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N° 391

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1995-1996

Annexe au procès-verbal de la séance du 29 mai 1996.

PROJET DE LOI

relatif à l'entreprise nationale France-Télécom,

PRÉSENTÉ

au nom de M. ALAIN JUPPÉ,

Premier ministre,

par M. FRANCK BOROTRA,

ministre de l'industrie, de la poste et des télécommunications.

et par M. FRANÇOIS FILLON,

ministre délégué à la poste, aux télécommunication et à l'espace.

(Renvoyé à la commission des Affaires économiques et du Plan sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)

Postes et télécommunications. - Établissements publics industriels et commerciaux ( EPIC ) - État actionnaire - Fonctionnaires - France-Télécom - Service public

EXPOSÉ DES MOTIFS

MESDAMES, MESSIEURS,

La loi de réglementation des télécommunications, qui organise le secteur des télécommunications dans la perspective de son ouverture complète à la concurrence au 1er janvier 1998, fixe le cadre dans lequel évoluera France Télécom. L'ouverture à la concurrence constitue, aussi, un défi pour cette entreprise, qui revêt une importance stratégique dans l'économie française et est chargée d'assurer un service public essentiel dans notre pays.

Ce projet a pour objet de préparer et d'adapter France Télécom à ces nouveaux enjeux, c'est-à-dire pour lui permettre de jouer un rôle mondial dans ce secteur et d'assurer sur notre territoire un service public de qualité.

I - Les objectifs de la réforme

Constitué par la loi du 2 juillet 1990 sous forme de personne morale de droit public, France Télécom est aujourd'hui régi par les règles applicables aux établissements publics industriels et commerciaux. Ce statut "sur mesure" n'est plus adapté au nouvel environnement des télécommunications et à la rapidité de ses évolutions : France Télécom est dépourvu de capital social.

La perspective de l'ouverture à la concurrence, à très courte échéance, rend nécessaire une évolution du statut de l'entreprise lui permettant d'affronter la compétition avec les mêmes atouts que ses concurrents.

C'est, en premier lieu, le meilleur moyen de garantir la viabilité à long terme des missions de service public dont France Télécom a la charge, que de donner à l'entreprise les atouts compétitifs d'une structure moins administrative.

En second lieu, le statut actuel de France Télécom, quatrième opérateur mondial de télécommunications, qui doit rester un acteur international de premier plan, rend difficile la conclusion d'alliances stratégiques durables et le prive de la mobilité stratégique et financière dont disposent ses compétiteurs. France Télécom est aujourd'hui le seul des vingt premiers opérateurs mondiaux à ne pas être constitué sous forme de société commerciale.

En troisième lieu, la forme juridique actuelle de France Télécom n'est pas favorable à la clarification nécessaire des relations entre l'entreprise et l'État.

Celles-ci passent par une définition claire, du rôle de l'État qui sera directement l'actionnaire majoritaire de l'entreprise et non par les mécanismes classiques de tutelle sur les établissements publics. La création parallèle d'une autorité de régulation des télécommunications permettra, par ailleurs, au Gouvernement d'assurer clairement ses responsabilités d'actionnaire majoritaire de l'entreprise, sans confusion des rôles.

Ces, pourquoi il est proposé de constituer l'exploitant public France Télécom en une entreprise nationale qui aura la forme d'une société anonyme dont l'État détiendra directement la majorité du capital social, en apportant au personnel les garanties qu'il attend.

II - Les garanties apportées au personnel

Pour répondre aux attentes que suscite l'évolution de la forme juridique de l'entreprise chez les agents de France Télécom, le Gouvernement a apporté des garanties précises, clairement et formellement inscrites dans ce projet.

a) La garantie des missions de service public

La première garantie concerne le rôle et la mission de France Télécom comme opérateur public chargé d'assurer un service public national des télécommunications de qualité pour tous.

La loi de réglementation des télécommunications réaffirme son rôle d'opérateur du service public. Elle garantit qu'au 1er janvier 1998 France Télécom, seul capable d'assurer en totalité la fourniture du service universel, sera chargé d'offrir, comme aujourd'hui, sur l'ensemble du territoire le service du téléphone, ainsi qu'un service d'annuaire et de renseignement universels et la desserte du territoire en cabines publiques. Elle met également en place les mécanismes de financement du service universel du téléphone par l'ensemble des opérateurs de service téléphonique au public.

b) La garantie de la propriété directe majoritaire du capital par l'État

France Télécom restera une entreprise publique, majoritairement détenue par l'État.

