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N° 267
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1995-1996
Annexe au procès-verbal de la séance du 13 mars 1996.
PROJET DE LOI
ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,
relatif au contrôle de la fabrication et du commerce de certaines substances susceptibles d'être utilisées pour la fabrication illicite de stupéfiants ou de substances psychotropes,
TRANSMIS PAR
M. LE PREMIER MINISTRE
A
M. LE PRÉSIDENT DU SÉNAT
(Renvoyé à la commission des Affaires économiques et du Plan, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)
L'Assemblée nationale a adopté, en première lecture, le projet de loi dont la teneur suit :
Voir les numéros :
Assemblée nationale (10 e législ.) : 2014 rect., 2578 et T.A. 492.
Stupéfiants.
Article 1 er .
La fabrication, la transformation, le transport, le stockage, le courtage et la mise à disposition de tiers à titre onéreux ou gratuit de substances susceptibles d'être utilisées pour la fabrication illicite de stupéfiants ou de substances psychotropes sont soumis aux dispositions de la présente loi.
La liste de ces substances, regroupées en trois catégories selon la nature et la gravité du risque qu'elles présentent en vue de la production de stupéfiants et de substances psychotropes, est fixée par décret.
Chacune des catégories est soumise aux obligations spécifiques définies par la présente loi.
TITRE PREMIER
DES ÉCHANGES INTRACOMMUNAUTAIRES
Art. 2.
Les substances de première catégorie ne peuvent être fabriquées, transformées et mises à disposition de tiers, à titre onéreux ou gratuit, que par des personnes agréées ; elles ne peuvent être échangées qu'entre personnes agréées. Les conditions de délivrance et de retrait de cet agrément sont fixées par décret en Conseil d'État.
Pour les personnes domiciliées ou ayant leur principal établissement dans un autre État membre de la Communauté européenne, l'agrément est celui prévu par la législation de cet État.
Art. 3.
Les personnes menant les opérations mentionnées à l'article 2 pour les substances de la deuxième catégorie sont tenues de déclarer au ministre chargé de l'industrie les adresses des locaux dans lesquels elles poursuivent ces activités.
Art. 4.
Les personnes mettant à disposition de tiers à titre onéreux ou gratuit des substances des première et deuxième catégories doivent détenir et pouvoir présenter à l'administration les documents permettant de connaître, pour chaque opération, de manière certaine, la nature et la quantité de la substance, les noms et adresses des fournisseurs, distributeurs et destinataires. Une attestation du destinataire doit préciser l'usage des substances.
Pour les opérations conduisant à la mise à disposition de tiers, à titre onéreux ou gratuit, de substances de deuxième catégorie, un décret en Conseil d'État détermine les documents simplifiés nécessaires pour les transactions répétées et, lorsque les quantités en cause ne dépassent pas un certain seuil, les conditions dans lesquelles l'obligation mentionnée au premier alinéa peut être levée.
TITRE II
DISPOSITIONS COMMUNES AUX ÉCHANGES
INTRACOMMUNAUTAIRES ET EXTRACOMMUNAUTAIRES
Art. 5.
Pour leur mise à disposition de tiers, à titre onéreux ou gratuit, leur importation, leur exportation ou leur transit, les substances dont la liste est fixée par le décret prévu à l'article premier doivent faire l'objet d'un marquage permettant de connaître leur nom tel qu'il est mentionné dans cette liste.
Art. 6.
Les personnes menant les opérations mentionnées à l'article premier pour les substances inscrites sur la liste du décret prévu au même article sont tenues de déclarer au ministre chargé de l'industrie toutes opérations, telles que commandes ou transactions inhabituelles, lorsque celles-ci laissent à penser que ces substances peuvent être détournées pour la fabrication illicite de stupéfiants ou de substances psychotropes.
Art. 7.
Toute information de nature à modifier la portée de la déclaration prévue à l'article 6 doit être immédiatement communiquée au ministre chargé de l'industrie.
Art. 8.
Pour les opérations ayant fait l'objet de la déclaration mentionnée à l'article 6, aucune poursuite fondée sur l'article 226-13 du code pénal ne peut être intentée contre une personne physique ou morale qui, de bonne foi, a fait cette déclaration.
Aucune action en responsabilité civile ou administrative ne peut être intentée, ni aucune sanction professionnelle prononcée, contre une personne physique ou morale qui a fait de bonne foi une déclaration mentionnée à l'article 6. En cas de préjudice résultant directement d'une telle déclaration, l'État répond du dommage subi. Ces dispositions s'appliquent même si la preuve du caractère délictueux des faits à l'origine de la déclaration n'est pas apportée ou si ces faits ont fait l'objet d'une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement.
Art. 9.
A la demande du ministre chargé de l'industrie, les personnes menant les opérations mentionnées à l'article premier lui communiquent, dans un délai fixé par décret, les informations de caractère global sur lesdites opérations.
Ces personnes sont également tenues de fournir au ministre chargé de l'industrie les informations qu'il leur demande sur toute commande de substances inscrites sur la liste établie par le décret prévu à l'article premier ou sur toute opération dans laquelle interviennent certaines de ces substances.
Art. 10.
Les agents de l'administration des douanes et les agents assermentés habilités par le ministre chargé de l'industrie exercent les contrôles nécessaires en vue de vérifier le respect des obligations inscrites dans la présente loi ainsi que des textes pris pour son application par une personne qui y est assujettie.
