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N° 87
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1995-1996
Annexe au procès-verbal de la séance du 22 novembre 1995.
PROJET DE LOI
en faveur du
développement
des
emplois de services
aux
particuliers,
PRÉSENTÉ
au nom de M. ALAIN JUPPÉ,
Premier ministre,
par M. Jacques BARROT,
ministre du travail et des affaires sociales.
(Renvoyé à la commission des Affaires sociales sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.)
Emploi. - Chèque emploi service - Code général des impôts - Code du travail.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La politique de l'emploi menée par le Gouvernement est résolument dirigée vers l'augmentation de l'intensité de la croissance en emplois. Les mesures mises en oeuvre jusqu'à présent ont concerné l'abaissement du coût du travail, l'emploi des chômeurs de longue durée et des allocataires du RMI et l'insertion et la qualification des jeunes. Le contenu de la croissance en emplois doit également être amélioré par l'aide à la création de nouvelles activités, notamment grâce au développement des services aux personnes. C'est plus particulièrement sur ce dernier point que porte le présent projet de loi.
Le développement des activités de service aux particuliers constitue en effet une des voies majeures de création d'emplois susceptible de contribuer à la lutte contre le chômage.
Le Gouvernement considère qu'il existe encore trois types de freins à ce développement :
- une trop grande complexité dans le processus administratif d'emploi direct,
- une demande de la part des ménages insuffisamment solvable,
- une offre de services insuffisante, parcellisée et qui répond encore mal à l'exigence de qualité attendue.
Le présent projet de loi s'attache donc à lever ces différents obstacles et répond également par ses orientations à un objectif de lutte contre le travail au noir.
Le chèque emploi service, créé le 1er décembre 1994, est une innovation destinée à simplifier radicalement les obligations administratives à la charge des employeurs de salariés à domicile. Sa mise en oeuvre, à titre expérimental et limitée au travail occasionnel, s'est traduite par un véritable succès puisque, dix mois après son lancement, l'objectif annuel initial de 300 000 chéquiers était dépassé.
Il est proposé de pérenniser ce dispositif en l'étendant au-delà du travail occasionnel, car il a largement contribué à développer les services à domicile, en levant notamment les obstacles psychologiques à l'embauche comme en témoignent les 300 000 employeurs à domicile qui ont opté pour son utilisation.
Afin de développer la demande de services aux personnes, il est prévu d'offrir la possibilité aux comités d'entreprise ou aux entreprises elles-mêmes, en l'absence de comités d'entreprise, d'aider financièrement les salariés de ces entreprises qui ont recours à ces services. Cette aide, non assimilée à un salaire, est exonérée de charges sociales mais demeure imposable au titre de l'impôt sur le revenu.
Pour accroître l'offre de services aux personnes, il est proposé de favoriser de nouvelles initiatives grâce à l'extension du champ de l'agrément des emplois familiaux à des entreprises industrielles, artisanales ou commerciales. Les particuliers faisant appel à ces entreprises pourront ainsi bénéficier de la réduction d'impôt sur le revenu prévue à cet usage.
D'autre part, le développement de ces activités et leur ancrage dans les habitudes de consommation des ménages passe par l'amélioration de la qualité des services rendus, partant, de l'élévation du niveau de compétence des salariés. Une obligation légale de financement de la formation professionnelle à la charge des employeurs de 0,15 % est créée à cet effet.
PROJET DE LOI
Le Premier Ministre,
Sur le rapport du ministre du travail et des affaires sociales,
Vu l'article 39 de la Constitution,
Décrète :
Le présent projet de loi en faveur du développement des emplois de services aux particuliers, délibéré en Conseil des ministres après avis du Conseil d'État, sera présenté au Sénat par le ministre du travail et des affaires sociales, qui sera chargé d'en exposer les motifs et d'en soutenir la discussion.
Article premier.
L'article L. 129-1 du code du travail est ainsi modifié :
1° L'avant-dernier alinéa est remplacé par les dispositions suivantes :
"Dans le cas prévu au 2° ci-dessus, et lorsque les associations assurent la fourniture de prestations de services à des personnes physiques, les dispositions de l'article L. 322-4-7 ne sont pas applicables." ;
2° Les six premiers alinéas sont regroupés dans un paragraphe I ;
3° Il est inséré, après le I, un II ainsi rédigé :
"II - Les entreprises dont les activités concernent exclusivement les tâches ménagères ou familiales doivent également être agréées par l'État lorsqu'elles souhaitent que la fourniture de leurs services au domicile des personnes physiques ouvre droit au bénéfice de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 sexdecies du code général des impôts.
"Le mode de paiement de ces prestations de services doit permettre l'identification du payeur et du destinataire." ;
4° Le dernier alinéa est remplacé par un III ainsi rédigé :
"III - Un décret détermine les modalités et conditions de délivrance des agréments prévus au présent article."
Art. 2.
Sont insérés au chapitre IX du titre II du livre premier du même code, après l'article L. 129-1, les articles L. 129-2 et L. 129-3 ainsi rédigés :
"Art. L. 129-2.- Un chèque-service peut être utilisé par les particuliers pour assurer la rémunération des salariés occupant des emplois de services mentionnés à l'article L. 129-1, et pour la déclaration en vue du paiement des cotisations sociales.