Le projet prévoit que France Télécom sera, à compter du 31 décembre 1996, transformée en entreprise nationale, dont l'État détiendra directement plus de la moitié du capital social (article premier). Le projet prévoit également que l'ensemble du personnel, y compris les fonctionnaires, pourra devenir actionnaire de France Télécom, dans les conditions prévues par les dispositions de la loi du 24 juillet 1966 et de la loi du 6 août 1986 relatives à l'actionnariat des salariés ; 10 % du capital seront proposés au personnel (article 9).

Cette entreprise sera régie, sauf disposition contraire nécessaire pour assurer la continuité du service public, par la législation de droit commun sur les sociétés anonymes.

Cette entreprise reprendra l'ensemble des biens, droits et obligations de l'exploitant public France Télécom, à la seule exception de ceux nécessaires à l'enseignement supérieur dans les télécommunications, dont France Télécom assure actuellement le fonctionnement. Ces missions de service public d'enseignement supérieur dans les télécommunications relèvent, en effet, de la responsabilité de l'État, et la loi de réglementation des télécommunications en a prévu la prise en charge par l'État, à compter de l'exercice budgétaire de 1997 (article premier).

c) La garantie du statut des fonctionnaires

Les agents de France Télécom, qui sont fonctionnaires, conserveront leur statut de fonctionnaire et les garanties d'emploi et de retraite qui y sont associées.

Le statut des fonctionnaires de l'État reste entièrement maintenu. Le projet indique clairement que les personnels fonctionnaires de France Télécom restent soumis aux articles 29 et 30 de la loi du 2 juillet 1990 : ils restent régis par les statuts particuliers pris en application des lois de 1983 et de 1984 portant respectivement droits et obligations des fonctionnaires et dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État. Les corps de classification de France Télécom, créés par les décrets du 25 mars 1993 relèvent conformément au premier alinéa de l'article 29, des titres I et II du statut général des fonctionnaires.

Les corps de fonctionnaires actuellement affectés à France Télécom seront rattachés à la nouvelle société et gérés par le président de celle-ci, comme ils le sont actuellement par le président de la personne morale de droit public. Ceci concerne tous les fonctionnaires de France Télécom, à l'exception de ceux relevant de statuts interministériels ou de corps d'administration centrale, visés au deuxième alinéa de l'article 44 de la loi du 2 juillet 1990, lesquels demeureront rattachés au ministre chargé des postes et télécommunications (article 5).

L'État garantit les droits à pension de retraite des fonctionnaires, acquis ou à acquérir. En outre, il continuera à verser directement ces pensions. À cet effet, la réforme du système actuel des retraites assurera parallèlement à l'entreprise une égalisation des conditions de concurrence avec les autres entreprises du secteur au regard des niveaux de charges sociales et fiscales obligatoires pesant sur les salaires.

III - Le respect des conditions nécessaires pour asseoir ces garanties

Le projet apporte ces garanties dans le respect des règles et principes de nature constitutionnelle : il respecte, en effet, toutes les conditions qui, aux termes de l'avis du Conseil d'État du 18 novembre 1993, sont nécessaires pour permettre que les corps de fonctionnaires de l'État soient placés auprès de la société anonyme France Télécom.

En premier lieu, le Gouvernement conserve une entière liberté de choix pour nommer le président de France Télécom, qui pourra être considéré comme une autorité subordonnée au sens de l'article 4 de l'ordonnance du 28 novembre 1958. Rien ne s'oppose donc à ce que la loi délègue à ce dernier le pouvoir de nommer les fonctionnaires des corps rattachés à l'entreprise nationale.

L'entreprise nationale sera, en effet, soumise à la loi de démocratisation du secteur public : le président de son conseil d'administration sera nommé, conformément à l'article 10 de la loi du 26 juillet 1983, par décret, sur proposition du conseil d'administration.