A ce titre, ils peuvent :
a) Accéder aux établissements et aux locaux professionnels dans lesquels sont fabriquées ou stockées des substances figurant sur la liste fixée par le décret prévu à l'article premier ou à partir desquels il est fait commerce desdites substances ;
b) Prendre communication et copie de l'agrément de la personne mentionnée à l'article 2 lorsqu'il est obligatoire et, pour une opération donnée, des documents commerciaux la concernant tels que factures, manifestes, pièces administratives, documents de transport et autres documents d'expédition ainsi que, s'il y a lieu, les documents relatifs à l'importation, à l'exportation et au transit desdites substances ;
c) Prélever ou faire prélever en leur présence, si nécessaire, des échantillons dans des conditions définies par décret en Conseil d'État.
Art. 11.
Les contrôles et prélèvements prévus à l'article 10 sont pratiqués pendant les heures de travail des services concernés de l'établissement et en présence du directeur de l'établissement ou de son représentant.
Art. 12.
Les agents procédant à un contrôle dressent un procès-verbal de leurs constatations.
Une copie de ce procès-verbal est remise à la personne contrôlée et l'original est adressé au ministre chargé de l'industrie.
Art. 13.
Au plus tard douze mois après la constatation d'un manquement aux obligations prescrites par l'article 2 de la présente loi ou par le premier alinéa du 1 de l'article 2 bis du règlement (CEE) n° 3677/90 du Conseil, du 13 décembre 1990, relatif aux mesures à prendre afin d'empêcher le détournement de certaines substances pour la fabrication illicite de stupéfiants ou de substances psychotropes, le ministre chargé de l'industrie invite la personne concernée à prendre connaissance du dossier et à présenter ses observations dans un délai d'un mois.
Passé ce délai et au vu du procès-verbal constatant le manquement et des observations susmentionnées, le ministre chargé de l'industrie prend une décision motivée pouvant ordonner le paiement d'une amende au plus égale :
1° Pour les mises à disposition de tiers à titre onéreux faites sans agrément, au total du chiffre d'affaires réalisé par ces mises à disposition sans agrément depuis le 1 er janvier de la troisième année précédant l'année de la constatation du manquement ;
2° Pour les fabrications, transformations et mises à disposition de tiers à titre gratuit faites sans agrément, au triple de la valeur en stock des produits à la date de la constatation du manquement.
Art. 14.
Au plus tard douze mois après la constatation d'un manquement aux obligations prescrites par les articles 3, 4 ou 5 de la présente loi ou par le 2 de l'article 2 bis ou le deuxième alinéa de l'article 3 du règlement (CEE) n° 3677/90 du 13 décembre 1990 précité, le ministre chargé de l'industrie invite la personne concernée à prendre connaissance du dossier et à présenter ses observations dans un délai d'un mois.
Passé ce délai et au vu du procès-verbal constatant le manquement et des observations susmentionnées, le ministre chargé de l'industrie prend une décision motivée pouvant ordonner le paiement d'une amende au plus égale à 10 000 F par manquement.
Art. 15.
En cas de retard dans la transmission d'une information qui doit lui être communiquée à sa demande conformément à l'article 9 de la présente loi ou au dernier alinéa de l'article 3 du règlement (CEE) n° 3677/90 du 13 décembre 1990 précité, le ministre chargé de l'industrie invite la personne concernée à présenter ses observations dans un délai de huit jours.
Passé ce délai et au vu des observations susmentionnées, le ministre chargé de l'industrie prend une décision motivée accordant à la personne concernée un nouveau délai de huit jours pour satisfaire aux obligations auxquelles elle est assujettie. Cette décision peut ordonner une astreinte journalière de 1 000 F si la personne concernée maintient à l'expiration de ce dernier délai son refus de communiquer les documents ou informations demandés.
Art. 16.
Lorsqu'un procès-verbal dressé conformément aux dispositions de l'article 12 constate qu'une personne refuse aux agents de l'administration d'exercer leur pouvoir de contrôle prévu par l'article 10, le ministre chargé de l'industrie invite, dans les trois mois qui suivent l'établissement du procès-verbal, la personne ayant opposé ce refus à prendre connaissance du dossier et à présenter ses observations dans un délai d'un mois.
Passé ce délai, au vu du procès-verbal constatant le refus et des observations susmentionnées, le ministre chargé de l'industrie prend une décision motivée et accorde à la personne ayant opposé le refus un délai de huit jours pour mettre fin à son opposition. Cette décision peut ordonner une astreinte journalière pouvant atteindre 5 000 F si la personne concernée persiste dans son refus à l'expiration de ce dernier délai.
Art. 17.
Les amendes et les astreintes mentionnées dans la présente loi ne peuvent porter sur des faits remontant à plus de trois ans s'il n'a été accompli dans ce délai aucun acte tendant à leur recherche, leur constatation ou leur sanction.
Art. 18.
Les amendes et les astreintes mentionnées dans la présente loi sont versées au Trésor. Leur recouvrement est poursuivi comme en matière de douane.
Art. 19.
Les décisions du ministre chargé de l'industrie prises en application des articles 13, 14, 15 et 16 sont susceptibles de recours de pleine juridiction.
Art. 20.
La présente loi ne s'applique pas à la collectivité territoriale de Saint-Pierre-et-Miquelon.
Délibéré en séance publique, à Paris, le 12 mars 1996.
Le Président,
Signé : PHILIPPE SÉGUIN.