Disponible au format Acrobat (418 Koctets)
N° 327
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1996 - 1997
Rattaché pour ordre au procès-verbal de la séance du 22 avril 1997.
Enregistré à la Présidence du Sénat le 23 avril 1997.
PROJET DE LOI
relatif à l 'interdiction de la fabrication et de l 'exportation des mines antipersonnel,
PRÉSENTÉ
au nom de M. ALAIN JUPPÉ,
Premier ministre,
par M. HERVÉ DE CHARETTE,
ministre des affaires étrangères.
(Renvoyé à la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)
Armes. - Mines antipersonnel
EXPOSÉ DES MOTIFS
MESDAMES, MESSIEURS,
La France est particulièrement préoccupée par la dissémination et l'usage indiscriminé des mines antipersonnel, qui continuent à faire des ravages dans les populations civiles bien après les conflits. Elle figure parmi les pays les plus engagés dans les opérations de déminage, de sensibilisation des populations civiles au problème des mines et de formation de démineurs locaux à travers des programmes nationaux ou internationaux.
Ainsi la France n'a pas exporté de mines antipersonnel depuis plus de dix ans. En outre, la France a prononcé un moratoire sur leur exportation en février 1993 comme sur leur production en septembre 1995. Enfin, la France est à l'origine de la révision du protocole II sur l'interdiction ou la limitation de l'emploi des mines, pièges et autres dispositifs, qu'elle se prépare à ratifier.
Mais, afin de donner force de loi à la position de la France en la matière, le Gouvernement soumet au Parlement un projet de loi interdisant toute fabrication et toute exportation de mines antipersonnel.
Toute infraction à cette interdiction fera l'objet d'une peine de cinq ans d'emprisonnement et de 500 000 F d'amende, sans préjudice des dispositions du code des douanes. Ces peines pourront être complétées par la privation des droits civiques, civils et de famille, par l'interdiction d'exercer l'activité professionnelle au sein de laquelle l'infraction a été commise, par la fermeture de l'établissement ayant servi à commettre l'infraction et par la confiscation des choses ayant servi à produire les mines ; la confiscation de ces dernières étant obligatoire. Il est également prévu de pouvoir déclarer responsables les personnes morales, autres que l'État. Conformément au code pénal, ces personnes morales encourent des amendes égales à cinq fois le montant prévu pour les personnes physiques (2 500 000 F dans le cas présent) et d'autres peines comme l'interdiction d'exercer une activité professionnelle ou l'exclusion des marchés publics.
Le Gouvernement s'engage également, conformément au communiqué du Conseil des ministres du 2 octobre 1996, à présenter annuellement au Parlement un rapport sur l'application de la présente loi.
Ce rapport comportera en outre les éléments suivants :
- point sur l'exécution du programme national de réduction par destruction des stocks ;
- situation internationale et actions diplomatiques entreprises par le Gouvernement en faveur de la lutte contre les mines antipersonnel ;
- état de la recherche de moyens de substitution ;
- nombre de dérogations éventuelles, autorisées par le Gouvernement, à l'interdiction de l'utilisation des mines antipersonnel.
PROJET DE LOI
Le Premier ministre,
Sur le rapport du ministre des affaires étrangères,
Vu l'article 39 de la Constitution,
Décrète :
Le présent projet de loi relatif à l'interdiction de la fabrication et de l'exportation des mines antipersonnel, délibéré en Conseil des ministres après avis du Conseil d'État, sera présenté au Sénat par le ministre des affaires étrangères, qui sera chargé d'en exposer les motifs et d'en soutenir la discussion.
Article 1er
La fabrication et l'exportation des mines antipersonnel sont interdites.
Article 2
Par mines antipersonnel, il faut entendre tout engin placé sous ou sur le sol ou une autre surface ou à proximité, et conçu pour exploser du fait de la présence, de la proximité ou du contact d'une personne et destiné à mettre hors de combat, blesser ou tuer une ou plusieurs personnes. Les mines conçues pour exploser du fait de la présence, de la proximité ou du contact d'un véhicule, par opposition à une personne, et qui sont équipées de dispositif antimanipulation ne sont pas considérées comme des mines antipersonnel au motif qu'elles sont ainsi équipées.
Article 3
La fabrication ou l'exportation de mines antipersonnel sont punies de cinq ans d'emprisonnement et de 500 000 F d'amende.
La tentative des délits prévus à l'alinéa précédent est punie des mêmes peines.
Article 4
Les personnes coupables des infractions prévues par l'article 3 encourent également les peines complémentaires suivantes :
1° la privation, suivant les modalités prévues par l'article 131-26 du code pénal, des droits civiques, civils et de famille ;
2° l'interdiction, suivant les modalités prévues par l'article 131-27 du code pénal, d'exercer l'activité professionnelle ou sociale dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise ;
3° la fermeture, pour une durée de cinq ans au plus, de l'un, de plusieurs ou de l'ensemble des établissements de l'entreprise ayant servi à commettre l'infraction ;
4° la confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction ou de la chose qui en est le produit ; la confiscation des mines antipersonnel est obligatoire.
Article 5
Les personnes morales peuvent être déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues par l'article 121-2 du code pénal, des infractions prévues par l'article 3.
Les peines encourues par les personnes morales sont :
1° l'amende, suivant les modalités prévues par l'article 131-38 du code pénal ;
2° les peines mentionnées à l'article 131-39 du code pénal.
L'interdiction mentionnée au 2° de l'article 131-39 du code pénal porte sur l'activité dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise.
Fait à Paris, le 23 avril 1997
Signé : ALAIN JUPPÉ
Par le Premier ministre :
Le ministre des affaires
étrangères,
Signé : HERVÉ DE CHARETTE