Cette modalité de nomination n'est pas de nature à limiter la liberté de choix du Gouvernement, compte tenu de la composition du conseil d'administration. En effet, celui-ci sera, comme aujourd'hui, composé de 21 membres, nommés conformément à la loi de démocratisation du secteur public. L'État y demeurera en tout état de cause, majoritaire. Il conservera la possibilité de nommer les tiers du conseil. Afin d'assurer la continuité des organes dirigeants de France Télécom, les administrateurs, notamment salariés, conserveront leur mandat au sein du conseil d'administration jusqu'à leur terme (article 10-5).

En second lieu le projet respecte les conditions nécessaires pour garantir le respect du principe constitutionnel énoncé par le Conseil d'État dans son avis du 18 novembre 1993, selon lequel des corps de fonctionnaires de l'État ne peuvent être constitués et maintenus qu'en vue de pourvoir a l'exécution de missions de service public.

Elles sont au nombre de quatre :

- Les missions de service public confiées à France Télécom sont définies et figurent dans son objet social : cette condition résulte tant de la loi de réglementation des télécommunications, qui définit les missions de service public et en charge France Télécom, que de l'article 3 de la loi du 2 juillet 1990 relatif à l'objet de France Télécom, qui reste entièrement applicable.

- Le projet indique explicitement que le capital de cette société sera détenu majoritairement et directement par l'État, responsable en dernier ressort du bon fonctionnement du service public national des télécommunications.

- Les règles essentielles du cahier des charges de France Télécom, prévu par l'article 8 de la loi du 2 juillet 1990, imposent le respect des obligations garantissant la bonne exécution du service public.

La loi de réglementation comporte, en outre, des dispositions spécifiques et précises permettant de contrôler les tarifs et la qualité du service universel du téléphone. S'il convient de maintenir le principe et les objectifs principaux du contrat de plan, par contre, les dispositions de l'article 9 de la loi du 2 juillet 1990 précisant en particulier que les objectifs dans le domaine des tarifs sont déterminés dans le cadre du contrat de plan n'ont donc pas lieu d'être maintenues. De même, les règles d'affectation des résultats relèveront selon le droit commun, des organes de la société (article 2).

- Enfin, il est clair que la nature d'organisme de droit privé de France Télécom ne pourra avoir pour conséquence qu'il puisse être porté atteinte au principe de continuité du service public.

En effet, l'entreprise France Télécom restera propriétaire des réseaux de télécommunications nécessaires à la fourniture du service public dont elle a la charge, que l'État lui a transférés en 1990.

Afin de permettre le maintien de ces réseaux dans le patrimoine de France Télécom, il est mis fin à la domanialité publique des biens de France Télécom que le projet déclasse à la date de leur transfert. Mais l'État gardera, malgré ce déclassement, les moyens d'empêcher qu'il soit porté atteinte à la continuité du service public. À cette fin, il pourra, et devra, s'opposer à toute cession ou apport d'élément de réseaux nécessaire à la continuité du service public, ou subordonner la réalisation d'une telle opération portant sur un tel élément à la condition qu'elle ne préjudicie pas à la bonne exécution des obligations de service public de France Télécom (article 4).

Enfin, le projet écarte l'application des dispositions qui seraient contraires à la loi du 2 juillet 1990 et viendraient donc faire obstacle à la continuité du service public (article premier).

IV - La réforme des conditions de recrutement et de financement des retraites

Compte tenu de l'évolution du statut de l'opérateur, il est apparu nécessaire d'engager deux réformes pour que France Télécom puisse participer à la concurrence dans des conditions satisfaisantes : celles des conditions de recrutement et celles des conditions de financement des charges sociales obligatoires supportées par France Télécom.

a) Les conditions de recrutement (article 5)

Compte tenu de la transformation de France Télécom en société anonyme, il est apparu nécessaire que les conditions de recrutement des nouveaux agents puissent, à l'issue d'une période de transition, être les mêmes que celles de ses concurrents.

C'est pourquoi le projet prévoit que :

- d'une par, France Télécom pourra recruter librement du personnel employé sous régime des conventions collectives sans être tenu au caractère exceptionnel de cette possibilité qui lui a été reconnue en 1990 ;

- d'autre part, France Télécom pourra recruter par voie externe des agents fonctionnaires en position d'activité jusqu'au 1er janvier 2002. Au delà de cette période de transition, France Télécom pourra faire appel des fonctionnaires en position de détachement ou de disponibilité comme toute entreprise publique.

