
libertés s'exercent conformément à la législation
de chacune des Parties contractantes.
Article 2
Les nationaux de chacune des Parties
contractantes entrent sur le territoire de l'autre Partie, y voyagent, y
établissent leur résidence dans le lieu de leur choix et en
sortent à tout moment, dans les conditions prévues par la
Convention entre le Gouvernement de la République française et le
Gouvernement de la République togolaise du 13 juin 1996 relative
à la circulation et au séjour des
personnes.
Cette disposition ne porte pas atteinte
au droit de chaque Partie de prendre les mesures nécessaires au maintien
de l'ordre public, à la protection de la santé et de la
sécurité publiques.
Dans ce cas,
chacune des Parties contractantes veillera à ce que les mesures qu'elle
prendrait à l'égard des ressortissants de l'autre Partie soient
exécutés dans le respect des droits et garanties reconnus
à la personne humaine par les accords et conventions internationaux
auxquels les deux Etats sont Parties.
Article 3
Les nationaux de chacune des Parties
contractantes ont accès aux juridictions de l'autre Partie dans les
mêmes conditions que les nationaux de cette dernière
Partie.
Les nationaux de chacune des Parties
contractantes jouissent sur le territoire de l'autre Partie du droit d'investir
des capitaux, d'acquérir, de posséder, gérer ou louer tous
biens, meubles et immeubles, droits et intérêts, d'en jouir et
d'en disposer dans les mêmes conditions que les nationaux de cette Partie
sauf dérogations imposées par des motifs impérieux
d'intérêt national.
Article 4
Chacune des Parties contractantes s'engage à accorder sur son territoire un traitement juste et équitable aux biens, droits et intérêts apppartenant à des nationaux de l'autre Partie, à leur assurer la pleine protection légale et judiciaire, et à faire en sorte que l'exercice du droit ainsi reconnu ne soit pas entravé.
Article 5
Les nationaux de chacune des Parties
contractantes peuvent exercer sur le territoire de l'autre Etat des
activités commerciales, agricoles, industrielles et artisanales, ainsi
que des activités salariées, dans la mesure où le permet
le marché de l'emploi.
Les nationaux de l'une
des Parties contractantes peuvent être autorisés, sur le
territoire de l'autre Partie, à exercer une profession libérale,
selon les modalités définies par la législation de cette
dernière Partie.
Article 6
Aucun national de l'une des Parties contractantes ne peut être frappé, sur le territoire de l'autre Partie, d'une mesure arbitraire ou discriminatoire de nature à compromettre ses biens ou ses intérêts, notamment lorsque ceux-ci consistent en une participation directe ou indirecte à l'actif d'une société ou autre personne morale. Ces biens ne peuvent être l'objet d'expropriation pour cause d'utilité publique ou nationalisation que moyennant le paiement préalable d'une juste indemnité.
Article 7
Lorsque l'une des Parties prend une
mesure d'expulsion à l'égard d'un ressortissant de l'autre Partie
dont la présence constitue une menace grave pour l'ordre public, elle en
informe l'autorité consulaire en lui précisant les motifs de
cette décision.
Pour les autres mesures
d'éloignement (reconduite à la frontière et interdiction
du territoire), elle tient régulièrement informée
l'autorité consulaire de l'ensemble des décisions
prononcées à l'encontre de ses
ressortissants.
Dans tous les cas, l'autorité
consulaire accomplira, s'il y a lieu, et dans les délais utiles, toutes
les formalités nécessaires à la délivrance des
documents de circulation transfrontière.
Les
autorités de l'une des Parties ayant prononcé une mesure
d'éloignement à l'encontre d'un ressortissant de l'autre Partie,
sauf en cas d'expulsion prononcée en urgence absolue, sont tenues de lui
permettre d'avertir immédiatement un conseil, son consulat ou une
personne de son choix, afin d'assurer la sauvegarde de ses biens et
intérêts privés.
Article 8
Chacune des Parties contractantes s'engage à autoriser les nationaux de l'autre Partie résidant sur son territoire et qui le quittent définitivement, volontairement ou non, à emporter leurs effets personnels, leurs outils et instruments de travail, leur mobilier, leurs économies et les produits de leur travail ainsi que le produit de la vente de leurs immeubles, dans le respect de la législation du pays d'accueil.
Article 9
Les personnes morales constituées conformément à la législation d'une Partie contractante et ayant leur siège social sur son territoire jouissent, sur le territoire de l'autre Partie, des droits reconnus par la présente Convention aux personnes physiques, pour autant qu'une personne morale puisse en être bénéficiaire.
Article 10
Les points non traités par la présente Convention sont régis par la législation interne de chaque Etat.
Article 11
Chacune des Parties contractantes
accordera une considération bienveillante à l'application des
dispositions de la présente Convention, compte tenu des relations
d'amitié existant entre les deux pays.
En cas
de difficultés, les deux Gouvernements chercheront un règlement
amiable par la voie diplomatique et pourront, en tant que de besoin,
réunir une commission
ad hoc.
A
la demande de l'une ou l'autre Partie, la commission
ad hoc
se
réunira également pour examiner toute autre question relative
à l'établissement des personnes.
Article 12
La présente Convention
s'applique :
Pour la France, au territoire
métropolitain de la République française ainsi qu'à
ses départements d'outre-mer ;
Pour le
Togo, à l'ensemble du territoire de la République togolaise.
Article 13
La présente Convention abroge et
remplace la Convention d'établissement entre la France et le Togo du
10 juillet 1963.
Elle est conclue pour une
période de cinq ans à compter de son entrée en
vigueur. A l'expiration de cette période, elle est renouvelable
annuellement par tacite reconduction, sauf dénonciation par l'une des
Parties contractantes.
La dénonciation devra
être notifiée par la voie diplomatique six mois avant
l'expiration de chaque période.
Chacune des
Parties notifiera à l'autre l'accomplissement des procédures
internes requises, en ce qui la concerne, pour la mise en vigueur de la
présente Convention qui prendra effet le premier jour du deuxième
mois suivant la réception de la dernière
notification.
Fait à Lomé, le
13 juin 1996 en deux exemplaires originaux.
Pour le Gouvernement
de la République française :
Jacques Godfrain,
Ministre de la
coopération
Pour le Gouvernement
de la République
togolaise :
Barry Moussa Barque
Ministre
des
affaires étrangères
et de la coopération