"Le chèque-service ne peut être utilisé pour la rémunération des personnels qui consacrent tout ou partie de leur temps de travail à une activité contribuant à l'exercice de la profession de leur employeur, et pour le compte de celui-ci.
"Le chèque-service ne peut être utilisé qu'avec l'accord du salarié. Il se substitue à la remise du bulletin de paie prévue par l'article L. 143-3.
"Pour les emplois dont la durée de travail n'excède pas huit heures par semaine ou ne dépasse pas quatre semaines consécutives dans 1'année, l'employeur et le salarié qui utilisent le chèque-service sont réputés satisfaire aux obligations mises à la charge de l'un ou l'autre par les articles L. 122-3-1 et L. 212-4-3 ou par les articles 1031 et 1061 du code rural.
"Pour les emplois dont la durée dépasse celles définies ci-dessus, un contrat de travail doit être établi par écrit.
"La rémunération portée sur le chèque inclut une indemnité de congés payés dont le montant est égal à un dixième de la rémunération.
"Les chèques-service sont émis et délivrés par les établissements de crédit, ou par les institutions ou services énumérés à l'article 8 de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 relative à l'activité et au contrôle des établissements de crédit, qui ont passé convention avec 1'État.
"Les mentions figurant sur le chèque-service ainsi que ses modalités d'utilisation sont fixées par décret. "
"Art. L. 129-3.- Lorsque l'emploi de salariés par des particuliers
pour des services visés à l'article L. 129-1 à leur domicile, ou la prestation de tels services par une association ou une entreprise mentionnées au même article, fait l'objet d'une aide financière du comité d entreprise ou de l'entreprise en l'absence de comité d'entreprise, en faveur des salaries de celle-ci, les sommes ainsi versées, à l'exception de celles allouées aux gérants salariés et aux mandataires sociaux, n'ont pas le caractère de rémunération au sens de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale et pour l'application de la législation du travail, et sont exonérées de la taxe sur les salaires prévue à l'article 231 du code général des impôts. Elles sont soumises à l'impôt sur le revenu selon les règles fixées au a) du 5° de l'article 158 du même code.
"Par dérogation aux dispositions de l'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale, l'exonération de cotisations sociales prévue à l'alinéa précédent n'est pas compensée par le budget de l'État.
"Un décret en Conseil d'État fixe les conditions d'application du présent article, et notamment le montant maximum de l'aide ouvrant droit à l'exonération ci-dessus ainsi que les modalités de justification de la destination de cette aide."
Art. 3.
I - Au premier alinéa de l'article L. 952-1 du code du travail, les mots : "les personnes mentionnées au titre VII du livre VII du présent code" sont remplacés par les mots : "les personnes mentionnées aux chapitres premier et III du titre VII du livre VII du présent code".
II - Après l'article L. 952-5 du même code, il est inséré un article L. 952-6 ainsi rédigé :
"Art. L. 952-6.- Les employeurs occupant un ou plusieurs employés de maison visés au chapitre II du titre VII du livre VII du présent code, à l'exception des employeurs mentionnés à l'article L. 842-1 du code de la sécurité sociale, sont redevables de la contribution prévue à l'article L. 952-1.
"Celle-ci est versée à un organisme agréé mentionné à l'article L. 952-1.
"La contribution est recouvrée et contrôlée par les organismes chargés du recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales en même temps que les cotisations de sécurité sociale dues sur les rémunérations versées aux travailleurs salariés et assimilés, selon les mêmes règles et sous les mêmes garanties et sanctions. Les règles applicables en cas de contentieux sont celles prévues au chapitre II du titre IV du livre premier du code de la sécurité sociale. Le produit de la contribution est reversé à l'organisme visé au deuxième alinéa du présent article, après déduction de frais de gestion, selon des modalités fixées par arrêté conjoint du ministre chargé de la sécurité sociale et du ministre chargé de la formation professionnelle."
III - Les dispositions du II du présent article prennent effet le premier jour du trimestre civil suivant la publication de la présente loi.
Art. 4.
Après le deuxième alinéa de l'article L. 241-11 du code de la sécurité sociale est inséré un alinéa ainsi rédigé :
"Le bénéfice de ces dispositions ne peut être cumulé avec celui de l'exonération prévue au dernier alinéa de l'article L. 241-10."
Art. 5.
Le 1° de l'article 199 sexdecies du code général des impôts est modifié comme suit :
1° Au premier alinéa, les mots : "soit à une association agréée par l'État ayant pour objet la fourniture de services aux personnes à leur domicile" sont remplacés par les mots : "soit à une association ou une entreprise agréée par l'État ayant pour objet ou pour activité exclusive la fourniture des services définis à l'article L. 129-1 du code du travail" ;
2° Le troisième alinéa est remplacé par les dispositions suivantes :
"La réduction d'impôt est accordée sur présentation des pièces justifiant du paiement des salaires et des cotisations sociales, de l'identité du bénéficiaire, de la nature et du montant des prestations payées à 1'association, l'entreprise ou l'organisme définis au premier alinéa."
Art. 6.
L'article 5 de la loi quinquennale n° 93-1313 du 20 décembre 1993 relative au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle est abrogé.
Fait à Paris, le 22 novembre 1995
Signé : ALAIN JUPPÉ
Par le Premier ministre :
Le ministre du travail et des affaires sociales,
Signé : JACQUES BARROT