Le recrutement d'agents contractuels de droit public par France Télécom a pris fin avec la loi du 2 juillet 1990 (article 44, cinquième alinéa). La situation des agents de cette catégorie actuellement à France Télécom est inchangé. Leur contrat se poursuivra avec la nouvelle société et ils seront représentés dans le nouveau comité paritaire crée, dans le collège prévu pour les contractuels (article 5).

b) Les conditions de financement des retraites (article 5)

Dans un environnement où France Télécom ne disposera plus de droits exclusifs, le niveau des charges sociales obligatoires de l'entreprise nationale sera un élément de compétitivité. Pour que France Télécom puisse faire face à la concurrence dans des conditions, il est nécessaire que ses charges sociales obligatoires soient comparables à celles des autres entreprises du secteur. L'objectif est donc d'assurer que le coût, pour France Télécom, d'une rémunération nette donnée versée à un agent soit le même que celui pesant sur ses concurrents.

Dans cette optique, le niveau des charges de retraites est le principal élément à prendre en considération.

France Télécom emploie aujourd'hui environ 150 000 personnes dont plus de 97 % sont des fonctionnaires qui relèvent du régime spécial de retraite de la fonction publique, défini dans le code des pensions civiles et militaires (PCM). Les agents contractuels sont, pour leur part, assujettis au régime général de sécurité sociale et cotisent à des régimes complémentaires obligatoires : IRCANTEC pour les agents contractuels de droit public et ARRCO-AGIRC pour les salariés régis par la convention collective.

S'agissant des fonctionnaires, l'article 30 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications a posé le principe selon lequel les pensions des fonctionnaires de France Télécom sont versées par l'État, point que le projet proposé ne modifie pas, et qu'elles sont intégralement remboursées à l'État par France Télécom.

Ce remboursement s'effectue, d'une part, grâce à une retenue effectuée sur le traitement des fonctionnaires dont le taux, aujourd'hui de 7,85 %, est fixé par le code des PCM et, d'autre part, grâce à une contribution complémentaire, assimilable à une cotisation patronale, permettant la prise en charge intégrale des pensions des agents retraités de France Télécom.

La caractéristique principale du régime des PCM est d'être un régime à prestations définies : le versement annuel de France Télécom au titre des retraites n'est pas une cotisation à caractère libératoire mais correspond aux versements effectifs des pensions payées aux retraités de France Télécom. Ce système conduit ainsi France Télécom à s'engager sur le futur pour assurer le financement en tant que de besoin des retraites de ses fonctionnaires. C'est la raison pour laquelle France Télécom provisionne ses charges de retraites ; ce provisionnement est toutefois partiel : 17,5 milliards de francs sont inscrits en provisions au bilan à la fin de 1995.

Ce régime se différencie nettement d'un régime à cotisations libératoires, où le versement des contributions effectué par l'entreprise, proportionnel à la masse salariale, est juridiquement déconnecté du niveau des pensions servies et libère ainsi l'entreprise de tout engagement sur le futur.

Dans le cas de figure où le système actuel serait maintenu et compte tenu tant des hypothèses faites sur le niveau de l'emploi que de la pyramide des âges de France Télécom, les charges de retraites connaîtront une évolution tendancielle jusqu'en 2005 puis leur croissance sera brutale. Le ratio "charges de retraites des fonctionnaires sur masse salariale des fonctionnaires" augmenterait sensiblement selon les études réalisées, le taux passerait de 28,9 % en 1995 à 35,6 % en 2000. Il croîtrait fortement à l'horizon 2010.

Le maintien du système actuel de retraites conduirait donc, à terme, à une hausse très significative de la contribution de France Télécom, ce qui pénaliserait sa capacité concurrentielle.

Dans ces conditions l'objectif du projet de loi est de maintenir en l'état le système de retraites des agents fonctionnaires de France Télécom, tout en permettant à France Télécom de participer à la concurrence dans des conditions satisfaisantes.

Il prévoit donc d'instaurer une contribution employeur à caractère libératoire versée par France Télécom à l'État. Cette contribution se substituera aux versements actuels de France Télécom.

Afin que les conditions de concurrence soient globalisées non seulement en ce qui concerne les charges de retraites, mais aussi en ce qui concerne les autres charges sociales et fiscales obligatoires, le taux retenu devra permettre d'égaliser le niveau des charges sociales et fiscales obligatoires pesant sur les salaires entre France Télécom et les autres entreprises du secteur des télécommunications, pour les risques qui sont communs aux salariés de droit commun et aux fonctionnaires de l'État, c'est-à-dire en excluant la cotisation chômage.

Le transfert d'une partie des charges de retraites des fonctionnaires au budget général, crée une charge nouvelle pour l'État. Afin d'en diminuer l'importance, il est prévu que France Télécom versera à l'État une contribution exceptionnelle dont le montant sera fixé en 1996 en loi de finances. Cette contribution sera unique ; son versement pourrait être fractionné.

V - Les autres mesures d'accompagnement social

Le texte contribue à mettre en place d'autres garanties essentielles pour le personnel. Elles concernent l'expression des intérêts collectifs, la négociation et la participation des salariés aux fruits de l'expansion.

a) L'expression collective (article 5)

En vue d'assurer l'expression collective des intérêts du personnel et de garantir le paritarisme qui constitue pour les fonctionnaires de France Télécom une garantie essentielle, tout en tenant compte de la proportion croissante de personnel employé sous régime des conventions collectives, il est institué un comité paritaire.

Ce comité exercera les attributions confiées aux organismes paritaires de la fonction publique, notamment en matière de recrutement et de statuts particuliers. Il assurera également des attributions d'ordre économique concernant l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise.

Il permettra ainsi aux agents fonctionnaires et aux agents non titulaires de droit public ou relevant de la convention collective d'être représentés au prorata de leurs effectifs respectifs au sein de l'entreprise.

b) La négociation (article 7)

En matière sociale, la conclusion d'accords collectifs, notamment dans les domaines de l'emploi, de la formation, de l'organisation et des conditions de travail doit être privilégiée.

À cette fin, des structures de concertation et de négociation seront établies, après avis des organisations syndicales, au niveau national et au niveau local. Elles assureront notamment le suivi des accords signés. Une commission paritaire de conciliation pourra être saisie pour favoriser le règlement amiable en cas de différend sur l'interprétation des accords.

Les discussions menées avec les partenaires sociaux dans le cadre de la préparation de ce projet ont montré l'intérêt d'engager sans délai des négociations au sein de France Télécom en vue d'un accord sur l'emploi qui permette de tirer les conséquences de cette réforme. C'est pourquoi le Gouvernement a souhaité inscrire dans la loi le principe de négociation d'un tel accord avant la création de l'entreprise nationale au 31 décembre 1996. Cet accord devra porter notamment sur les départs anticipés volontaires en fin de carrière, les conditions de recrutement des fonctionnaires jusqu'au 1er janvier 2002, la gestion des carrières, l'emploi des jeunes...

c) La participation (article 8)

L'ensemble des personnels de France Télécom, y compris les fonctionnaires, pourra bénéficier de la participation aux résultats de l'entreprise et des plans d'épargne d'entreprise.

VI - Dispositions transitoires et diverses (articles 10 et 11)

1 - Les éléments nécessaires à la constitution et au fonctionnement initiaux de l'entreprise sont déterminés : les statuts initiaux seront déterminés par décret en Conseil d'État, leurs modifications ultérieures pouvant intervenir selon le droit commun des sociétés. Le montant du capital initial et le bilan d'ouverture de l'entreprise nationale seront établis par les ministres chargés de l'économie, du budget et des télécommunications.

Le conseil d'administration actuel de France Télécom constituera le premier conseil d'administration de la société et sera maintenu jusqu'à la date d'expiration de son mandat (article 10).

2 - L'entreprise nationale ne sera plus soumise aux dispositions modifiées (aux articles 10, 23, 30 et 31 de la loi de 1990) par la présente loi précédemment applicables à l'exploitant public France Télécom. Ces dispositions n'auront donc vocation à s'appliquer, après le 31 décembre 1996, qu'à La Poste.

Par conséquent, pour éviter toute ambiguïté, il est nécessaire de procéder à un certain nombre de modifications purement grammaticales des articles issus de la loi du 2 juillet 1990, dont la rédaction initiale de 1990 concerne a la fois France Télécom et La Poste.

Un article final balaye ces dispositions (article 11).

PROJET DE LOI

Le Premier ministre,

Sur le rapport du ministre de l'industrie, de la poste et des télécommunications, et du ministre délégué à la poste, aux télécommunications et à l'espace,

Vu l'article 39 de la Constitution,

Décrète :

Le présent projet de loi relatif à l'entreprise nationale France Télécom, délibéré en Conseil des ministres après avis du Conseil d'État, sera présenté au Sénat par le ministre de l'industrie, de la poste et des télécommunications, et par le ministre délégué à la poste, aux télécommunications et à l'espace, qui seront chargés d'en exposer les motifs et d'en soutenir la discussion.

Article premier.

Il est inséré dans la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications un article 1-1 ainsi rédigé :

"Art. 1-1. - 1. La personne morale de droit public France Télécom mentionnée a l'article premier est transformée à compter du 31 décembre 1996 en une entreprise nationale dénommée France Télécom, dont l'État détient directement plus de la moitié du capital social.

"Cette entreprise est soumise aux dispositions de la présente loi en tant que celle-ci concerne l'exploitant public France Télécom, et, dans la mesure où elles ne sont pas contraires à la présente loi, aux dispositions législatives applicables aux sociétés anonymes.

"2. Les biens, droits et obligations de la personne morale de droit public France Télécom sont transférés de plein droit, au 31 décembre 1996, à l'entreprise nationale France Télécom à l'exception de ceux mentionnés à l'alinéa suivant. Les biens de la personne morale de droit public France Télécom relevant du domaine public sont déclassés à la même date.

"Les biens, droits et obligations de la personne morale de droit public France Télécom nécessaires aux missions de service public d'enseignement supérieur des télécommunications sont transférés à l'État. Un arrêté des ministres chargés de l'économie, du budget et des télécommunications détermine la liste des biens, droits et obligations dont il s'agit.

"Les transferts mentionnés aux deux alinéas précédents sont effectués à titre gratuit et ne donnent lieu ni à indemnité, ni à perception de droits ou taxes, ni au versement de salaires ou honoraires.

"3. Le dernier alinéa de l'article 37 de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 modifiée relative à la démocratisation du secteur public est applicable à l'entreprise nationale France Télécom."

Art. 2.

L'article 9 de la loi du 2 juillet 1990 précitée est modifié ainsi qu'il suit : au début de la seconde phrase du second alinéa, le mot : "Il" est remplacé par les mots : "Le contrat de plan de La Poste".

Art. 3.

Il est inséré dans la même loi un article 10-1 ainsi rédigé :

"Art. 10-1. - Les articles 5 à 13 de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public sont applicables au conseil d'administration de France Télécom, sous réserve des dispositions suivantes :

"a) le conseil d'administration de France Télécom est composé de vingt et un membres ;

"b) pour l'application de l'article 5 de la loi susmentionnée du 26 juillet 1983, les représentants de chacune des catégories définies au premier alinéa dudit article sont au nombre de sept."

Art. 4.

Il est inséré dans la même loi un article 23-1 ainsi rédigé :

" Art. 23-1. - Lorsqu'un élément d'infrastructure des réseaux de télécommunications est nécessaire à la bonne exécution par France Télécom des obligations de son cahier des charges, et notamment à la continuité du service public, l'État s'oppose à sa cession ou à son apport ou subordonne leur réalisation à la condition qu'ils ne préjudicient pas à la bonne exécution desdites obligations, compte tenu notamment des droits reconnus à France Télécom dans la convention passée avec le cessionnaire ou le destinataire de l'apport.

"Le cahier des charges de France Télécom fixe les modalités de la procédure d'opposition mentionnée ci-dessus qui est prescrite à peine de nullité de la cession ou de l'apport."

Art. 5.

Il est inséré dans la même loi un article 29-1 ainsi rédigé :

" Art. 29-1. - 1. Au 31 décembre 1996, les corps de fonctionnaires de France Télécom sont rattachés à l'entreprise nationale France Télécom et placés sous l'autorité de son président qui dispose des pouvoirs de nomination et de gestion à leur égard. Les personnels fonctionnaires de l'entreprise nationale France Télécom demeurent soumis aux articles 29 et 30 de la présente loi.

"L'entreprise nationale France Télécom peut procéder jusqu'au 1er janvier 2002 à des recrutements externes de fonctionnaires pour servir auprès d'elle en position d'activité.

"L'entreprise nationale France Télécom emploie librement des agents contractuels sous le régime des conventions collectives.

"2. En vue d'assurer l'expression collective des intérêts du personnel, il est crée auprès du président de France Télécom, par dérogation à l'article 15 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984, un comité paritaire. Ce comité est informé et consulté notamment sur l'organisation, la gestion et la marche générale de l'entreprise ainsi que sur les questions relatives au recrutement des personnels et les projets de statuts particuliers. Ce comité est présidé par le président de France Télécom ou son représentant. Outre des représentants de l'entreprise, il comprend un collège représentant les agents fonctionnaires et un collège représentant les agents relevant de la convention collective ainsi que les agents non titulaires de droit public mentionnés à l'article 44 de la présente loi.

"Ces deux collèges se répartissent les sièges réservés aux représentants des personnels en tenant compte de la proportion de chacune des deux catégories dans l'effectif global de l'entreprise nationale. Un décret en Conseil d'État précise les attributions et les modalités de fonctionnement de ce comité ainsi que sa composition. Il précise également les cas dans lesquels le comité siège en formation plénière ou en formation paritaire limitée à l'un des deux collèges."

Art. 6.

À l'article 30 de la même loi, il est inséré, après le b), un c) et un d) ainsi rédigés :

" c) s'agissant de l'entreprise nationale France Télécom, une contribution employeur à caractère libératoire, due à compter du 1er janvier 1997, en proportion des sommes payées à titre de traitement soumis à retenue pour pension. Le taux de la contribution libératoire est calculé de manière à égaliser les niveaux de charges sociales et fiscales obligatoires assises sur les salaires entre France Télécom et les autres entreprises du secteur des télécommunications relevant du droit commun des prestations sociales, pour ceux des risques qui sont communs aux salariés de droit commun et aux fonctionnaires de l'État. Ce taux peut faire l'objet d'une révision en cas de modification desdites charges. Les modalités de la détermination et du versement à l'État de la contribution employeur sont fixées par décret en Conseil d'État ;

d) à la charge de l'entreprise nationale France Télécom, une contribution forfaitaire exceptionnelle, dont le montant et les modalités de versement seront fixes en loi de finances avant le 31 décembre 1996."

Art. 7.

Il est inséré dans la même loi un article 31-1 ainsi rédigé :

" Art 31-1 - 1. France Télécom recherche par la négociation et la concertation la conclusion d'accords avec les organisations syndicales, tout particulièrement dans les domaines de l'emploi, de la formation, de l'organisation et des conditions de travail, de l'évolution des métiers et de la durée de travail. À cette fin, après avis des organisations syndicales représentatives, France Télécom établit, au niveau national et au niveau local, des instances de concertation et de négociation qui suivent également l'application des accords signés. En cas de différend sur l'interprétation de ces derniers, une commission paritaire de conciliation, dont la composition est fixée par décret, est saisie afin de favoriser le règlement amiable du différend.

"2. Avant le 31 décembre 1996, président de France Télécom négociera avec les organisations syndicales représentatives un accord sur l'emploi à France Télécom, portant notamment sur :

"- le temps de travail ;

"- les conditions de recrutement de personnels fonctionnaires jusqu'au 1er janvier 2002 ;

"- la gestion des carrières des personnels fonctionnaires et contractuels ;

"- les départs anticipés de personnels ; "- l'emploi des jeunes;

"- l'évolution des métiers.

Art. 8.

L'article 32 de la même loi est complété par un quatrième alinéa ainsi rédigé :

"Les dispositions du chapitre 2 et du chapitre 3 du titre IV du livre IV du code du travail sont applicables à l'ensemble des personnels de France Télécom, y compris ceux visés aux articles 29 et 44 de la présente loi, à compter de l'exercice 1997."

Art. 9.

Il est inséré dans la même loi un article 32-1 ainsi rédigé :

" Art. 32-1. - Les dispositions des articles 208-1 à 208-19 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 modifiée sur les sociétés commerciales, des articles 11 à 14 de la loi n° 86-912 du 6 août 1986 modifiée relative à l'actionnariat des salariés et du chapitre 3 de la loi n° 88-1201 du 23 décembre 1988 relative aux organismes de placement collectif en valeurs mobilières et portant création de fonds communs de créances s'appliquent également aux agents ou anciens agents mentionnés aux articles 29 et 44 de la présente loi, affectés à France Télécom ou ayant été affectés pendant au moins cinq ans à la personne morale de droit public France Télécom ou à l'entreprise nationale France Télécom.

"Dans ce cadre, 10 % du capital de France Télécom seront proposés au personnel de l'entreprise."

Art. 10.

Il est ajouté à la même loi un article 49 ainsi rédigé :

" Art. 49. - 1. Les statuts initiaux de l'entreprise nationale France Télécom sont déterminés par décret en Conseil d'État. Ils pourront être modifiés dans les conditions prévues pour les sociétés anonymes par la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales dès lors que l'État ne détiendra plus la totalité du capital.

"2. Le capital social au 31 décembre 1996 de l'entreprise nationale est, dans sa totalité, détenu directement par l'État. Son montant est établi à partir des fonds propres figurant au bilan de l'exploitant public au 31 décembre 1995 et en tenant compte des dispositions de la présente loi.

"3. Le bilan au 31 décembre 1996 de l'entreprise nationale France Télécom est constitué à partir du bilan au 1er janvier 1996 de l'exploitant public et du compte de résultat de celui-ci pour l'exercice 1996.

"Le bilan de l'exploitant public au 1er janvier 1996 pourra prévoir l'imputation sur la situation nette des charges exceptionnelles prévues par la présente loi.

"4. Le capital social de l'entreprise nationale au 31 décembre 1996 et le bilan de l'exploitant public au 1er janvier 1996 sont fixés par arrêté conjoint des ministres de l'économie, du budget et des télécommunications.

"5. Les membres du conseil d'administration de France Télécom en fonction le 30 décembre 1996 constituent le conseil d'administration de l'entreprise nationale France Télécom jusqu'à la date d'expiration de leur mandat, sous réserve de l'application des articles 12 et 13 de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 modifiée relative à la démocratisation du secteur public."

Art. 11.

La loi du 2 juillet 1990 précitée est modifiée comme suit à compter du 31 décembre 1996 :

I - au premier alinéa de l'article 10, les mots : "chaque exploitant public est doté" sont remplacés par les mots : "La Poste est dotée" ;

II - au deuxième alinéa de l'article 10, les mots : "Les conseils d'administration de La Poste et de France Télécom sont composés" sont remplacés par les mots : "Le conseil d'administration de La Poste est composé" ;

III - au dernier alinéa de l'article 10, les mots : "ces conseils d'administration" sont remplacés par les mots : "ce conseil d'administration" ;

IV - au premier alinéa de l'article 23, les mots :"Chaque exploitant" sont remplacés par les mots : "La Poste" ;

V - au deuxième alinéa de l'article 23, les mots : "et de France Télécom" sont supprimés et les mots : "aux deux exploitants publics" sont remplacés par les mots : "à cet exploitant public", les mots : "leurs activités" sont remplacés par les mots : "son activité", les mots "leur patrimoine immobilier" sont remplacés par les mots : "son patrimoine immobilier" et les mots : "leur domaine public" sont remplacés par les mots : "son domaine public " ;

VI. - au début du b) de l'article 30 sont insérés les mots : " s'agissant de La Poste,";

VII - à l'avant-dernier alinéa de l'article 30, les mots : "et de France Télécom" sont supprimés et les mots : "aux exploitants publics" sont remplacés par les mots : "à l'exploitant public" ;

VIII - au premier alinéa de l'article 31, les mots : "les exploitants publics peuvent" sont remplacés par les mots : " La Poste peut" ;

IX - au second alinéa de l'article 31, les mots : "mentionnés à l'alinéa précédent" sont remplacés par les mots : "employés sous le régime des conventions collectives" ;

X - à la deuxième phrase de ce même alinéa, les mots : "les agents mentionnes à l'alinéa précédent" sont remplacés par les mots : " les agents de La Poste".

Fait à Paris, le 29 mai 1996

Par le Premier ministre : Signé : ALAIN JUPPÉ

Le ministre de l'industrie, de la poste et des télécommunications : Signé : FRANCK BOROTRA

Le ministre délégué à la poste, aux télécommunications et à l'espace : Signé : FRANÇOIS FILLON

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